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Délibération n° 2011-419 du 15 décembre 2011 portant avis sur le projet de décret en Conseil d'Etat du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration modifiant le décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (FPR) (demande d'avis n° 1303832 V3)

Justice et droit
Sécurité publique
Institutions publiques
Déposé le 14 décembre 2011 à 23h00, publié le 16 août 2013 à 22h00
Journal officiel

Texte

La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur un projet de décret en Conseil d'Etat modifiant le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et notamment ses articles 26, 32, 40, 41 et 42 ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 modifié pris pour l'application de la loi n° 78 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le code de procédure pénale, et en particulier ses articles 230-19 et 706-53-11 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2212-6 et son annexe IV-I ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L.-213-1, L. 511-1, L. 511-3-1 et L. 533-1 ;
Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 modifiée pour la sécurité intérieure, notamment ses articles 23 et 24 ;
Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité :
Vu le décret n° 2005-1726 du 20 décembre 2005 relatif aux passeports, et en particulier son article 22 ;
Vu le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;
Vu le décret n° 2011-1729 du 2 décembre 2011 relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes et au casier judiciaire national automatisé ;
Vu les délibérations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés n° 88-120 du 8 novembre 1988, n° 92-056 du 9 juin 1992, n° 95-050 du 25 avril 1995, n° 2006-292 du 21 décembre 2006, n° 2008-433 du 13 novembre 2008, n° 2009-587 du 12 novembre 2009, n° 2010-298 du 15 juillet 2010, n° 2011-036 du 10 février 2011 et n° 2011-1729 du 2 décembre 2011 ;
Sur le rapport de M. Jean-Marie Cotteret, commissaire, et les observations de Mme Elisabeth Rolin, commissaire du Gouvernement,
Emet l'avis suivant :

La commission a été saisie le 2 novembre 2011 par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration d'un projet de décret en Conseil d'Etat modifiant le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (FPR).
La commission avait été précédemment saisie, le 12 mars 2010, d'un projet de décret en Conseil d'Etat visant à modifier le décret du 28 mai 2010 afin de rendre les services de police municipale destinataires de certaines données inscrites dans ce fichier. Elle s'était prononcée sur ce projet de décret le 15 juillet 2010 (délibération n° 2010-298). Ce texte n'ayant pas été publié au Journal officiel, les observations formulées par la Commission le 15 juillet 2010 n'ont pas été publiées. Elles seront donc reprises dans la présente délibération.
Les modifications envisagées portent ainsi principalement sur l'extension des motifs d'inscription au fichier des personnes recherchées, sur l'accès des agents du ministère des affaires étrangères et européennes chargés du traitement des titres d'identité et de voyage, sur l'extension de la liste des destinataires aux services de police municipale, ainsi qu'aux services gestionnaires du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions violentes (FIJAIS).
Sur l'extension des motifs d'inscription au fichier des personnes recherchées :
La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 a porté transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et a notamment modifié les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). En particulier, les dispositions de ce code prévoient de nouvelles mesures administratives d'éloignement.
Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article L. 511-1 (III) du CESEDA prévoit que l'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. Cette interdiction de retour donne lieu, à partir du fichier des personnes recherchées, à un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (SIS). Elle peut être prononcée pour une durée maximale de deux ou trois ans selon les cas et peut être prolongée de deux années supplémentaires si l'étranger ne s'y est pas conformé.
L'article L. 511-3-1 du CESEDA prévoit en outre de nouveaux cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Les dispositions des nouveaux articles L. 533-1 et L. 213-1 du même code prévoient enfin que l'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant.
La commission relève que le projet de décret vise à modifier l'article 2-IV du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées afin de prendre en compte ces modifications.
Elle prend acte de ce que la liste des personnes inscrites au FPR sera modifiée afin d'y ajouter les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée en application de l'un des cas prévus à l'article L. 511-3-1 du CESEDA, les étrangers faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français en application du III de l'article L. 511-1 du même code ainsi que ceux faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière dès lors que cet arrêté a été pris depuis moins de trois ans.
Concernant en particulier les étrangers faisant l'objet d'une interdiction de retour, la commission estime qu'il convient de s'assurer de l'effacement du signalement dans le fichier des personnes recherchées lorsque survient une décision d'abrogation par l'autorité administrative de l'interdiction de retour.
Sur l'accès des agents du ministère des affaires étrangères et européennes chargés du traitement des titres d'identité et de voyage :
Le projet de décret prévoit d'ajouter les agents du ministère des affaires étrangères et européennes chargés du traitement des titres d'identité et de voyage à la liste des services autorisés à accéder au fichier des personnes recherchées.
Dans la mesure où l'article 22 du décret n° 2005-1726 du 20 décembre 2005 relatif aux passeports prévoit que pour l'instruction des demandes de passeport, il est vérifié, par la consultation du fichier des personnes recherchées, qu'aucune décision judiciaire ni aucune circonstance particulière ne s'oppose à sa délivrance, la Commission prend acte des modifications ainsi apportées au décret du 28 mai 2010.
Sur l'extension de la liste des destinataires aux services de police municipale :
La commission souligne qu'elle s'est déjà prononcée sur les conditions de transmission aux services de police municipale d'informations provenant du FPR à l'occasion d'une précédente demande d'avis du ministère sur un projet de décret en Conseil d'Etat modifiant le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées,
La commission relève que le projet de décret qui lui est soumis pour avis mentionne que la transmission d'informations aux agents de police municipale relèvera de la seule initiative des services de la police et de la gendarmerie nationale.
Comme elle l'avait déjà relevé en 2010, la commission prend acte des garanties suivantes :
― les agents de police municipale seront habilités à recevoir communication des données mais ne disposeront d'aucun accès direct ni d'aucun accès en consultation au traitement FPR, toute interrogation du FPR à leur initiative étant proscrite ;
― la transmission d'informations aux agents de police municipale relèvera de la seule initiative des services de l'Etat, qui veilleront à s'assurer du concours des polices municipales dans la limite des attributions de ces dernières ;
― ces transmissions d'informations seront limitées aux seules fiches du FPR relatives aux catégories de personnes recherchées suivantes : mineurs en fugues, aliénés et personnes disparues ;
― les données à caractère personnel du FPR qui pourront être communiquées sont les éléments d'état civil de la personne recherchée, son signalement et sa photographie, le motif de la recherche ainsi que la conduite à tenir en cas de découverte ;
― les informations provenant du FPR transmises aux agents de police municipale ne peuvent être utilisés aux fins de constituer de nouveaux fichiers ou d'alimenter d'autres fichiers ;
― les informations provenant du FPR ne seront transmises qu'en tant que de besoin et ponctuellement aux agents de police municipale localement compétents pour en connaître ;
― les services de police municipale ne sont pas rendus destinataires de fiches comportant une conduite à tenir incompatible avec leurs attributions. Dès lors, les fiches du FPR qui leur seront transmises ne mentionneront pas la conduite à tenir par les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale. En conséquence, seules des conduites à tenir spécifiques adaptées à leurs missions pourront être transmises aux agents de police municipale ;
― en cas de transmission aux services de police municipale, une mention écrite explicite sera apposée sur la fiche concernée par l'agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ayant procédé à la transmission ;
Comme elle l'avait relevé en 2010, la commission observe par ailleurs que :
― à titre exceptionnel, afin de parer à un danger pour la population ou pour les besoins d'une enquête judiciaire, pourront être transmises aux services de police municipale, sans toutefois donner lieu à la transmission de la fiche proprement dite, des données à caractère personnel relatives à un individu susceptible d'être présent sur le territoire de la commune et auquel les agents de police municipale pourraient être confrontés dans le cadre de leurs missions sur la voie publique ;
― à titre exceptionnel également, le ministère prévoit que, dans le cadre d'enquêtes judiciaires, les agents de police municipale pourront être destinataires d'informations relatives aux autres catégories de fiches de recherches « afin de signaler aux forces de police de l'Etat, de manière non coercitive, le passage ou la présence de la personne recherchée » ;
― le dossier ne comporte aucun élément relatif aux mesures techniques de sécurité propres à assurer la confidentialité des données lors de leur transmission.
Comme elle l'avait déjà formulé en 2010, la commission considère :
― que le décret devrait expressément et clairement mentionner les restrictions et conditions de transmission d'informations provenant du FPR aux services de police municipale ;
― que le décret devrait mentionner expressément que les informations transmises aux agents de police municipale en provenance du FPR ne peuvent être utilisées aux fins de constituer de nouveaux fichiers ou d'alimenter d'autres fichiers ;
― que le décret devrait préciser clairement, pour chaque cas de figure, le contenu des différentes conduites à tenir pouvant être transmises aux agents de police municipale ;
― que le décret devrait mentionner clairement les hypothèses dans lesquelles, à titre exceptionnel, certaines données issues du FPR peuvent être transmises aux services de police municipale, sans donner lieu à transmission de fiches proprement dites ;
― que le décret devrait préciser que la mention écrite devant être apportée sur les fiches ayant fait l'objet d'une transmission aux services de police municipale comporte, a minima, l'identification du service de police municipale destinataire, l'identité de l'agent de la police nationale ou du militaire de la gendarmerie nationale ayant procédé à la transmission, ainsi que la date et l'heure de la transmission ; et que ces transmissions devraient faire l'objet de mesures individuelles de traçabilité ;
― que la version modifiée finale du « mémento des conduites à tenir » relatif aux fiches FPR devrait lui être adressée ;
Enfin, la commission insiste à nouveau sur la nécessité pour le ministère d'utiliser les moyens de transmission les plus sûrs pour l'échange d'informations relatives au FPR, de mettre en œuvre les mesures techniques pertinentes propres à assurer la sécurité, l'intégrité et la confidentialité des données, telles que le chiffrement des données, ainsi que des moyens de transmission utilisés.
Sur la base de ces éléments, la commission prend acte de l'ajout des agents de police municipale au nombre des destinataires de données à caractère personnel contenues dans le FPR, à l'initiative des services de police nationale ou de gendarmerie nationale.
Sur l'extension de la liste des destinataires aux services gestionnaires du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions violentes (FIJAIS) :
Le projet de décret prévoit enfin d'ajouter les gestionnaires du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) à la liste des services habilités à être destinataires d'informations provenant du FPR aux fins de mise à jour des données enregistrées dans le FPR.
Il s'agit de permettre à l'application FIJAIS, dans un processus qui pourra être automatisé, de repérer les dossiers qui font également l'objet d'une inscription au FPR afin d'aviser le gestionnaire du FPR lorsque la personne a régularisé sa situation et a justifié de son adresse. En effet, tout manquement à l'une des obligations incombant aux personnes inscrites au FIJAIS (obligation de justifier de son adresse et obligation de déclarer un changement d'adresse) peut entraîner leur inscription dans le fichier des personnes recherchées.
La commission prend acte de ce que ces échanges entre le FIJAIS et le FPR constituent ainsi une interconnexion, autorisée par l'article 706-53-11 du code de procédure pénale. En effet, l'article 12-1 (6°) de la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 a créé une exception au principe d'interdiction de rapprochement ou d'interconnexion entre le FIJAIS et tout autre fichier ou recueil de données nominatives détenus par une personne quelconque ou par un service de ]'Etat ne dépendant pas du ministère de la justice, exception qui concerne le fichier des personnes recherchées (FPR).
La commission rappelle qu'elle s'est prononcée, par sa délibération n° 2011-179 du 16 juin 2011, sur la modification du décret relatif au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) visant à ajouter à la liste des données traitées dans ce fichier la date et le motif de l'inscription au FPR.
La commission relève que ces modifications sont entrées en vigueur avec le décret n° 2011du 2 décembre 2011 relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes et au casier judiciaire national automatisé.
La commission prend acte des précisions apportées à sa demande concernant la liaison technique entre le FIJAIS et le FPR, selon lesquelles a été développée une solution technique provisoire permettant une interrogation des seules fiches inscrites dans le FPR concernant le FIJAIS : fiches J19 (défaut de justification FIJAIS), J20 (notification FIJAIS) ou PJ04 (notification de l'historique FIJAIS).
Elle relève toutefois que le ministère a indiqué que cette solution technique demeure provisoire et qu'une solution pérenne sera mise en œuvre dans le cadre du FPR rénové, qui devrait être mis en service au cours de l'année 2012.
La commission prend également acte des engagements du ministère de lui adresser le dossier de présentation de ce traitement qui comportera la nouvelle architecture technique, ainsi que de l'informer, dans l'intervalle, des modalités de mise en œuvre de la solution transitoire si celle-ci devait être retenue.
Sur les modifications visant à tenir compte du rattachement au ministère de l'intérieur des services chargés de l'immigration ou de l'intégration de certaines dispositions dans le code de procédure pénale :
La commission estime que ces modifications n'appellent pas d'observation.

Pour la présidente :


Le vice-président délégué,


E. de Givry