I. - 1. Amnistie en raison de la nature de l'infraction (art. 1er à 6)
La loi porte tout d'abord, comme les lois précédentes, amnistie de toutes les contraventions de police (art. 1er), sous réserve, cependant, de l'exclusion des contraventions du code de la route entraînant, en application de l'article R. 256, un retrait de plus de trois points du permis de conduire. Elle prévoit aussi l'amnistie des contraventions de grande voirie (art. 6).
La loi porte également amnistie de droit de certains délits commis avant le 18 mai 1995.
Il s'agit en premier lieu des délits punis uniquement d'une peine d'amende (art. 2, alinéa 1er). Afin de simplifier l'application de cette disposition traditionnelle, la loi prévoit expressément, consacrant en cela la jurisprudence, que l'amnistie ne jouera qu'en l'absence de << toute autre peine ou mesure >> prévue par la loi. Ainsi, par exemple, si une mesure de fermeture ou une confiscation sont encourues, l'amnistie prévue à l'article 2 ne jouera pas.
Sont également amnistiés les délits commis dans des circonstances particulières. Toutefois, afin de prendre en compte la correctionnalisation, par le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, de nombreux crimes, cette amnistie de droit n'est pas applicable aux délits passibles d'une peine de dix ans d'emprisonnement (1) (art. 2, alinéa 2).
Les délits concernés par cette amnistie de droit sont:
- les délits commis à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés ou d'agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics (art. 2 [1o]);
- les délits commis à l'occasion de conflits relatifs aux problèmes de l'enseignement ainsi que ceux commis en relation avec la production d'oeuvres ou de logiciels à des fins exclusivement pédagogiques (art. 2 [2o]);
- les délits commis à l'occasion de conflits à caractère agricole, rural,
industriel, artisanal ou commercial, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics (art. 2 [3o]);
- les délits commis en relation avec des élections de toute sorte, à l'exception de ceux commis en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis politiques (art. 2 [4o]);
- les délits de presse, à l'exception de ceux ayant un caractère raciste ou apologétique des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou de terrorisme qui sont exclus du bénéfice de l'amnistie (art. 2 [5o] et 25 [16o]);
- les délits commis en relation avec la défense des droits et intérêts des Français rapatriés d'outre-mer (art. 2 [6o]).
La principale innovation de ce texte par rapport à celui du 20 juillet 1988 consiste dans le sort fait aux délits commis en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis politiques. En effet, l'amnistie en raison de la nature de l'infraction ne jouera pas pour ces faits. Le législateur a, suivant ainsi le projet du Gouvernement, fait un choix inverse de celui de 1988. Il est en effet apparu qu'en cette matière les procédures doivent aller normalement à leur terme. Ces faits seront éventuellement amnistiables au quantum, dans les conditions de droit commun, sous réserve des faits de corruption au sens large exclus de l'amnistie par l'article 25 (4o) de la loi (2).
Conformément à la tradition, sont également amnistiées un certain nombre d'infractions au code de justice militaire et au code du service national (art. 3, 4 et 5), sous réserve, lorsqu'elle est juridiquement possible, de la régularisation de la situation des intéressés avant le 31 décembre 1995.
Les infractions ainsi amnistiées sont moins nombreuses que par le passé. Il apparaît en effet que certaines d'entre elles ne sont plus poursuivies, en raison notamment de l'évolution de notre société (par exemple l'abus de pouvoir en matière de réquisition visé à l'article 463 du code de justice militaire). D'autres ne sont pas amnistiées en raison de leur trop grande gravité (notamment la désertion en temps de guerre prévue par l'article 407, la destruction volontaire d'une arme prévue par l'article 430 ou les violences contre une sentinelle visées à l'article 456).
Vous voudrez bien veiller, en étroite liaison avec l'autorité militaire, à ce que les personnes concernées, notamment celles qui sont détenues, soient informées des possibilités de régularisation de leur situation, et vérifier le moment venu la réalité de cette régularisation pour constater l'amnistie et en informer le casier judiciaire.