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Avis n° 2020-01 du 29 janvier 2020 relatif à deux projets de décrets précisant les modalités d'application de l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard

Médias
Loisirs
Consommateurs
Déposé le 28 janvier 2020 à 23h00, publié le 5 novembre 2020 à 23h00
Journal officiel

Texte

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 18 ;
Vu la saisine du ministre de l'action et des comptes publics du 18 novembre 2019, complétée le 11 décembre 2019 ;

Après en avoir délibéré le 29 janvier 2020,
Emet l'avis suivant :
En application de l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a été saisi pour avis par le ministre de l'action et des comptes publics, les 18 novembre et 11 décembre 2019, d'un projet de décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités de mise à disposition de l'offre de jeux et des données de jeux et d'un projet de décret relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux.
I. - En ce qui concerne le projet de décret relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel souscrit à l'économie générale de ce projet de décret dont les dispositions, tant relatives à la diffusion des messages de mise en garde qu'au contenu des communications commerciales, semblent de nature à renforcer la protection du public contre les risques liés à la pratique des jeux d'argent et de hasard. Il formule toutefois les quelques observations suivantes.
A. - Sur la section 2 du chapitre préliminaire inséré au début du titre II du livre III du code de la sécurité intérieure
1. Sur le projet d'article D. 320-3 du code de la sécurité intérieure
Ces dispositions reprennent celles de l'article 2 du décret du 8 juin 2010 relatif à la réglementation des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard ainsi qu'à l'information des joueurs quant aux risques liés à la pratique du jeu, dont l'application est limitée aux seules salles de spectacles cinématographiques. Le Conseil se félicite de l'ajout des services de communication audiovisuelle dans le périmètre de ces dispositions. Ces dernières appellent de sa part les commentaires suivants :



- en vertu du 1er alinéa de l'article D. 320-3, les dispositions de cet article auraient vocation à concerner l'ensemble des services de communication audiovisuelle, radio incluse. Or, le Conseil observe que la radio fait l'objet de dispositions spécifiques précisées à l'article D. 320-4. Par souci de clarté, il propose de limiter expressément la portée de l'article D. 320-3 aux salles de spectacle cinématographiques et aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande, en remplaçant les mots : « communication audiovisuelle » par les mots : « télévision et les services de médias audiovisuels à la demande » à son 1er alinéa ;
- le 1° de l'article D. 320-3 impose le maintien du bandeau d'information pendant toute la durée d'émission du « message publicitaire », alors que ces dispositions devraient s'appliquer, conformément au 1er alinéa du même article, aux « messages publicitaires, de parrainage ou promotionnels ». Le Conseil propose en conséquence de remplacer, au 1° de l'article D. 320-3, les mots : « du message publicitaire » par les mots : « de la communication commerciale ». Par souci de cohérence, il serait alors souhaitable de remplacer, au 1er alinéa de l'article D. 320-3, les mots : « messages publicitaires, de parrainage ou promotionnels » par les mots : « communications commerciales ». Cette terminologie paraît d'autant plus appropriée aux services de médias audiovisuels qu'en vertu du h du 1. de l'article 1er de la directive 2010/13 UE du 10 mars 2010 dite « services de médias audiovisuels », les communications commerciales audiovisuelles désignent notamment la publicité, le parrainage, le téléachat et le placement de produit. A l'inverse, l'expression « messages promotionnels » ne renvoie à aucune notion juridiquement consacrée en droit de l'audiovisuel ;
- le 1° de l'article D. 320-3 impose le respect d'une cote minimale applicable au bandeau consacré à la diffusion du message de mise en garde, correspondant à 7 % de la hauteur de l'écran ; le Conseil estime que le choix d'une telle proportion devrait permettre d'assurer l'accessibilité des informations concernées dans des conditions satisfaisantes pour le public ; il note au surplus que dans un contexte d'évolution législative susceptible de se traduire par l'autorisation prochaine du recours à des moyens de séparation spatiale entre les contenus éditoriaux et publicitaires à l'occasion des retransmissions de manifestations sportives (diffusion simultanée d'un programme et d'une publicité sur un écran partagé), la référence à la notion d'écran, qui conduira les éditeurs à indexer la dimension du message de mise en garde sur la hauteur de la surface totale d'affichage et non du seul espace dédié à la diffusion de la communication commerciale, semble la plus appropriée à la diffusion d'une information suffisamment accessible pour le public ;
- le Conseil estime qu'il conviendrait de prévoir une durée minimale de maintien à l'antenne de l'écran prévue au 2° de l'article D. 320-3 précité, afin de garantir la bonne information du public. Une durée de 5 secondes permettrait en tout état de cause de satisfaire cet objectif ;
- aux termes du premier alinéa de l'article D. 320-2 : « Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard est assortie d'un message de mise en garde contre les risques liés à la pratique du jeu ». Le Conseil considère que, dans son application au parrainage télévisé, cette règle générale mériterait d'être précisée. En effet, en vertu du décret du 27 mars 1992, le parrainage d'une émission télévisée peut donner lieu à plusieurs mentions du parrain. Outre l'identification obligatoire de l'émission parrainée, possible au début, à la fin ou au cours de cette dernière, la mention du parrain peut également intervenir au cours de l'émission parrainée. Les bandes-annonces relatives aux émissions parrainées peuvent également donner lieu à de telles mentions. Dans cette mesure, pour éviter toute ambigüité et garantir la meilleure information possible des téléspectateurs, le Conseil propose de préciser expressément qu'en matière de parrainage télévisé, l'obligation relative à la diffusion du message de mise en garde doit s'appliquer à chaque mention du parrain dans le cadre de l'émission parrainée (identification et rappels éventuels du parrainage) ainsi que, le cas échéant, dans les bandes-annonces. Des dispositions pourraient à cette fin être ajoutées au 1° de l'article D. 320-3, pour prévoir que « s'agissant du parrainage à la télévision, le message de mise en garde est diffusé à chaque mention du parrain y compris celle intervenant dans le cadre de l'émission parrainée ainsi que, le cas échéant, dans les bandes-annonces » ;
- le Conseil estime que les modalités d'information du public prévues par les 1° et 2° de l'article D. 320-3 pourraient s'avérer inadaptées aux spécificités du placement de produit, dont le recours par les services de communication audiovisuelle est autorisé par l'article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986. Le Conseil recommande, dans l'hypothèse où de telles communications commerciales seraient effectuées en faveur des produits ou services d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard dans les programmes des services de télévision ou des services de médias audiovisuels à la demande, de prévoir que la diffusion du message de mise en garde intervienne immédiatement après le programme ayant donné lieu au placement de produit, sous la forme d'un écran maintenu à l'antenne pendant une durée minimale de 5 secondes. Ces règles pourraient être précisées dans un alinéa ajouté à l'article D. 320-3, dans le but de prévoir que « pour le placement de produit à la télévision et sur les services de médias audiovisuels à la demande, le message de mise en garde est diffusé immédiatement après le programme ayant donné lieu au placement de produit, dans un écran maintenu à l'antenne pendant une durée minimale de 5 secondes » ;



2. Sur le projet d'article D. 320-4 du code de la sécurité intérieure
La souplesse prévue pour la radio à l'article 3 du décret précité du 8 juin 2010 concernant, dans le cadre du parrainage radiophonique, la diffusion du message de mise en garde dans l'écran publicitaire suivant immédiatement l'émission parrainée, ou pendant l'émission, si la longueur de celle-ci le justifie, n'a pas été reprise à l'article D. 320-4.
Le Conseil propose de reconduire cette faculté, justifiée par la spécificité du média radio, tout en apportant une précision relative à la nécessité de ne pas excéder une durée maximale de 15 minutes entre la diffusion du parrainage et celle du message de mise en garde. Ces compléments pourraient faire l'objet d'un nouvel alinéa à l'article D. 320-4.
Par ailleurs, par souci de cohérence avec les modifications suggérées à l'article D. 320-3, il est également proposé de remplacer les mots : « messages publicitaires ou promotionnels » par les mots : « communications commerciales ». Si cette proposition devait être suivie, il conviendrait de coordonner la fin de la phrase en supprimant les mots : « le message publicitaire ».
3. Sur le projet d'article D. 320-5 du code de la sécurité intérieure
La règle prescrite par les dispositions de l'article D. 320-5 revêt, faute de précision contraire, une portée générale applicable à l'ensemble des supports. Or, le Conseil s'interroge sur la nécessité ainsi prévue que le message de mise en garde respecte les principes fixés aux articles D. 320-8 et D. 320-9 compte tenu de ce que :



- l'article D. 320-8 fixe les conditions de diffusion des messages de mise en garde associés aux communications commerciales diffusés par voie de communication au public en ligne. Si cet article dispose que le message de mise en garde doit apparaître en même temps que la communication commerciale qui donne lieu à sa diffusion, la question du moment de la diffusion du message de mise en garde est d'ores et déjà réglée, pour chaque support, par les dispositions qui s'y rapportent. Par ailleurs, si le 2e alinéa de l'article D. 320-8 prévoit que le message « est présenté de manière accessible et aisément lisible, conforme à sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire qui l'accompagne », cette exigence est formulée dans les mêmes termes au 2e alinéa de l'article D. 320-2, applicable à l'ensemble des supports ;
- l'article D. 320-9 prévoit de nouvelles obligations de contenu applicables aux communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard. Or, le Conseil considère qu'il n'est pas nécessaire de prévoir que le message de mise en garde, dont « le contenu, les modalités d'affichage et de diffusion » doivent être précisés, en vertu du 3e alinéa de l'article D. 320-2, par un arrêté du ministre chargé de la santé, doive également respecter des dispositions applicables au contenu des communications commerciales.



L'article D. 320-5 prévoit par ailleurs que la présentation du message de mise en garde respecte « les bonnes pratiques définies par la profession et le Conseil supérieur de l'audiovisuel ». Le Conseil s'interroge sur l'opportunité de maintenir ces dispositions dans la mesure où, comme indiqué ci-avant, le 3e alinéa de l'article D. 320-2 renvoie au ministre chargé de la santé le soin de définir par arrêté « le contenu, les modalités d'affichage et de diffusion » du message de mise en garde. Par ailleurs, le Conseil note qu'en tout état de cause, le message de mise en garde devra être « présenté de manière accessible et aisément lisible, conforme à sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire qui l'accompagne ».
L'ensemble de ces raisons conduisent le Conseil à proposer la suppression de l'article D. 320-5. Si ce dernier devait toutefois être maintenu, le Conseil propose d'y apporter les modifications rédactionnelles suivantes :
« La présentation du message de mise en garde mentionné à l'article D. 320-2 respecte les principes fixés aux articles D. 320-8 et D. 320-9 ainsi que, s'agissant des services de médias audiovisuels, les bonnes pratiques définies par la profession sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel ».
B. - Sur la section 3 du Chapitre préliminaire inséré au début du titre II du livre III du code de la sécurité intérieure
1. Le Conseil se félicite de ce que l'ensemble des nouvelles obligations de contenu auxquelles les communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard devront satisfaire en vertu de cette section 3 paraissent de nature à renforcer la protection des consommateurs face aux risques liés à la pratique excessive des jeux d'argent et de hasard.
2. Le titre de cette section indique se rapporter à des interdictions de communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard « sur certains médias ». Toutefois, la généralité des dispositions qu'il comporte invite à considérer que les mesures en cause seront applicables, tous supports considérés. Le Conseil propose en conséquence d'intituler la section considérée de la manière suivante : « Interdictions relatives aux communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard ».
3. Sur le projet d'article D. 320-10 du code de la sécurité intérieure
a) Le 1° de l'article D. 320-10 a pour objet d'interdire, au sein des communications commerciales en faveur d'opérateurs de jeux d'argent et de hasard, « toute mise en scène de mineurs ou toute représentation de mineurs en situation d'achat ». Si le Conseil note avec satisfaction que ces dispositions contribueront à lutter contre les incitations des mineurs à jouer à des jeux d'argent et de hasard, il estime utile d'en élargir la portée en interdisant « toute apparition ou référence » à des mineurs en leur sein. Outre qu'une telle rédaction présenterait une cohérence avec le régime d'interdiction quasi-absolue de la participation des mineurs à de tels jeux d'argent et de hasard, elle permettrait d'éliminer toute ambigüité susceptible de résulter d'une possible interprétation des notions de « mise en scène » et de « représentation de mineurs en situation d'achat ».
b) Compte tenu de l'utilisation du terme « publicité » aux 2° et 4° de l'article D. 320-10, les restrictions envisagées par ces dispositions n'auraient vocation à concerner que les messages publicitaires, à l'exclusion des autres formes de communications commerciales, telles que le parrainage notamment. Afin d'y remédier, le Conseil propose de substituer les mots : « tout contenu » aux mots : « toute publicité » dans les dispositions en cause.
C. - Sur les autres dispositions du projet de décret relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux
Les autres dispositions du projet de décret relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux n'appellent pas d'observations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
II. - En ce qui concerne le projet de décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités de mise à disposition de l'offre de jeux et des données de jeux
Les dispositions du projet de décret relatif aux modalités de mise à disposition de l'offre de jeux et des données de jeux n'appellent pas d'observations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 29 janvier 2020.




Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :


Le conseiller,


N. Curien