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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2005-A.-9 du 30 août 2005 relatif à une opération de marché sur le capital de France Télécom

Banque
Investissement et développement économique
Entrepreneuriat et startup
Déposé le 31 décembre 2998 à 23h00, publié le 22 septembre 2005 à 22h00
Journal officiel

Texte

La commission émet l'avis suivant :
I. - Par lettre du 29 août 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission en vue de la mise en oeuvre d'une opération de marché sur le capital de la société France Télécom, actuellement détenue à hauteur de 34,9 % par l'Etat français et l'ERAP.
L'opération envisagée consiste en une augmentation de capital avec attribution gratuite de bons de souscription d'actions (BSA) aux actionnaires actuels de France Télécom. Cette augmentation de capital, d'un montant prévu de 3 milliards d'euros, vise à contribuer au financement de l'acquisition par France Télécom de l'opérateur de téléphonie mobile espagnol Amena (du groupe Auna).
La souscription au prix fixé des nouvelles actions émises fera l'objet d'une garantie par un syndicat bancaire. Les BSA seront cotés sur le marché. A l'issue d'une période de souscription de neuf jours de Bourse, les BSA non exercés seront rachetés par France Télécom agissant en qualité de commissionnaire et les actions à provenir de l'exercice de ces BSA seront cédées sur le marché par le syndicat bancaire sous forme de placement accéléré (ABB).
L'Etat et l'ERAP ont l'intention de céder les BSA qui leur seront attribués. La vente d'un « droit préférentiel de souscription à une augmentation de capital » est une modalité d'opération sur le capital autorisée par l'article 1er de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations.
II. - L'article 7 de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom a ajouté France Télécom à la liste, annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, des entreprises dans lesquelles les participations de l'Etat seront transférées au secteur privé. Le transfert au secteur privé de France Télécom a été autorisé par le décret n° 2004-387 du 3 mai 2004 relatif au transfert du secteur public au secteur privé de la société France Télécom et a été réalisé par une cession d'actions sur le marché intervenue le 1er septembre 2004. Une cession ultérieure d'actions sur le marché a été réalisée en juin 2005.
Les opérations sur le capital de France Télécom sont réalisées dans le cadre du titre II de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 précitée conformément à l'article 1er-1-III de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, modifié par l'article 7 de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, qui dispose que la part détenue par l'Etat dans le capital de France Télécom est déterminée en tenant compte de la participation directe et indirecte (via l'ERAP) de l'Etat.
L'Etat français, directement ou à travers l'ERAP, détient aujourd'hui 34,9 % du capital de France Télécom. En mars 2003, France Télécom avait émis des titres à durée indéterminée remboursables en actions (TDIRA) réservés aux créanciers de MobilCom et sur lesquels la commission avait émis l'avis n° 2003-A.C.-1 du 24 février 2003. Certains de ces titres ont été rachetés par France Télécom. Le remboursement éventuel des titres non rachetés ainsi que l'exercice d'autres instruments ouvrant potentiellement droit au capital entraîneraient une dilution de la participation de l'Etat qui serait réduite à 32,5 %. De plus, conformément à la loi, une offre doit être prochainement faite aux salariés en accompagnement de la cession d'actions réalisée sur le marché en juin dernier par l'Etat.
L'Etat et l'ERAP ayant l'intention de céder les BSA qui leur seront attribués, la réalisation de l'opération examinée par le présent avis fera passer la participation, directe et indirecte, de l'Etat dans France Télécom à 32,9 %, soit au-dessous de la minorité de blocage de 33 1/3 %. Après prise en compte des titres potentiellement dilutifs et de l'offre aux salariés à venir, la participation de l'Etat serait proche de 30 %.
III. - La commission a présenté en détail le groupe France Télécom et ses résultats de l'exercice 2004 dans son avis n° 2005-A. du 3 juin 2005 (publié au Journal officiel du 9 juin 2005). France Télécom est l'opérateur téléphonique historique en France. Il propose l'ensemble des services de télécommunications aux particuliers, aux entreprises et aux opérateurs professionnels : téléphonie fixe et mobile, internet, multimédia, transmission de données. Présent dans 40 pays du monde il sert près de 130 millions de clients, dont plus de 50 % sont hors de France.
Le modèle de développement retenu par France Télécom est d'être un opérateur présent sur l'ensemble des supports (téléphone fixe, mobile et internet) et proposant à ses clients une offre intégrée de services.
Le 29 juin dernier, France Télécom a présenté le programme du groupe pour les trois années 2006 à 2008 (« NExT ») avec l'objectif de permettre aux clients d'accéder à un univers de services enrichis et simplifiés et au groupe de poursuivre sa transformation d'opérateur intégré soutenu par un modèle renouvelé de croissance. Les principaux éléments du programme NExT sont les suivants :
- la simplification des services au client et de l'architecture de marque (déploiement d'un portail unique, unification du service client, regroupement de la téléphonie mobile et de tous les services pour les entreprises sous la marque Orange) ;
- l'offre de nouveaux services convergents et innovants tant pour les particuliers (visiophonie, loisirs) que pour les entreprises (accès partout et à tout moment aux applications et services professionnels : « Business Everywhere ») ;
- la fixation pour 2008 de nouveaux objectifs opérationnels (notamment 5 à 10 % du chiffre d'affaires provenant d'offres convergentes, plus de 12 millions de clients pour le haut débit fixe ainsi que pour le haut débit mobile, plus d'un million de clients « Business Everywhere », plus d'un million de clients en France à MaLigne TV) ;
- la fixation de nouveaux objectifs financiers à horizon 2008 : croissance annuelle du chiffre d'affaires de 3 à 5 %, croissance légèrement supérieure de l'EBITDA, maintien du ratio investissements sur chiffre d'affaires à environ 12 %, réduction du rapport dette nette sur EBITDA à moins de 2.
IV. - L'exercice 2004 avait été marqué par la poursuite de l'amélioration des performances du groupe. L'exercice 2003 avait été celui du redressement après deux exercices lourdement déficitaires.
Fin juillet dernier, France Télécom a publié les résultats estimés du premier semestre 2005 qui ont été considérés par les analystes en ligne avec les prévisions tout en traduisant une accélération de la croissance organique du groupe. Le chiffre d'affaires de 23,7 milliards d'euros a progressé de 2,3 % par rapport au premier trimestre 2004 en données pro forma et de 4,5 % en données historiques. Cette croissance résulte principalement de la hausse, en particulier en France et en Pologne, des services de téléphonie mobile, avec un accroissement soutenu du nombre de clients, et de la hausse de l'internet à haut débit pour le grand public, ces deux éléments ayant plus que compensé la baisse des services fixes classiques aux particuliers et des services aux entreprises.
Les résultats du premier semestre 2005 montrent une amélioration de la rentabilité par rapport au premier semestre 2004 avec une marge brute opérationnelle en augmentation de 5,1 % en données pro forma (6,2 % en données historiques) et une hausse du résultat d'exploitation de 4,3 milliards à 6,5 milliards d'euros (incluant une plus-value de cession d'actifs de 1,2 milliard). Le résultat net, part du groupe, passe de 1 à 3,4 milliards d'euros.
Au 30 juin 2005, l'endettement financier net s'élève à 46,3 milliards d'euros contre 49,8 au 31 décembre 2004, soit un rapport entre dette nette et marge brute opérationnelle de 2,5.
Ces résultats ont permis à France Télécom de confirmer ses objectifs pour 2005, soit une croissance du chiffre d'affaires de 3 % à 5 %, une marge brute opérationnelle supérieure à 18,5 milliards d'euros, un ratio investissements sur chiffre d'affaires dans le haut de la fourchette de 10 % à 12 % et un ratio dette nette sur marge brute opérationnelle inférieur à 2,5.
V. - France Télécom a annoncé le 27 juillet dernier l'acquisition de 80 % de l'opérateur mobile Amena en Espagne.
Amena est la filiale de téléphonie mobile du groupe Auna, deuxième opérateur de télécommunications en Espagne. Les principaux actionnaires d'Auna sont les groupes Endesa, Santander et Union Fenosa, qui détiennent 83 % du capital.
Avec 9,7 millions de clients, Amena possède une part de marché de 24 % à fin juin 2005 qui le place au troisième rang en Espagne après Telefónica et Vodafone.
L'objectif de France Télécom est, dans le cadre de la stratégie du groupe, de créer un opérateur intégré de premier plan en Espagne, qui est considérée comme l'un des marchés les plus attractifs d'Europe, en fusionnant Amena avec l'activité internet qu'il exerce déjà sous la marque Wanadoo. L'ensemble compterait à fin 2005 environ 11,8 millions de clients, un chiffre d'affaires de 4,1 milliards d'euros et une marge brute opérationnelle de 1,2 milliard.
L'acquisition d'Amena s'effectue en numéraire pour un prix de 6,4 milliards d'euros, 3 milliards devant être refinancés grâce à une augmentation de capital que France Télécom a choisi de réaliser sur le marché.
France Télécom a indiqué que la transaction sera relutive en termes de cash-flow disponible par action et de bénéfice net par action après douze mois.
VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de France Télécom en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeurs des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
Elle a disposé à cette fin des rapports d'évaluation établis par les banques conseils de l'Etat et de France Télécom. Ces rapports recourent aux principales méthodes suivantes :
- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été étudiés et appliqués aux agrégats de France Télécom. Les multiples qui ont été jugés les plus significatifs sont ceux d'excédent brut d'exploitation (EBITDA) et de flux de trésorerie opérationnelle (EBITDA moins investissements). Quatre sociétés cotées européennes du secteur des télécommunications ont été retenues comme les plus comparables à France Télécom : Deutsche Telekom, Telecom Italia, Telefónica et KPN. Tous les éléments ont été pris en compte selon les normes comptables IFRS afin d'assurer la comparabilité ;
- l'actualisation des flux futurs de trésorerie repose sur les éléments d'un plan prévisionnel 2005-2008 élaboré par France Télécom et qui correspond au plan d'affaires établi dans le cadre du plan NExT. A l'issue de la période couverte par le plan, une année normative est définie et un taux de croissance à l'infini des cash-flows lui est appliqué. Du fait du faible nombre d'années couvertes par le plan, la valeur terminale représente environ les trois quarts de l'évaluation.
Les banques-conseils ont analysé la sensibilité de l'évaluation à des variations des paramètres financiers (taux d'actualisation, croissance à l'infini des cash-flows) ainsi que des paramètres opérationnels (évolution moins favorable des parts de marché et du revenu par client avec le durcissement de la concurrence).
Les évaluations résultant des différentes méthodes s'avèrent suffisamment convergentes.
La banque-conseil de l'entreprise présente également à la commission, à titre informatif, des évaluations d'Amena dont France Télécom va prendre le contrôle et pour l'acquisition duquel l'augmentation de capital est un élément de financement.
VII. - Depuis la cession au début de septembre 2004 d'actions par l'Etat, le cours de France Télécom a fortement progressé jusqu'en décembre, gagnant plus de 20 %. Il s'est ensuite maintenu autour de 24 par action jusqu'à mi-février 2005. Après la publication des résultats de l'exercice 2004, le cours a connu une légère baisse pour se situer aux alentours de 23 jusqu'à fin juin, la cession d'actions par l'Etat début juin n'ayant pas sensiblement affecté le titre. Depuis fin juin 2005, le cours a connu une hausse soutenue en deux étapes : fin juin avec la présentation du plan NExT et fin juillet avec l'annonce de l'acquisition d'Amena et la publication des résultats du premier semestre du groupe. Le cours se maintient depuis lors autour de 25 par action.

Sur les douze derniers mois, l'action France Télécom a progressé de 30,4 % et elle a surperformé l'indice CAC 40 de 2,8 %. Par rapport à ses comparables les plus proches, notamment Deutsche Telekom, Telefónica et Telecom Italia, l'action France Télécom a réalisé une meilleure performance sur un an, se situant en permanence parmi les valeurs les plus recherchées du secteur.
Les principaux facteurs positifs pour France Télécom relevés en général par les analystes financiers sont la base d'actifs de qualité en France, en Pologne, au Royaume-Uni et désormais en Espagne, la forte capacité de génération de cash-flow, la réussite de la restructuration du groupe grâce au plan TOP, la mise en place d'un nouveau modèle économique cohérent d'opérateur intégré, centré sur le client et l'innovation technologique. Les incertitudes mentionnées le plus fréquemment portent sur l'évolution du secteur en général (perspectives de croissance, pression concurrentielle, érosion des tarifs) et sur des éléments diversement appréciés propres au groupe (rentabilisation des services aux groupes internationaux, capacité à dégager de nouvelles marges d'amélioration des résultats). Comme mentionné plus haut, les informations récentes sur France Télécom ont été bien accueillies (plan NExT, achat d'Amena, résultats semestriels). Au total, les analystes financiers émettent des recommandations positives.
La commission observe que France Télécom a désormais mené à bien le redressement de sa situation financière et la mise en oeuvre de son plan d'économies et d'augmentation de la génération de flux de trésorerie. Du point de vue stratégique, le groupe est précurseur dans le déploiement d'une politique d'opérateur intégré privilégiant le client et l'innovation technologique. Le plan NExT vise à renforcer cette évolution en s'appuyant sur les atouts solides du groupe et avec un objectif d'accroissement de la rentabilité. France Télécom dispose ainsi de fondamentaux favorables.
L'acquisition en Espagne de l'opérateur mobile Amena s'inscrit dans cette stratégie en venant compléter l'offre déjà présente de France Télécom dans ce pays au marché attractif. Les conditions de cette acquisition ne sont pas de nature à modifier significativement la valeur présente de France Télécom et cette opération ouvre des perspectives opérationnelles et financières positives, à travers notamment les synergies attendues.
L'avenir du groupe France Télécom n'est toutefois pas sans risques car il dépend nécessairement de l'évolution d'ensemble difficilement prévisible d'un secteur appelé à connaître des évolutions technologiques importantes et une concurrence sans cesse renforcée, comme en témoignent les analyses de sensibilité faites par les banques-conseils.
En conséquence, la commission ne voit pas de raison majeure de modifier son évaluation de juin dernier.
VIII. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et au vu des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de France Télécom ne saurait être inférieure à 50 milliards d'euros pour 2 468 160 380 actions composant le capital social, soit 20,26 euros par action.