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Circulaire du 6 février 1995 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits

Justice et droit
Institutions publiques
Consommateurs
Déposé le 5 février 1995 à 23h00, publié le 14 février 1995 à 23h00
Journal officiel

Texte

La transaction allège la charge de travail des juridictions

La transaction peut contribuer à l'efficacité des procédures contentieuses. Elle peut en effet prévenir de nombreux litiges d'une même nature. Ce résultat a été obtenu en matière d'accidents de la circulation. Il peut être obtenu, par exemple, dans le secteur de la responsabilité contractuelle. La réduction du nombre de procès permet de réduire les délais de jugement.
En outre, parce qu'elle permet de traiter, sans recours au juge, les litiges où les questions de fait l'emportent sur des questions de droit, la transaction permet de ne renvoyer aux juridictions que le traitement des litiges qui posent un problème juridique sérieux.
Enfin, la démarche transactionnelle et la démarche contentieuse, loin de s'opposer, se complètent et se confortent mutuellement. Une administration qui procède à un examen soigneux des réclamations dont elle est saisie afin de pouvoir, lorsque les circonstances de fait et de droit y conduisent,
proposer une solution transactionnelle, ne sera amenée à privilégier la voie contentieuse qu'à bon escient. Dans ces conditions, les chances de voir les procédures contentieuses auxquelles elle est partie aboutir favorablement seront augmentées. Cette situation sera de nature à renforcer sa capacité de négociation lorsqu'elle engage une démarche amiable.

Je souhaite donc que vos services s'efforcent de recourir à la transaction pour résoudre les conflits dans tous les cas où, compte tenu des circonstances de fait et de droit, il apparaît clairement que l'Etat a causé un préjudice et doit l'indemniser.
Vous trouverez, en annexe à la présente circulaire, le rappel des règles qui s'appliquent à l'administration en matière de transaction. Vos collaborateurs pourront obtenir, auprès de l'agence judiciaire du Trésor, des renseignements complémentaires pour les guider dans ce domaine. Compte tenu de l'expérience de ce service, il pourrait d'ailleurs être souhaitable que vous organisiez,
en liaison avec l'agence, des actions de formation permettant de familiariser les agents avec les règles et les techniques de la transaction.

Paris, le 6 février 1995.

La transaction permet une gestion économe des deniers publics

A N N E X E


1. Principes généraux concernant la transaction


1.1. Définition de la transaction

La transaction est définie par l'article 2044 du code civil comme << un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit >>.
Il faut distinguer cette notion de concepts voisins comme la conciliation,
la médiation et l'arbitrage:
- la conciliation et la médiation sont des procédures visant au règlement amiable d'un différend avant qu'une procédure juridictionnelle ne soit entamée ou menée à son terme; ces procédures peuvent donc déboucher, si elles réussissent, sur une transaction mais cette dernière peut également résulter d'un simple rapprochement des parties en présence et sans l'intervention d'un conciliateur ou d'un médiateur;
- l'arbitrage est également une procédure qui aboutit à faire trancher un litige en recourant non pas au juge normalement compétent, mais à des juges privés; sauf rares exceptions il n'est pas permis aux collectivités publiques de recourir à l'arbitrage.
La faculté de transiger a toujours été reconnue à l'Etat par le juge administratif (C.E. 23 décembre 1887 de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, Rec. p. 842, conclusions Le Vavasseur de Précourt; C.E. 17 mars 1893, Compagnie du Nord, de l'Est et autres contre ministre de la guerre, Rec. P. 245).



1.2. Droit applicable aux transactions conclues


par des personnes publiques

A l'origine, les transactions ont été considérées comme des contrats de droit privé, même lorsqu'elles étaient conclues par des personnes publiques (cf. T.C. 11 juillet 1908, Caisse d'épargne de Caen contre hospices civils de Caen, Sirey III, p. 154). La jurisprudence actuelle est différente: dès lors que le litige auquel elle met fin a donné lieu ou aurait pu donner lieu à une action relevant de la compétence du juge administratif, la transaction revêt un caractère de droit public.
C'est le cas, par exemple:
- lorsque la transaction présente un lien étroit avec un contrat administratif; ainsi en a-t-il été jugé pour les transactions relatives à des marchés de travaux publics (C.E. 23 octobre 1970, sieur Clot et société Oréfice, Rec. p. 617) et il est permis de penser qu'un raisonnement identique prévaudrait pour toute transaction portant sur un litige né au cours de l'exécution d'un marché public;
- lorsqu'il s'agit d'une transaction relative à un dommage de travaux publics (C.E. 5 mai 1971, ville de Carpentras c. sieur Delhomme, Rec. p. 326; T.C. 26 octobre 1981, syndicat des copropriétaires de l'immeuble Armenonville c. ville de Cannes, A.J.D.A. 1982 p. 528).
Les règles énoncées par le juge administratif en matière de transaction s'inspirent des dispositions du droit privé (pour un exemple concernant une transaction en matière fiscale, cf. C.E. 28 septembre 1983, Soc.
Etablissement Prévost, Rec. p 376). Il lui arrive néanmoins d'adopter des solutions particulières. Celles-ci sont signalées dans les développements qui suivent.



1.3. Conditions de validité de la transaction


1.3.1. Les parties au contrat


doivent avoir la capacité de transiger

L'article 2045 du code civil énonce que << pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction >>. Cette capacité doit être vérifiée tant par le cocontractant que par l'administration.
1.3.1.1. S'agissant de la capacité du cocontractant, les points suivants doivent être soulignés:
1.3.1.1.1. Lorsque l'administration a affaire à une personne morale, elle doit toujours vérifier soigneusement si le représentant de celle-ci détient le pouvoir de transiger. Elle doit exiger la production des statuts et, si ceux-ci confient à un organisme collégial la compétence en matière de transaction, la délibération habilitant le mandataire social à négocier et à conclure la transaction.
1.3.1.1.2. S'il s'agit d'une société faisant l'objet d'une procédure collective, les règles suivantes sont applicables:


- en cas de redressement judiciaire, l'autorisation du juge commissaire
est nécessaire à moins que les administrateurs n'aient été nommés avec un mandat leur permettant expressément de transiger;


- en cas de liquidation, seul le liquidateur peut transiger à condition
qu'il y soit autorisé par le juge commissaire.
1.3.1.1.3. Lorsqu'une transaction est conclue avec un avocat ou le représentant d'une partie pour mettre fin à un litige pendant devant les tribunaux, il y a lieu de distinguer deux hypothèses:


- si la procédure en cours concerne une juridiction judiciaire, le
mandat de représentation en justice défini par l'article 417 du nouveau code de procédure civile est réputé permettre à celui-ci de proposer ou d'accepter des offres;


- si la procédure concerne le juge administratif, l'avocat ne peut
transiger qu'en vertu d'un mandat exprès (C.E. section, 5 janvier 1966, sieur Hawezack, Rec. p. 6). En effet, l'article R. 107 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, qui traite de la représentation des parties, ne mentionne que les actes de procédure.


Bien entendu, en l'absence de procédure juridictionnelle, un avocat ne
peut conclure une transaction au nom d'une personne morale que sous les mêmes conditions que tout mandataire social (cf. paragraphe ci-dessus).
1.3.1.1.4. Enfin, lorsque la transaction implique une personne incapable mineure ou majeure, les règles édictées par le code civil (articles 389 et suivants; articles 488 et suivants) doivent être respectées car leur méconnaissance est souvent sanctionnée par la nullité.
1.3.1.2. En ce qui concerne les autorités administratives habilitées à transiger, les règles suivantes sont applicables:


En l'absence de texte, la jurisprudence attribue à chaque ministre la
compétence pour transiger au nom de l'Etat dans les matières qui relèvent de son département (C.E. 23 décembre 1887 de Dreux-Brézé, précité, et C.E. 8 avril 1921, Compagnie de la N'Goko-Sangha, Rec. p. 351).


Il en résulte que les directeurs d'administration centrale sont
habilités à conclure des transactions au nom de leur ministre. Cette autorisation découle de la délégation générale de signature dont ils bénéficient, au même titre que la faculté d'ester en justice.


En ce qui concerne les services déconcentrés de l'Etat, la faculté de
transiger n'est ouverte que si leurs responsables bénéficient d'une délégation à cet effet. C'est ainsi, par exemple, qu'en vertu d'une circulaire du ministre de l'équipement en date du 1er février 1990, les préfets ont compétence pour procéder à l'indemnisation des dommages matériels causés par les services déconcentrés de l'équipement lorsque la somme n'excède pas 50 000 F.


Enfin, certains textes donnent compétence à des autorités particulières
pour transiger dans certaines matières. C'est notamment le cas pour l'agent judiciaire du Trésor, qui, en vertu de l'article 5 du décret no 92-1369 du 29 décembre 1992, peut transiger pour les créances à recouvrer.



1.3.2. L'objet de la transaction doit être licite

L'article 6 du code civil dispose que l'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs. Cette règle, applicable à tous les contrats et donc aux transactions, prend une force particulière lorsqu'elle s'applique aux personnes publiques.
1.3.2.1. La transaction en matière pénale constitue évidemment un domaine intéressant au premier chef l'ordre public. Il ne sera pas abordé ici car, en dehors de l'autorité judiciaire, il ne concerne que quelques administrations très spécialisées, notamment la direction générale des douanes et des droits indirects.
1.3.2.2. Les règles relatives à l'organisation de l'Etat, des services publics et des établissements publics sont d'ordre public et ne peuvent donner lieu à transaction. Ainsi, l'administration ne peut pas, par voie transactionnelle, renoncer à une compétence. Il ne lui est, bien sûr, pas permis de réaliser par le biais de la transaction des actions qui lui sont interdites par la loi, comme par exemple:


- aliéner une parcelle du domaine public (Cass. Req., 7 novembre 1892,
veuve Dessales contre Veillas et Chamussy, Dalloz 1893 I, p. 61);


- procéder à la délimitation du domaine public (C.E. 20 juin 1975,
Ferrand);


- déterminer l'étendue de ses pouvoirs de police (Cons. de préf. de
Lille, 18 mai 1953, maire de Mouveaux contre Lagache, Dalloz 1953, p. 470).
1.3.2.3. Plus généralement, les questions de légalité sont hors du champ de la transaction. Ainsi l'administration ne peut pas transiger en accordant une compensation financière pour permettre le maintien d'une décision illégale.
Lorsqu'elle s'aperçoit qu'elle a pris une mesure irrégulière,
l'administration a l'obligation de procéder à son retrait si le délai de recours contentieux n'est pas écoulé ou, pour les actes réglementaires, à son abrogation quel que soit le moment.
1.3.2.4. En principe, une collectivité publique ne peut pas transiger sur les effets de la chose jugée (C.E. 15 avril 1869, section de Saint-Lovand, S.
1869.2.95). Sur ce point, la jurisprudence administrative est plus stricte que celle de la Cour de cassation. En effet, cette dernière a jugé à plusieurs reprises que, sauf lorsqu'une décision de justice statue sur des droits qui échappent à la libre disposition des parties (par exemple, les matières relatives à l'état des personnes), l'autorité de la chose jugée est une règle d'intérêt privé et qu'en conséquence une transaction est possible après un jugement, notamment pour régler les difficultés d'exécution posées par celui-ci.


En revanche, le Conseil d'Etat a considéré comme acceptable le fait de
renoncer à se prévaloir de l'autorité de la chose jugée (26 juin 1974,
société La Maison des isolants France, Rec. p. 365). Il a également admis une transaction portant sur les dépens d'une instance (25 février 1921,
Larminier, Rec. p. 239).



1.3.3. La transaction doit prévenir ou terminer


une contestation effective

Une transaction ne peut intervenir que pour régler un véritable différend,
c'est-à-dire une situation où les points de vue des parties en présence sont en opposition. Elle n'a pas pour objet de résoudre des questions purement hypothétiques ou de réduire des incertitudes.



1.3.4. Des concessions réciproques doivent être consenties

1.3.4.1. En vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, une transaction doit comporter des concessions réciproques. Ces concessions ne doivent pas obligatoirement être d'ampleur équivalente mais elles doivent avoir une consistance minimale. Une transaction dans laquelle une seule des parties consentirait à abandonner unilatéralement toutes ses prétentions constituerait une libéralité.


La Cour de cassation ne se livre cependant pas à un contrôle minutieux
de la réalité des concessions réciproques. Elle considère que, dès lors qu'il n'y a pas d'inégalité flagrante traduisant une absence de concessions réciproques, il n'y a pas lieu de remettre en cause la transaction intervenue (Cass. civ. 18 novembre 1965, Bull. II 638). La position du juge administratif est plus stricte dans la mesure où il applique le principe selon lequel l'administration n'est jamais autorisée à payer une somme qu'elle ne doit pas.
1.3.4.2. L'administration ne peut pas payer plus qu'elle ne doit.


Le Conseil d'Etat a défini un principe général du droit selon lequel les
personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas (C.E. section, 19 mars 1971, sieurs Mergui, Rec. p. 235, conclusions Rougevin-Baville).


Cette règle est d'ordre public (C.E. 11 juillet 1980, compagnie
d'assurance La Concorde et M. Fourrel de Frettes, R.D.P. p. 1088). Aussi,
lorsqu'il est saisi soit d'une demande d'homologation d'une transaction, soit d'un litige portant sur l'exécution de celle-ci, le juge administratif vérifie-t-il que les prétentions contre l'administration, qui ont servi de base à la négociation, étaient fondées. S'il estime que tel n'était pas le cas, il soulève d'office ce moyen pour écarter l'application de l'accord intervenu.


Ainsi, par exemple, lorsque l'administration transige pour régler un
litige où sa responsabilité est mise en cause, elle ne peut accorder une indemnité que si sa responsabilité est établie et pour les seuls chefs de préjudice indemnisables. De même, il n'est pas possible de renoncer, par voie transactionnelle, à se prévaloir de la prescription quadriennale.



1.4. Effets de la transaction

Le principal effet de la transaction est naturellement d'obliger les parties à en exécuter les termes afin de régler définitivement leur litige.
Lorsque la transaction est régie par le droit commun (cf. 1.2. ci-dessus),
les dispositions de l'article 2052 du code civil sont applicables: << Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion. >> En droit public, en revanche, la transaction n'a pas l'autorité de la chose jugée à moins qu'elle n'ait fait l'objet d'un jugement d'homologation (cf.
C.E. section, 19 mars 1971, sieurs Mergui, précité). Néanmoins, même en l'absence d'homologation, elle constitue un engagement contractuel qui peut être invoqué devant le juge en cas d'inexécution ou d'exécution incomplète ou tardive (C.E. 5 mai 1971, ville de Carpentras contre sieur Delhomme, Rec. p. 326).
En dehors de l'obligation d'exécution incombant aux parties, il est possible de distinguer trois types d'effets des transactions.



1.4.1. Effet extinctif

Lorsqu'une transaction a été régulièrement conclue et que les parties ont exécuté les obligations qu'elle comporte, elle fait obstacle à tout recours juridictionnel ultérieur concernant le litige concerné. Un tel recours serait déclaré irrecevable (C.E. 8 février 1956, dame Germain, Rec. p. 69; C.E. 31 mars 1971, sieur Baysse, Rec. t. p. 1116).



1.4.2. Effet relatif

Comme tout contrat, la transaction n'a d'effet qu'entre les parties (C.E. 15 janvier 1984, O.P.H.L.M. de la ville de Firminy, Rec. t. p. 672).
Toutefois, l'effet de la transaction s'étend aux personnes qui succèdent aux parties dans l'exercice de leurs droits et obligations. Ainsi une transaction dans laquelle le propriétaire d'un terrain jouxtant le domaine public a renoncé à demander une indemnité pour dépréciation de son fonds est-elle opposable aux tiers acquéreurs (C.E. 20 juillet 1910, Compagnie des chemins de fer de Paris-Lyon-Méditerranée, Rec. p. 594).



1.4.3. Effet récognitif

La transaction a pour objet non de faire naître de nouveaux droits pour les cocontractants mais de constater ceux dont ils étaient déjà détenteurs avant la rédaction du contrat. Ainsi, lorsque le litige portait sur des droits immobiliers, la transaction n'a pas à être transcrite.



1.5. L'homologation de la transaction

Il peut arriver que les parties souhaitent obtenir une sanction juridictionnelle de la transaction qu'elles ont conclue. Cette démarche est assez fréquente pour les transactions intervenant entre des particuliers dans la mesure où le juge judiciaire se borne à entériner l'accord sans contrôler son contenu, sauf le cas de dénaturation. Elle est bien plus rare devant le juge administratif qui se livre à une vérification beaucoup plus étendue du respect, par l'administration, des règles d'ordre public auxquelles elle ne peut déroger.



2. Directives pratiques concernant la transaction


2.1. L'objectif d'une transaction est de parvenir au règlement


complet d'un litige par des concessions équilibrées

L'administration doit évidemment veiller à ne pas rechercher à tout prix un règlement amiable du litige, qui la conduirait à des concessions excessives. Mais elle ne doit pas non plus rechercher par principe un arrangement désavantageux pour son partenaire. En effet, l'Etat n'est pas un agent économique comme les autres. Son objectif est de réaliser l'intérêt général et non d'obtenir des avantages injustifiés de la part d'un partenaire mal informé. S'il ne saurait payer plus qu'il ne doit, il a en revanche le devoir de payer ce qu'il doit.



2.2. L'administration doit procéder


à un examen approfondi du dossier

2.2.1. Si le recours à la transaction accélère le règlement des litiges et peut entraîner de réelles économies pour les deniers publics, elle exige des services une réelle compétence juridique. Il faut en effet faire le travail d'analyse qui incomberait au juge si le différend était directement porté devant lui.


L'administration doit ainsi examiner les considérations de droit et de
fait qui commandent l'issue du différend afin de pouvoir formuler des propositions de règlement amiable qui soient appropriées. Si cette analyse n'est pas réalisée, il est certain que la transaction qui interviendra sera défectueuse. Si elle est menée à bien correctement, en revanche, le résultat ne pourra que se révéler profitable. En effet, l'examen du dossier permet d'évaluer avec précision le risque contentieux encouru. L'administration peut alors conclure une transaction satisfaisante ou aborder dans les meilleures conditions la phase juridictionnelle s'il apparaît qu'une décision contentieuse sera plus favorable aux intérêts de la collectivité.


La transaction ne doit pas représenter un but en soi. Lorsque des
questions importantes de droit se posent, pour lesquelles il n'y a pas de réponse assurée, ou lorsque la partie adverse émet des revendications manifestement infondées ou excessives, il vaut mieux laisser l'affaire aux tribunaux.


En revanche, lorsqu'un examen suffisant du dossier permet d'établir que
l'administration encourt une responsabilité pécuniaire, il y a lieu de transiger. Encore faut-il alors évaluer les sommes dont l'administration pourra proposer le versement.



2.2.2. L'évaluation des sommes dues par l'administration

Les principes suivants doivent gouverner la détermination des préjudices indemnisables et l'évaluation des sommes que l'administration pourra offrir dans le cadre d'une transaction:
- le lien entre le comportement de l'administration et le préjudice allégué doit être direct;
- le préjudice indemnisé peut être celui d'une victime directe ou d'un ayant droit; dans ce dernier cas, le lien avec la victime directe doit être vérifié;
- le préjudice doit être actuel et certain; les préjudices futurs ne sont pas indemnisables, sauf s'ils constituent un prolongement direct et certain du préjudice actuel;
- l'évaluation doit être faite suivant les règles qu'appliquerait le juge compétent s'il était saisi de l'affaire;
- la réparation proposée doit permettre de couvrir tout ou partie du préjudice, mais ne doit pas excéder le montant de celui-ci.
2.2.2.1. Les évaluations sur justificatifs.


Dans un grand nombre de cas, les sommes offertes peuvent être
déterminées en fonction des justificatifs fournis par le plaignant: pour les préjudices matériels, les devis de réparation ou les factures de travaux réalisés seront la base de l'évaluation.


Il faut signaler, à cet égard, que l'administration ne peut exiger que
les travaux soient réalisés avant que la transaction n'intervienne. La victime peut d'ailleurs décider, une fois l'indemnisation transactionnelle perçue, de ne pas faire les réparations dont elle a fourni le devis.


En ce qui concerne les travaux immobiliers, il est conseillé de demander
au plaignant qu'il fournisse au moins deux devis dès lors que les sommes en cause dépassent 10 000 F. Sauf exception, afin d'éviter toute contestation sur la bonne exécution de ceux-ci, l'administration ne doit pas s'engager à réaliser elle-même les travaux.


Sauf pour des biens à l'état neuf, un coefficient de réfaction doit
normalement être appliqué pour tenir compte de la vétusté et de l'usage régulier des choses endommagées.


En ce qui concerne les préjudices économiques (perte d'exploitation,
perte d'emploi avec reclassement professionnel...), l'administration doit se faire remettre les justifications nécessaires.


On rappellera, à ce sujet, que l'article L. 122 du livre des procédures
fiscales permet d'opposer ses déclarations fiscales à toute personne qui réclame une indemnité à l'Etat.
2.2.2.2. Le recours à la jurisprudence.


Les préjudices physiques peuvent être évalués par référence à la
jurisprudence des tribunaux. Suivant que le litige relèvera du juge judiciaire ou du juge administratif, on se reportera aux indemnisations accordées par chacun de ces ordres de juridiction.


L'agence judiciaire du Trésor dispose d'une grande expérience en cette
matière. Les administrations s'adresseront utilement à elle pour déterminer les montants financiers qui pourront être proposés.



2.2.3. L'expertise

En dehors des litiges portant sur des sommes peu élevées ou dans lesquels les faits sont simples et ne posent pas de problèmes juridiques, il est recommandé de recourir à un expert. Celui-ci peut intervenir tant pour évaluer le montant du préjudice indemnisable que pour éclairer l'administration sur l'existence d'un lien de causalité entre les agissements imputables à l'administration et les dommages causés.
Il n'est pas souhaitable que l'administration désigne un expert de façon unilatérale. En effet, la partie adverse pourrait mettre en cause son impartialité. Il est possible de demander au juge (administratif ou judiciaire, selon la nature du litige) de procéder à cette désignation par voie de référé.



2.2.4. Informer le contrôle financier avant de proposer


une transaction au plaignant

Une transaction ne peut être conclue par un département ministériel sans l'aval du contrôleur financier. Ce dernier n'a aucune raison de considérer la transaction comme un mode anormal de règlement des litiges pécuniaires de l'Etat dès lors que celle-ci a été conclue sur des bases correctes. Cela étant, afin d'accélérer l'exécution des accords transactionnels ou d'éviter un éventuel refus de visa, il convient de prendre l'attache du contrôleur financier avant d'envoyer une proposition formelle de transaction. Cette conduite s'impose, en particulier, lorsque la transaction porte sur des sommes importantes.



2.3. La rédaction du protocole transactionnel

S'il doit être constaté dans un écrit, le contrat de transaction n'est pas soumis à un formalisme particulier.
2.3.1. Dans la pratique, une transaction peut résulter d'un simple échange de lettres concrétisant l'accord intervenu entre les parties, qui emporte renonciation d'action ou désistement automatique. Une telle forme n'est adaptée que si l'affaire en cause est relativement simple, l'intérêt en jeu limité et le litige exactement circonscrit.
2.3.2. En revanche, si l'enjeu est important ou si l'affaire qui fait l'objet de la transaction présente une certaine complexité, il est préférable d'élaborer un véritable document contractuel qui sera signé par toutes les parties en cause.


Dans tous les cas, un protocole transactionnel devrait comporter les
mentions suivantes:
- le nom des parties ayant qualité pour signer la transaction (cf. ci-dessus point 1.3.1);
- un rappel sommaire des faits, accompagné de leur date; cette mention peut être utile dans le cas où l'administration est à l'origine de dommages successifs, car elle permet de s'assurer qu'il n'y a pas de double indemnisation pour un même dommage;
- la référence éventuelle de l'expertise; si la transaction est fondée sur les conclusions d'un rapport d'expertise (médical ou non), il est souhaitable d'en faire état, le rapport figurant alors dans le dossier administratif;
- le montant total de la somme à verser par l'Etat en précisant si ce montant est hors taxe ou non.


Si les préjudices sont détaillés (notamment pour le préjudice corporel,
l'incapacité temporaire de travail, le pretium doloris, le préjudice esthétique), les sommes offertes peuvent être aussi détaillées.


Pour certains préjudices matériels accordés sur justificatifs, il
convient de le signaler et de les joindre au protocole.
- le recours à des organismes tiers payeurs et des employeurs doit être pris en compte, soit parce que ceux-ci sont parties au protocole, soit parce qu'ils sont dédommagés par ailleurs; il convient alors de le mentionner afin d'éviter toute ambiguïté ultérieure;
- une formule de renonciation à tout recours ultérieur portant sur les mêmes faits ou le désistement si un contentieux est en cours;
- en cas d'instance en cours, il peut être également opportun de régler dans le protocole le sort des dépens et des frais irrépétibles, y compris ceux exposés, le cas échéant, en première instance.



2.4. L'exécution du protocole transactionnel

2.4.1. La crédibilité de l'administration vis-à-vis de ses partenaires, dans le cadre d'une négociation, dépend de sa capacité à exécuter promptement les stipulations dont elle sera convenue. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de régler à l'amiable un litige qui l'oppose à un usager ou à un cocontractant.


C'est pourquoi, une fois le protocole transactionnel conclu, il importe
que l'administration procède très rapidement au règlement des sommes dues. Un retard exagéré à exécuter ses obligations peut conduire son partenaire à remettre en cause les termes mêmes du protocole, particulièrement si celui-ci a pour objet l'indemnisation de pertes d'exploitation ou le versement d'indemnités pour pertes de jouissance.


Pour éviter ces inconvénients, l'administration ne doit pas attendre la
fin de la négociation transactionnelle pour préparer l'exécution du protocole, surtout si les sommes en cause sont importantes. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il sera utile de prendre l'attache du contrôleur financier avant d'expédier une offre formelle d'indemnisation. De même, lorsque l'offre aura été acceptée, il sera nécessaire de réunir les documents nécessaires pour l'ordonnancement et le mandatement, et notamment les pièces justificatives exigées par les instructions de la comptabilité publique (instructions no 89-41 - B 2, M.O. du 3 avril 1989, et no 72-134 - B 1 du 6 novembre 1972).

2.4.2. L'imputation budgétaire des sommes versées doit être déterminée dès le début de la procédure transactionnelle.


Les règles ont été posées en cette matière par la circulaire du ministre
du budget no B - 1 B - 98 du 19 octobre 1990.
Si le litige est de nature contractuelle, c'est-à-dire si la responsabilité de l'Etat résulte d'un marché ou de toute autre forme de contrat, les indemnités transactionnelles, comme les sommes versées à la suite d'une décision juridictionnelle et les frais annexes éventuels, doivent être imputées sur les crédits limitatifs servant au financement des dépenses afférentes au contrat considéré. Toute dérogation à cette règle ne peut intervenir qu'avec l'accord préalable du ministre chargé du budget.


En revanche, si le litige est de nature extracontractuelle, c'est-à-dire
si la responsabilité de l'Etat n'a pu être définie à l'avance, les indemnités transactionnelles sont imputées sur des crédits évaluatifs, à l'instar des sommes versées à la suite d'une décision juridictionnelle.

EDOUARD BALLADUR