En vertu de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence à la télévision. Cette protection concerne les jeunes téléspectateurs, mais aussi les mineurs participant à des émissions de télévision.
Ces derniers mois, le conseil a constaté la multiplication de programmes de télévision comportant l'intervention d'enfants et d'adolescents. Il peut s'agir d'une participation à des émissions de télé-réalité ou de jeux, ou d'un témoignage dans le cadre de reportages, d'émissions de plateau ou de documentaires.
S'il est très important que les mineurs puissent participer à des émissions de télévision, le conseil juge néanmoins préoccupante l'image des jeunes qui résulte de certaines émissions décrivant des enfants en difficulté, d'autant plus qu'il est souvent très difficile de définir le genre de ces émissions qui oscille entre le divertissement et l'information.
Le consentement des parents, voire leur participation à l'émission, ne sauraient dégager les services de télévision de leur responsabilité dans l'organisation de l'émission et dans le traitement en image des mineurs qui y participent.
Afin de respecter la personne de l'enfant et sa fragilité particulière, il importe que les termes techniques médicaux, psychologiques ou juridiques utilisés pour qualifier les difficultés de ces mineurs (maladies, violences subies ou agies, problèmes familiaux...) ne soient pas présentés comme résumant leur identité.
Le conseil, au sein du groupe de travail « Protection du jeune public et déontologie des programmes », a réuni un groupe d'experts (pédopsychiatres, éducateurs spécialisés, magistrat, avocat, représentants du collectif interassociatif Enfance et média, Défenseur des enfants...) qui ont visionné de nombreux exemples de ces émissions et ont conforté le conseil dans sa volonté de préciser les règles déontologiques devant les encadrer.
La participation de mineurs à des oeuvres de fictions cinématographiques ou audiovisuelles est régie par le code du travail. Elle est soumise à l'accord préalable de la commission des enfants du spectacle. Pour les autres programmes diffusés à la télévision, il n'existe pas de dispositif comparable.
Afin d'assurer une réelle protection des mineurs contre les dangers que peut représenter leur participation à une émission de télévision, le conseil a décidé de prendre la présente délibération, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986. Dans le prolongement des stipulations conventionnelles, elle vise à expliciter les dispositions qui s'imposent à l'ensemble des services de télévision français pour préserver l'épanouissement physique, mental et moral des jeunes participants.
1. Le développement de la participation des mineurs aux émissions de télévision
Conformément à l'article 13 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, l'enfant a un droit à la liberté d'expression. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel encourage le développement des émissions au cours desquelles les enfants et les adolescents peuvent exprimer leur opinion sur des sujets qui les concernent ou au cours desquelles sont traitées des actions concrètes et positives qu'ils ont accomplies ou auxquelles ils ont participé.
2. Le consentement des titulaires de l'autorité parentale et du mineur
Toute participation d'un mineur à une émission de télévision est subordonnée à l'autorisation préalable de tous les titulaires de l'autorité parentale, ainsi qu'à l'accord du mineur lui-même dès lors qu'il est capable de discernement (art. 371-1 du code civil). Les parents et le mineur doivent être prévenus du thème de l'émission, de son titre et de son objet au moment de donner leur consentement. Les titulaires de l'autorité parentale doivent être également informés par écrit de manière précise qu'ils disposent d'un droit de rétractation, dans les conditions prévues par la réglementation et la jurisprudence.
3. Le traitement du témoignage d'un mineur
Afin de préserver l'épanouissement physique, mental, moral et affectif des enfants et des adolescents, les services de télévision, au-delà du respect de la dignité de la personne humaine, doivent éviter la dramatisation ou la dérision dans le traitement des témoignages de mineurs. Les conditions de tournage et les questions posées doivent être adaptées à l'âge des enfants.
L'intervention d'un mineur dans le cadre d'une émission de télévision ne doit pas nuire à son avenir et doit notamment préserver ses perspectives d'épanouissement personnel.
4. La protection de l'identité de certains mineurs
Les services de télévision doivent s'abstenir de solliciter le témoignage d'un mineur placé dans une situation difficile dans sa vie privée lorsqu'il existe un risque de stigmatisation après la diffusion de l'émission, à moins d'assurer une protection totale de son identité (visage, voix, nom, adresse...) par un procédé technique approprié de nature à empêcher son identification.
Lorsque des propos dépréciatifs, des témoignages ou des commentaires évoquant des comportements ou des pathologies dont la révélation publique est susceptible de nuire à un mineur sont tenus à l'antenne, l'identité du mineur doit être protégée par les mêmes procédés techniques.
5. Une charte propre à chaque service de télévision
Comme pour la plupart des institutions (médicales, scolaires, périscolaires...) qui reçoivent des enfants, le Conseil supérieur de l'audiovisuel demande que la participation de mineurs à des émissions soit encadrée par une charte propre à chaque service de télévision. Cette charte doit s'appliquer à l'ensemble des programmes diffusés par la chaîne et accueillant des mineurs.
Elle définit les modalités du respect de la sensibilité des enfants. Elle fixe les conditions du séjour des mineurs dans les locaux concernés, en prévoyant notamment des mesures de sécurité et de surveillance spécifiques et éventuellement un accompagnement de l'enfant par un professionnel de la santé.
Cette charte est annexée aux autorisations signées par les titulaires de l'autorité parentale.
Fait à Paris, le 17 avril 2007.