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Délibération n° 2007-110 du 24 mai 2007 portant avis sur un projet de décret pris pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel des ressortissants étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement et modifiant la partie réglementaire de ce même code

Justice et droit
Union Européenne
Institutions publiques
Déposé le 23 mai 2007 à 22h00, publié le 29 décembre 2007 à 23h00
Journal officiel

Texte

Demande d'avis n° 1 170 779



La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie pour avis par le ministère de l'intérieur d'un projet de décret pris pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel des ressortissants étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement et modifiant la partie réglementaire de ce même code ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 62, ensemble la convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord signé à Schengen le 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontière communes dont la ratification a été autorisée par la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 ;
Vu la convention n° 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive n° 95 / 46 / CE du Parlement européen et du Conseil en date du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 611-3 et L. 611-5 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, notamment son article 26 ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié par le décret n° 2007-451 du 25 mars 2007 ;
Après avoir entendu M. François Giquel, commissaire, en son rapport, et Mme Pascale Compagnie, commissaire du Gouvernement, en ses observations,
Emet l'avis suivant :
La commission a été saisie le 13 mars 2007 par le ministère de l'intérieur d'une demande d'avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat pris pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Ce projet de décret porte création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel des ressortissants étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement et modifiant la partie réglementaire de ce même code.
Le traitement dénommé ELOI a pour objet d'assurer la gestion administrative des procédures d'éloignement des personnes interpellées se trouvant en séjour irrégulier sur le territoire national. Il concernerait environ 65 000 personnes par an. Les données seront collectées auprès des différents services intervenant dans ces procédures (préfectures, centres de rétention qui sont gérés par la police ou la gendarmerie nationales, bureau de l'éloignement de la direction centrale de la police aux frontières, DCPAF). Il produit également les actes et pièces nécessaires aux différentes étapes de la procédure d'éloignement.
Ce traitement relève de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.



Sur les finalités du traitement



Aux termes de l'article 1er du projet de décret, les finalités du traitement seront, d'une part, de permettre le suivi et la mise en œ uvre des décisions d'éloignement des étrangers se maintenant sans droit sur le territoire, par la gestion des différentes étapes de la procédure et, d'autre part, d'établir des statistiques.
La commission considère que la finalité de meilleure gestion des procédures d'éloignement est légitime. Elle souligne cependant que la constitution de cette base nationale de gestion administrative des étrangers faisant l'objet d'une procédure d'éloignement doit être accompagnée des garanties de nature à empêcher son utilisation à d'autres fins.
La commission relève que la finalité relative aux statistiques semble permettre, en l'état, de procéder à de multiples requêtes, en particulier à partir d'éléments indirectement nominatifs. La commission prend acte, qu'à sa demande, le décret sera complété des termes suivants : « les résultats issus des requêtes statistiques ne doivent pas permettre d'identifier les personnes ».



Sur les données enregistrées



L'article 1er du projet de décret prévoit de créer un article R. 611-40 du CESEDA qui précisera les données enregistrées par le traitement.
Le projet de décret énumère les données relatives à l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement : identité de la personne (nom, prénom, sexe), date et lieu de naissance, nationalité, filiation (nom et prénom du père et de la mère, nom, prénom et date de naissance des enfants), situation professionnelle, langues parlées, références du document d'identité, nécessité éventuelle d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public. Seront également enregistrées les données sur l'hébergeant en cas d'assignation à résidence (nom, prénom, sexe, adresse) ; ainsi que celles relatives aux visiteurs en cas de placement en centre de rétention administrative (nom, prénom, adresse complète).
Le traitement comporte aussi les données relatives :
― à l'interpellation (date et heure de l'interpellation, le motif de l'interpellation ; date et heure d'interpellation, la préfecture de suivi, le service interpellateur, le service chargé de la procédure, la surveillance particulière, les résultats des interrogations STIC, FPR, SIS, présence d'une fiche d'identité judiciaire. numéro AGDREF) ;
― à la mesure d'éloignement (type, date de prononcé, préfecture, notification) ;
― à l'interdiction de territoire (type, instance, durée, date, présentation au juge des libertés et de la détention, assignation à résidence, placement en centre pour mineur, placement en rétention, maintien en rétention, la libération) ;
― au recours et aux demandes de l'étranger (type, instance, audience, décision, appel, clôture du dossier, refus d'identification, demandes au consulat, demande d'asile, demande de réadmission, expertise médicale, hospitalisation) ;
― aux moyens pour l'éloignement (moyen, date, pays de destination, lieu de départ, refus d'embarquer, service chargé de l'éloignement et escorte) ;
― au non-respect d'une assignation à résidence, à la soustraction à la mesure d'éloignement ;
― au séjour en centre de rétention (affectation, gestion des effets personnels et numéraires, incidents au centre) ;
― à la peine éventuelle (nature de l'infraction, dates, récidive, commission d'expulsion COMEX, centre pénitentiaire, remise de peine).
Le même article du projet de décret précise que le traitement comportera aussi la photographie numérisée de l'étranger concerné.
La commission prend acte qu'il est mentionné qu'il n'y aura pas de reconnaissance faciale.
La commission considère, au regard des éléments d'informations fournis par le ministère de l'intérieur, que les mentions, dans le traitement, des résultats des interrogations du système de traitement des informations constatées (STIC), du fichier des personnes recherchées (FPR) ou du système d'information Schengen (SIS) ne sont pas pertinentes au regard de la finalité du traitement. En effet, quand les données concernant l'étranger sont saisies dans le fichier ELOI, la décision d'éloignement a déjà été prononcée. Dés lors, la prise en compte des antécédents judiciaires éventuels de l'étranger (ou de son seul signalement) dans le STIC, comme le fait de figurer dans le fichier des personnes recherchées (FPR) ou le SIS ne sont plus nécessaires puisqu'ils ont été préalablement utilisés dans la décision administrative ou judiciaire. La commission prend acte des engagements donnés par le commissaire du Gouvernement, au nom du responsable du traitement, que les résultats de ces interrogations ne seront pas conservés.
La commission prend acte que les coordonnées des intervenants prévus à l'article L. 551-2 du CESEDA (interprètes, médecins, avocats, consuls), des membres des organismes de contrôles nationaux et internationaux en charge de la rétention administrative et des lieux de privation de liberté, ainsi que de toute personne qui, en raison de la nature de ses fonctions, a le droit de s'entretenir avec un étranger en situation irrégulière, ne sont pas enregistrées dans le fichier.



Sur les destinataires



Les destinataires du traitement sont :
― les agents des services centraux concernés du ministère de l'intérieur (direction des libertés publiques [DLPAJ], direction centrale de la police aux frontières [DCPAF] et direction centrale de la sécurité publique [DCSP]) ;
― les agents des préfectures chargés des procédures d'éloignement ;
― les agents des services de la police et de la gendarmerie nationales chargés de la gestion des lieux de rétention administrative et de l'exécution des mesures d'éloignement.
Les agents des services centraux accéderont à toutes les informations. En revanche, les agents affectés dans un département n'auront accès qu'aux dossiers relevant de ce territoire. La commission considère que l'accès à toutes les informations contenues dans le traitement par ces agents, même limité localement à un département, sans distinction de leur rôle dans la procédure d'éloignement, paraît excessif alors que 1 500 postes informatiques environ seront potentiellement reliés à l'application.
La commission prend acte des engagements du Gouvernement visant à modifier le projet d'article R. 611-42 du CESEDA afin qu'il précise que seuls les agents individuellement désignés et spécialement habilités aient un accès aux informations nécessaires eu égard à leur niveau de compétence et d'intervention dans la procédure d'éloignement.



Sur la durée de conservation des données



La durée de conservation des données initialement prévue dans le projet de décret était de trois ans à compter de la clôture de la procédure, pour les informations relatives à la personne faisant l'objet d'une mesure d'éloignement et à celle qui l'héberge.
Le traitement envisagé étant destiné à assurer le suivi et la mise en œ uvre des décisions d'éloignement, il apparaît qu'à l'issue de cette procédure, c'est-à-dire quand la mesure d'éloignement est devenue effective, les données à caractère personnel collectées n'ont pas vocation à être conservées dans le traitement. Cela ne remet nullement en cause la conservation des informations relatives aux interdictions du territoire, judiciaires ou administratives, qui sont conservées dans d'autres fichiers dont c'est la fonction et la finalité.
La commission prend donc acte des engagements du commissaire du Gouvernement, au nom du responsable du traitement, précisant que la durée de conservation serait de trois ans, à compter de l'éloignement effectif, pour les informations relatives à l'identité de la personne visée, au prononcé de la mesure d'éloignement, à certaines des procédures juridictionnelles de mise en œ uvre ainsi qu'au laissez-passer consulaire et de trois mois, à compter de la sortie définitive du dernier lieu de rétention administrative, pour les autres informations.
La commission demande que, dans le cas des étrangers dont la mesure d'éloignement a été retirée ou abrogée, les données soient immédiatement effacées.
La commission relève que la durée de conservation des données des visiteurs est de trois mois à compter de la date de sortie définitive du centre de rétention administrative. La commission prend acte de cette modification importante par rapport au dossier initial de juillet 2006 qui précisait que toutes les données étaient conservées trois ans.



Sur l'information des personnes et les modalités des droits d'accès et de rectification



Le ministère de l'intérieur prévoit que les intéressés seront informés de leurs droits à la fois sur les courriers de notification qui leur sont adressés ainsi que par un affichage dans les centres de rétention administrative. La commission prend acte de ces mesures d'information et de leur diffusion, par affichage ou notes d'information, dans au moins six langues étrangères. Elle note également que ces informations préciseront que le traitement concerne aussi les visiteurs et qu'elles indiqueront la durée de conservation des données.

Le président,


A. Türk