La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie pour avis le 16 avril 2007 par le ministre de la justice d'un projet de décret en Conseil d'Etat modifiant la partie réglementaire du code de procédure pénale et relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et au casier judiciaire national automatisé ;
Vu la convention n° 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu le code de procédure pénale, et notamment ses articles 706-53-1 à 706-53-12 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée, et notamment son article 26 ;
Vu le décret n° 2005-627 du 30 mai 2005 relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et au casier judiciaire ;
Vu la délibération n° 2005-039 du 10 mars 2005 de la CNIL sur le projet de décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités de fonctionnement du FIJAIS ;
Vu le projet de décret transmis par le ministre de la justice ;
Après avoir entendu M. François Giquel, commissaire, en son rapport, et Mme Pascale Compagnie, commissaire du Gouvernement, en ses observations,
Emet l'avis suivant :
Le ministère de la justice a, conformément à l'article 706-53-12 du code de procédure pénale, saisi pour avis la Commission d'un projet de décret en Conseil d'Etat, modifiant la partie réglementaire du code de procédure pénale et relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et au casier judiciaire national automatisé.
La Commission s'est prononcée par délibération n° 2005-039 du 10 mars 2005 sur le projet de décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités de fonctionnement de FIJAIS, fichier créé par la loi du 9 mars 2004, pour prévenir le renouvellement des infractions à caractère sexuel visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, faciliter l'identification des auteurs de ces mêmes infractions et les localiser rapidement à tout moment. Les personnes inscrites dans le FIJAIS ont l'obligation de justifier de leur adresse une fois par an et de déclarer leurs changements d'adresse dans les quinze jours. Les auteurs d'infractions les plus graves doivent, tous les mois, justifier en personne de leur adresse.
Le projet de décret dont est aujourd'hui saisie la Commission complète les dispositions du décret du 30 mai 2005 afin de tenir compte des dispositions de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales et de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Ce fichier, placé sous le contrôle du magistrat qui gère le casier judiciaire national, enregistre les informations relatives à l'identité et aux adresses des personnes concernées ainsi qu'à la décision ou la mesure justifiant l'inscription au FIJAIS (lieu et date de faits, nature de l'infraction justifiant les poursuites ou la condamnation, nature et date de la décision, peines ou mesures prononcées, juridiction les ayant prononcées). Il est à cet effet alimenté directement par les magistrats intervenant dans la procédure pénale ainsi que par les services de police ou les unités de gendarmerie pour ce qui concerne les justifications d'adresse ou les changements d'adresse dont ils ont eu connaissance.
Aux termes de la loi, le FIJAIS peut être directement interrogé par les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire, les préfets et les administrations de l'Etat.
Ainsi, l'article 3 du projet de décret a pour objet de fixer, conformément à l'article 706-53-12 du code de procédure pénale, la liste des administrations d'Etat autorisées, aux termes de la loi du 9 mars 2004 (art. 706-53-7 [3°]), à accéder directement au fichier « pour l'examen des demandes d'agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions ». Cette consultation se fera à partir de la seule identité d'une personne et permettra non seulement de savoir si telle personne est connue du FIJAIS, mais aussi les motifs de la décision judiciaire et les circonstances de l'infraction.
Les administrations de l'Etat concernées sont les suivantes :
― la direction du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche chargée de la gestion des ressources humaines ;
― les rectorats et les inspections académiques ;
― les directions régionales de la protection judiciaire de la jeunesse ou, dans les départements d'outre mer :
― les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse ;
― les directions régionales des services pénitentiaires ;
― les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ;
― les directions départementales de la jeunesse et des sports ;
― les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
La Commission estime que compte tenu du caractère extrêmement spécialisé de ce fichier, de l'extrême diversité des professions et activités concernées et de la gravité des conséquences qui peuvent résulter de sa consultation à des fins administratives, les modalités selon lesquelles il est prévu d'ouvrir le FIJAIS aux administrations doivent faire l'objet d'un encadrement particulièrement rigoureux.
La Commission considère en outre que la possibilité, reconnue par la loi, pour les administrations de l'Etat précitées, d'accéder directement au fichier, à la différence du casier judiciaire national, accroît sa sensibilité et rend indispensable l'adoption de mesures de confidentialité particulièrement strictes.
Sur le champ d'application de la consultation administrative du FIJAIS :
La Commission relève que l'article 706-53-7 (3°) du code de procédure pénale dispose que les préfets et les administrations de l'Etat ont directement accès au FIJAIS « pour l'examen des demandes d'agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions ».
Or, le projet de décret ne précise pas les professions ou activités pouvant donner lieu à la consultation du FIJAIS, par les administrations concernées, pour l'examen de ces demandes d'agrément.
En outre, il ressort des informations fournies, à la demande de la Commission, par les différents ministères, que si tous les personnels cités par ces derniers exercent une profession ou une activité impliquant un contact avec des mineurs, une grande partie de ces professions ou activités ne relèvent pas d'une procédure d'agrément telle qu'elle est instituée par de nombreux textes spécifiques, de nature législative ou réglementaire, par exemple, dans le domaine de l'action sociale, pour encadrer et contrôler l'exercice de certaines activités ou professions.
Aussi, et afin de répondre à la finalité précise assignée par le législateur à cette consultation à des fins administratives, validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° DC 2004-492 du 2 mars 2004, la Commission considère-t-elle nécessaire que le décret prévoie des dispositions d'application afin que soient énumérées les professions et activités concernées, en faisant référence aux textes applicables qui fondent la compétence de l'administration concernée en matière d'agrément, comme c'est le cas, par exemple, pour ceux qui autorisent la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Sur les conséquences individuelles de la consultation administrative du FIJAIS :