La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie par le ministère des transports, de l'équipement du tourisme et de la mer d'un projet d'arrêté interministériel portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « système de pesée en marche » ;
Vu la Convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 95 / 46 / CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et la libre circulation de ces données ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitement de données à caractère personnel, et notamment son article 26 ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié par le décret n° 2007-451 du 25 mars 2007 ;
Vu l'arrêté du 20 janvier 1994 portant création du fichier national des immatriculations ;
Vu le décret n° 76-1126 du 9 décembre 1976 portant statut particulier des personnels de contrôle de la direction des transports terrestres, modifié par le décret n° 85-156 du 3 janvier 1985, le décret n° 91-621 du 27 juin 1991 et le décret n° 92-168 du 19 février 1992 ;
Vu l'article L. 330-2-1 du code de la route ;
Sur le rapport de M. Guy Rosier, vice-président délégué et des observations de Mme Catherine Pozzo di Borgo, commissaire du Gouvernement ;
Emet l'avis suivant :
Le ministère des transports, de l'équipement du tourisme et de la mer a saisi la commission d'un projet d'arrêté interministériel portant création d'un dispositif dénommé « système de pesée en marche (SPM) » dont les finalités sont de procéder à un pesage en marche des véhicules de transports routiers, d'identifier les véhicules en dépassement de vitesse autorisée ou en surcharge et d'avoir une image précise de la composition du trafic permettant d'adapter au mieux les plans régionaux de contrôle.
Le dispositif SPM a donc pour objectifs de sanctionner plus efficacement le non-respect du code de la route et d'améliorer la sécurité routière, de contrôler les entreprises utilisant ces véhicules afin d'éviter toute distorsion des lois de la concurrence et de réaliser des statistiques afin de permettre l'acquisition de connaissances précises de la composition générale du trafic et de ses principaux indicateurs.A cette fin, ces statistiques seront mises à la disposition des services de la Direction générale de la mer et des transports, des directions régionales de l'équipement ainsi que des concessionnaires sur les réseaux desquels une station de mesure aura été installée.
La commission considère que ce traitement relève du 2° du I de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004.
Le dispositif comprend :
― le module de vitesse moyenne (MVM), composé de capteurs sous la chaussée liés à une caméra en bordure de chaussée et chargé de transmettre des données à l'équipement de pesée en marche situé en aval sur la chaussée ;
― l'équipement de pesée en marche (EPM), composé également de capteurs sous la chaussée liés à une caméra en bordure de chaussée, qui détermine grâce aux informations fournies par le MVM la vitesse moyenne du véhicule de transport routier sur le tronçon entre le MVM et l'EPM ainsi que d'autres caractéristiques du véhicule (poids, longueur...) ;
― le module de réception de pesage statique (MRPS), dispositif homologué situé sur les aires de pesage, qui pèse les véhicules présumés en infraction par l'EPM et acheminés par les forces de l'ordre sur les aires de pesage.
Les dispositifs MVM et EPM n'étant pas homologués, les constatations effectuées par ces équipements ne valent donc que présomptions d'infraction et ne suffisent donc pas à constituer le fondement d'une contravention.L'infraction relative au poids du véhicule devra être dûment constatée au moyen d'un dispositif MRP S homologué et l'infraction relative à la vitesse du véhicule devra l'être au moyen d'un contrôle du disque chronotachygraphe par un contrôleur spécialement habilité du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Chaque EPM enverra quotidiennement par le réseau internet deux fichiers au serveur central hébergé à la Direction générale de la mer et des transports, qui retransmettra aux directions régionales de l'équipement, s'agissant uniquement des informations relatives aux véhicules immatriculés dans leur ressort géographique : un fichier des véhicules présumés en infraction et un fichier anonyme à des fins statistiques comportant les données de tous les véhicules.
Les informations collectées permettront de mettre en œuvre deux types de contrôles :
― les contrôles en entreprises pour lesquels les informations enregistrées par les stations de mesure seront prises en compte dans les plans régionaux de contrôle afin de déterminer les entreprises à contrôler prioritairement et les axes de ces contrôles. Dans ces cas-là, il existe une interconnexion avec le Fichier national des immatriculations (FNI) détenu par le ministère de l'intérieur pour déterminer l'identité du propriétaire du véhicule ;
― les contrôles statiques de véhicules présumés en infraction, à la suite des alertes déclenchées lors du contrôle sur route via la direction régionale de l'équipement.
Le fondement juridique de la consultation du FNI résulte de l'article L. 330-2-1 du code de la route qui dispose notamment que « ces informations, à l'exception de celles relatives aux gages constitués sur les véhicules à moteur et aux opposition au transfert du certificat d'immatriculation, sont communiqués sur leur demande : [...] aux fonctionnaires habilités à constater des infractions au présent code, aux seules fins d'identifier les auteurs de ces infractions ; [...] aux services du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense, du ministre chargé de l'industrie et du ministre chargé des transports pour l'exercice de leurs compétences ».
Les modalités d'utilisation du FNI seront précisées à la commission dès qu'elles auront été arrêtées entre le ministère de l'intérieur et le ministère des transports, de l'équipement du tourisme et de la mer.
Constatant que le fonctionnement complet du dispositif prévu reste subordonné à homologation, il est préconisé, dans le souci qu'il réponde entièrement à la finalité recherchée, de prévoir une expérimentation pendant un an : au terme de cette période, un rapport serait établi dont communication sera faite à la CNIL, en vue d'une mise en œuvre adéquate.
Sur les données enregistrées :
Les données collectées, énumérées à l'article 2 du projet d'arrêté portant création du traitement projeté, sont relatives pour tous les véhicules de transport routier, au poids total, par essieu et par groupe d'essieux, à la vitesse instantanée et moyenne, aux date et heure de passage et à la catégorie du véhicule. Par ailleurs, pour les seuls véhicules de transport routiers présumés en infraction de plus de 3, 5 tonnes ou de plus de 9 places les données enregistrées concernent également, en plus des données précitées les nom, prénom et adresse des propriétaires et, le cas échéant, la raison sociale, la photographie du véhicule et de sa plaque d'immatriculation.
La commission estime qu'il y aurait lieu de prévoir au I de l'article 2 que sont enregistrées les photographies du véhicule, « à l'exclusion des passagers ».
Sur les destinataires du traitement :
Il s'agit uniquement des contrôleurs des transports terrestres du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, individuellement désignés et spécialement habilités.
Sur les durées de conservation :
Les informations sont stockées sur l'EPM pendant une journée, cette durée pouvant être allongée à une semaine en cas de problèmes techniques sur l'EPM et sur le serveur de la Direction générale de la mer et des transport du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer pendant trois mois maximum, le temps nécessaire pour la réalisation d'un contrôle en entreprise.
Sur les sécurités du traitement :
La commission considère que les éléments qui lui ont été communiqués sur la sécurité globale du dispositif répondent aux impératifs de sécurité en la matière et sont satisfaisants au regard de la finalité du traitement mis en œuvre.
S'agissant plus précisément des connexions entre l'EPM et le MRPS et les centres d'études techniques de l'équipement, le ministère utilise un protocole sécurisé de type https.
Il est également prévu un cryptage des images et données à l'aide d'un algorithme à clés privées symétriques de 128 bits, l'authenticité des images étant garantie par un mécanisme de signature électronique du fichier.
Sur l'information et le droit d'accès des personnes :
Dans un premier temps, il était prévu que les personnes seraient informées des modalités d'exercice de leur droit d'accès par une affiche dans les locaux des services de contrôle des directions régionales de l'équipement. Dans un deuxième temps, le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durable invoquant les dispositions prévues au VI de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée a précisé qu'il n'entendait pas mettre en œuvre le droit à « l'information des personnes qui ont potentiellement commis des infractions ».
Les dispositions visées s'appliquant aux traitements de données, la commission considère que, en l'espèce, il devra tout de même être procédé à la diffusion d'une information générale auprès de la profession.