La commission émet l'avis suivant :
I. - Par lettre en date du 29 mars 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de la Compagnie des Alpes au moyen de la cession par C3D (Caisse des dépôts développement), filiale de la Caisse des dépôts et consignations, d'un bloc de titres représentant 12,7 % du capital.
Sur base consolidée, la Compagnie des Alpes emploie environ 3 100 personnes et a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires de 377,8 millions d'euros. La cession projetée entre donc dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée. Conformément aux dispositions dudit article, l'autorisation de cession ne peut être accordée si le prix de cession est inférieur à la valeur fixée par la commission ou si les intérêts nationaux ne sont pas préservés. Il doit être également tenu compte de l'incidence des charges qui, le cas échéant, demeurent pour le secteur public après la cession.
II. - La Compagnie des Alpes est détenue à hauteur de 52,7 % par C3D qui est une société holding entièrement détenue par la Caisse des dépôts et consignations. Les autres principaux actionnaires sont la société Alpark (13,3 % du capital) et trois banques régionales (4,5 %). La société est cotée sur le second marché de la Bourse de Paris depuis 1994.
La Compagnie des Alpes est le leader mondial de l'exploitation des domaines skiables d'altitude avec plus de 13 millions de journées skieurs et 28 % de part de marché en France. Cette activité représente 66 % du chiffre d'affaires du groupe. Son mode d'exploitation en France prend principalement la forme de concession de service public à long terme par les communes, groupements de communes ou départements, comprenant la responsabilité des remontées mécaniques, de l'entretien des pistes et de l'accueil sur les sites. Les recettes sont constituées des ventes de forfaits et les charges sont représentées par les investissements, les dépenses de personnel et les redevances et taxes locales. Les stations gérées les plus importantes en chiffre d'affaires sont La Plagne, Tignes, Les Arcs et Les Menuires. Le groupe s'est également étendu à l'étranger, en Italie (Courmayeur) et en Suisse (participation dans Televerbier et Saas-Fee, Valais), avec la pleine propriété des exploitations. L'activité de vente de matériel de ski, qui avait été développée, a été cédée en 2003.
En 2002, la Compagnie des Alpes a décidé de se diversifier vers les parcs de loisirs en vue de désaisonnaliser son activité et de dynamiser son potentiel de croissance externe. Elle a ainsi acquis, par offre publique d'achat, Grévin et Cie, le premier groupe français dans le domaine du divertissement familial, dont les deux principaux sites sont le Parc Astérix (1,8 million de visiteurs, ouverture exclusivement estivale) depuis l'origine et le dolfinarium de Harderwijk, aux Pays-Bas, acquis en 2001. Ces activités représentent désormais 34 % du chiffre d'affaires du groupe Compagnie des Alpes.
Le groupe clôt son exercice comptable au 30 septembre. L'exercice clos au 30 septembre 2003 fait apparaître un chiffre d'affaires de 377,8 millions d'euros, un résultat d'exploitation de 66,6 millions et un résultat net part du groupe de 29,1 millions. Le chiffre d'affaires et le résultat net ont depuis quatre ans progressé d'environ 20 % par an.
Les capitaux propres du groupe s'élèvent au 30 septembre 2003 à 303,9 millions d'euros et l'endettement financier net à 280,2 millions. Depuis lors, la cession des magasins de ski en novembre 2003 a réduit l'endettement de 24 millions.
Le chiffre d'affaires du premier trimestre de l'exercice 2003-2004 est en hausse, à périmètre comparable, de 4 %.
III. - Dans le cadre d'une rationalisation de son portefeuille de participations, la Caisse des dépôts et consignations a décidé de réduire au-dessous de 50 % sa participation indirecte via C3D dans la Compagnie des Alpes au moyen de la cession d'un bloc d'actions représentant 12,7 % du capital, ramenant ainsi sa part dans le capital à environ 40 %.
C3D est intervenu en fonds propres dès l'origine pour la constitution de la Compagnie des Alpes en 1989, à une époque où le secteur connaissait une crise sérieuse. C3D a soutenu le développement de la société dans l'exploitation du domaine skiable, facteur essentiel de l'activité des régions concernées, puis a accompagné en 2002 la Compagnie des Alpes dans l'acquisition de Grévin et Cie, qui lui permettait une réorientation stratégique dans une activité contrasaisonnière par rapport au ski.
Après avoir mené à bien ces objectifs, le groupe Caisse des dépôts estime désormais que les deux pôles d'activité de la Compagnie des Alpes nécessitent des investissements importants auxquels doivent pouvoir être associés des agents économiques privés, comme pour les autres entreprises du secteur.
C3D a annoncé publiquement en mars 2003 son intention de céder des actions de la Compagnie des Alpes. Il a en conséquence recherché des investisseurs qui soient à même, en terme d'image et de capacité financière, de se substituer à lui aux yeux des partenaires économiques de la Compagnie des Alpes, qu'il s'agisse des autorités concédantes locales, des prêteurs et des investisseurs financiers. Un prix valorisant le passage de C3D au-dessous de 50 % devait aussi être obtenu, c'est-à-dire comprenant une prime par rapport au cours de bourse.
Un certain nombre d'investisseurs, de nature bancaire ou financière, ont manifesté leur intérêt auprès de C3D qui a lui-même sollicité directement d'autres candidats potentiels. Les personnes intéressées, sous réserve d'un accord de confidentialité, pouvaient participer à des discussions et demander à accéder à une data room. A l'issue des discussions, seuls trois candidats se sont déclarés disposés à accepter les conditions de cession proposées par C3D : acquisition d'une part minoritaire du capital sur la base d'une référence au cours de bourse majoré d'une prime, sans contrepartie commerciale ni pacte visant une majorité dans le cadre d'un concert avec C3D.
Les trois acquéreurs retenus pour l'achat de 12,7 % du capital de la Compagnie des Alpes sont ainsi :
- le Crédit agricole des Savoie pour 6,1 % ;
- la Caisse nationale des caisses d'épargne pour 4,3 % ;
- la Banque populaire des Alpes pour 2,3 %.
(Les demandes initiales des acquéreurs ont été réduites proportionnellement.)
Les contrats de cession ont été signés le 21 avril 2004 sous la forme de transactions hors marché, conformément aux dispositions de l'article 4-1-32 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Le prix convenu pour la vente sera payé comptant par les acquéreurs et aucune garantie n'est donnée par C3D.
IV. - Lors de l'acquisition par la Compagnie des Alpes de Grévin et Cie, en juillet 2002, le groupe Halley, via la société Alpark, est entré à hauteur de 13,3 % dans le capital de la Compagnie des Alpes pour concourir au financement de cette opération. C3D et Alpark ont mis en place une action de concert alors dûment publiée. Dans ce cadre, les parties s'accordaient en cas de cession de leurs participations un droit de premier refus réciproque.
La nouvelle orientation décidée par C3D quant à sa participation dans la Compagnie des Alpes a amené les parties à conclure qu'il devait être mis fin à leurs accords. Une convention, qui a été présentée à la commission, a été conclue par laquelle, sous condition de réalisation du transfert au secteur privé, les parties seront déliées de leurs engagements réciproques, sous réserve du versement d'une indemnité compensatrice par C3D. A cette occasion, Alpark cédera sa participation dans la Compagnie des Alpes à des investisseurs financiers.
V. - Conformément à la loi, la commission a disposé du rapport d'évaluation de la Compagnie des Alpes établi par un expert indépendant.
L'expert a analysé les caractéristiques du marché de l'action de la Compagnie des Alpes et conclut que le cours de bourse peut être valablement retenu comme référence.
Il a par ailleurs procédé à l'estimation de la valeur intrinsèque de la société selon trois méthodes et en distinguant dans chacune d'elles l'exploitation des domaines skiables et l'activité de divertissement familial :
- l'actualisation des flux nets disponibles de trésorerie ; le calcul se base sur le plan d'affaires 2004-2008 de l'entreprise dont l'expert a vérifié la cohérence et qu'il a prolongé jusqu'en 2011 afin de mieux intégrer l'impact des investissements normatifs dans le domaine skiable et de prendre en compte les degrés de maturité différents des deux marchés de l'entreprise ; la valeur résiduelle a été calculée sur la base d'un flux de trésorerie normatif en 2011 ;
- l'application des multiples boursiers de sociétés cotées comparables : l'expert étudie les sociétés comparables dans les deux secteurs d'activité de l'entreprise, tant en Europe qu'aux Etats-Unis ; il estime au total que seul Skistar (société suédoise cotée) constitue un comparable valable pour l'activité dans les domaines skiables et étudie ses multiples de chiffre d'affaires et d'excédent brut d'exploitation ;
- l'application des multiples boursiers résultant de transactions comparables : pour les domaines skiables, trois transactions récentes en Europe sont étudiées sur la base des multiples de chiffre d'affaires et d'excédent brut d'exploitation tandis que pour les parcs de loisirs six transactions comparables sont étudiées sur la base des mêmes multiples.
Les résultats de ces différentes méthodes s'avèrent suffisamment convergents et ils permettent à l'expert de présenter une fourchette d'évaluation pour la Compagnie des Alpes.
VI. - La commission constate que la cession à laquelle il est procédé était encadrée par certaines contraintes, liées surtout à l'importance de l'activité exercée par la Compagnie des Alpes pour l'économie locale. Dans ce cadre, le vendeur a recherché de façon objective les investisseurs pouvant accepter ces conditions et prêts à payer un prix comportant une prime par rapport au cours de bourse.
Le cours de bourse de l'action Compagnie des Alpes a connu une évolution favorable tant à long terme qu'à court terme, traduisant les succès de la société dans son développement. Le cours a progressé régulièrement de 1996 à 2001, passant de moins de 25 EUR à près de 50 EUR. Il a connu au cours du second semestre 2001 une vigoureuse accélération, se maintenant au-dessus de 55 EUR pendant le premier semestre 2002. Après une période moins favorable de l'été 2002 à l'été 2003, il a repris ensuite une forte orientation à la hausse qui le situe aux environs de 65 EUR depuis le début de l'année 2004.
La commission a évalué la Compagnie des Alpes en, d'une part, prenant en compte l'existence d'une prime justifiée par la perte de majorité de C3D, et en vérifiant, d'autre part, que cette prime couvre le coût de l'indemnisation d'Alpark, de telle manière que l'équilibre de la transaction soit incontestable en termes patrimoniaux. Cette valeur est un peu supérieure à l'évaluation présentée par l'expert indépendant.
Le niveau de prix obtenu se traduit pour C3D par une plus-value significative compte tenu du prix de revient de sa participation dans la Compagnie des Alpes.
VII. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission estime que la valeur de la Compagnie des Alpes ne saurait être inférieure à 69 EUR par action soit environ 425 millions d'euros pour 6 156 494 actions composant le capital social.
Constatant que le prix par action convenu par les parties pour la cession de 12,7 % du capital est au moins égal à cette évaluation, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser le transfert au secteur privé de la Compagnie des Alpes (1).