Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Jean-Laurent LASTELLE commissaires.
En France métropolitaine continentale, les tarifs réglementés de vente d'électricité (ci-après " TRVE ") sont proposés aux consommateurs visés à l'article L. 337-7 du code de l'énergie. Dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI), en application des dispositions de l'article L. 337-8 du code de l'énergie, les tarifs réglementés de vente d'électricité s'appliquent à l'ensemble des clients finals.
En application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a pour mission de proposer aux ministres de l'énergie et de l'économie ces TRVE.
Le niveau moyen des TRVE est déterminé selon la méthodologie dite " par empilement des coûts " conformément à l'article L. 337-6 du code de l'énergie.
La CRE a pris en compte, dans sa délibération, la situation de crise sanitaire de notre pays et les difficultés économiques que traversent un certain nombre de nos concitoyens et de nos entreprises. Ainsi, la CRE a souhaité, dans la limite des marges de manœuvre permises par le cadre législatif et réglementaire, atténuer l'impact des évolutions tarifaires sur les consommateurs.
Avant de prendre sa délibération, la CRE a auditionné :
- les fournisseurs des TRVE : EDF et les ELD ;
- les fournisseurs alternatifs ;
- les associations de consommateurs ;
- les administrations concernées : DGEC et DGCCRF.
S'agissant des tarifs réglementés de vente d'électricité en France métropolitaine continentale
La CRE propose une évolution du niveau moyen des TRVE de +2,17 % HT (soit 2,71€/MWh ou 1,74 % TTC) et qui se décompose en :
- + 1,93 % HT soit + 2,42 €/MWh ou + 1,61 % TTC, pour les tarifs bleus résidentiels ;
- + 3,23 % HT soit + 4,02 €/MWh ou + 2,61 % TTC, pour les tarifs bleus professionnels.
Cette hausse est la conséquence :
- de l'augmentation du coût de l'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité hors effet de l'écrêtement de l'ARENH (+ 0,7 % TTC, dont - 0,8 % TTC en énergie et + 1,5 % TTC au titre de la capacité) ;
- de l'augmentation du coût du complément d'approvisionnement en énergie et en capacité consécutif à l'écrêtement de l'ARENH (+ 0,6 % TTC) ;
- de l'évolution des coûts de commercialisation d'EDF due aux effets de la crise sanitaire liée à la Covid-19 qui se décompose en :
- - 0,2 % TTC pour les clients résidentiels,
- + 0,9 % TTC pour les clients non résidentiels, hausse liée notamment à la réduction du périmètre d'éligibilité des clients non résidentiels aux TRVE à partir du 1er janvier 2021. Les clients restant aux TRV, en moyenne plus petits, ont des coûts de commercialisation exprimés en €/MWh plus élevés ;
- du rattrapage de l'écart entre coûts et tarifs au titre des exercices 2019 et 2020 qui est dû principalement aux effets de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et à la hausse des impayés (+0,5 % TTC).
Depuis plusieurs années, les facteurs principaux de hausse des TRVE et plus généralement du prix de l'électricité en France sont les Certificats d'Economie d'Energie (CEE), le mécanisme de capacité et le dispositif d'écrêtement de l'ARENH.
Concernant les CEE
La CRE reste attentive aux évolutions de ce mécanisme et notamment au volume d'obligation qui sera retenu pour la cinquième période. Elle indiquait à ce titre, dans sa délibération du 25 juin 2019 (1), que les bénéfices réels de ce dispositif sont contestés et que des abus ou des fraudes sont régulièrement constatés.
Concernant le mécanisme de capacité, qui occasionne la plus forte hausse en 2021
La hausse du prix des garanties de capacité en 2021 par rapport à 2020 est principalement conjoncturelle et est due à un équilibre offre-demande tendu pour le premier trimestre 2021. Cette situation est la conséquence du confinement et des mesures sanitaires mis en place pour lutter contre l'épidémie de la COVID‐19 en 2020, qui ont fortement perturbé les activités de maintenance des arrêts programmés sur le parc nucléaire.
Le coût du mécanisme de capacité pour les consommateurs français (environ 4% de la facture TTC) conduit la CRE à s'interroger sur le rapport coût-bénéfice du dispositif. A ce titre, sur la base notamment du retour d'expérience du mécanisme qui sera finalisé par RTE début 2021, la CRE fera part avant mi-2021 de son analyse et de ses éventuelles propositions d'évolution du mécanisme.
Enfin, la CRE précise que toute baisse des prix de la capacité pour l'année de livraison 2022 sera bien évidemment répercutée dans le niveau des TRVE en 2022, conformément à la méthodologie de tarification par empilement.
Concernant l'écrêtement de l'ARENH
La CRE a indiqué à plusieurs reprises (2) qu'une réforme du dispositif ARENH était souhaitable et que, dans l'attente d'une telle réforme, elle recommandait de porter le plafond de l'ARENH à 150 TWh, comme le permet l'article L. 336-2 du code de l'énergie, le cas échéant en augmentant le prix de l'ARENH inchangé depuis 2012.
Le maintien d'un plafond à 100 TWh et la tenue du guichet à la fin du mois de novembre précédant l'année de livraison exposent fortement le TRVE à la volatilité des prix de marché sur le seul mois de décembre. Or, cette année, le prix de l'énergie est passé de 42 €/MWh début novembre à 51 €/MWh fin décembre et le prix de la capacité est passé de 32 693,4 €/MW lors de l'enchère d'octobre à 39 095,4 €/MW lors de l'enchère du 10 décembre 2020.
L'évolution des prix de gros de l'électricité constatée en fin d'année 2020 s'inscrit dans un contexte global de remontée du prix des commodités, avec des hausses du prix du charbon de 12 %, du prix du gaz (PEG) de 9 %, du prix du Brent de 19 % et du prix du quota CO2 de 20 %. Le prix de l'électricité en France et en Europe est largement corrélé à l'évolution de ces cours. En parallèle, le spread France-Allemagne portant sur le produit calendaire Base 2021 n'a que très légèrement varié (-2 %) sur la période.
Enfin, la CRE a pris bonne note des débats intervenus récemment en ce qui concerne les niveaux respectifs des tarifs dits " base " et " heures pleines / heures creuses ". S'il est exact que l'attractivité des tarifs " heures pleines / heures creuses " a diminué progressivement ces dernières années, l'analyse doit être poursuivie, les premiers éléments chiffrés apportés apparaissant comme exagérés compte tenu des informations dont dispose la CRE. La CRE communiquera son analyse de cette question et ses premières propositions pour le prochain mouvement tarifaire d'août 2021.
S'agissant des tarifs réglementés de vente d'électricité dans les Zones Non Interconnectées (ZNI)
Pour les clients dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA et raccordés en basse tension, les barèmes des tarifs réglementés bleus résidentiels et non résidentiels de la métropole continentale s'appliquent.
Les tarifs réglementés pour les clients dans les ZNI souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA ou raccordés en haute tension évoluent selon l'article R. 337-19-1 du code de l'énergie par catégorie tarifaire " dans les mêmes proportions que le coût de l'électricité, déterminé par la Commission de régulation de l'énergie, facturé aux consommateurs pour les mêmes puissances souscrites en France métropolitaine continentale ", afin d'assurer la péréquation tarifaire.
Le mouvement tarifaire proposé consiste en une évolution du niveau moyen des TRVE de :
- + 1,93 % HT soit + 2,42 €/MWh ou + 1,61 % TTC, pour les tarifs bleus résidentiels ;
- + 3,23 % HT soit + 4,02 €/MWh ou + 2,61 % TTC, pour les tarifs bleus professionnels ;
- + 2,2 % HT pour les tarifs jaunes, qui s'appliquent exclusivement en Corse et pour les tarifs " bleus + ", applicables dans toutes les ZNI à l'exception de la Corse (consommateurs raccordés en BT dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA) ;
- + 2,5 % HT pour les tarifs verts (consommateurs raccordés en HTA).
La CRE poursuit ses analyses sur les évolutions en structure pour les clients aux TRVE bleus +, jaunes et verts. La CRE envisage de finaliser ses travaux durant le premier semestre 2021 afin d'aboutir, pour le prochain mouvement tarifaire, à un calendrier définitif portant sur la fin des options historiques sur les territoires concernés au profit de l'option " transition énergétique ".
La CRE a lancé le 15 octobre dernier une consultation publique auprès des acteurs sur deux évolutions de méthodologie de construction des TRVE :
- la prise en compte du profilage dynamique dans la construction des TRVE ;
- la prise en compte ex ante des écarts structurels pouvant exister entre la date d'application des TRVE et l'évolution des coûts sous-jacents.
La CRE a reçu des contributions détaillées sur ces sujets techniques. Elle poursuivra ses analyses durant le premier trimestre de 2021 avant d'apporter des conclusions définitives sur les méthodologies à retenir.
Le mouvement tarifaire proposé a vocation à s'appliquer au plus tôt et le premier jour d'un mois calendaire.
La présente délibération présente les évolutions de chaque composante de l'empilement tarifaire.
La méthodologie de calcul est présentée en annexe A.
Les barèmes de prix en résultant sont présentés en annexes B1 à B4.
La CRE recommande que chacune de ces annexes fasse l'objet d'un arrêté spécifique. Les barèmes intègrent les spécificités propres aux consommateurs participant à des opérations d'autoconsommation individuelles ou collectives.
Par ailleurs, conformément à sa politique de transparence, la CRE publie en open data sur son site internet ( https://www.cre.fr/pages-annexes/open-data) les données permettant de calculer les TRVE : décomposition de l'empilement pour chaque option/puissance/poste horosaisonnier, base de données des consommations des clients aux TRVE d'EDF au 31 décembre 2019.
Enfin, la CRE a vérifié que la présente proposition tarifaire permettait de couvrir la référence des coûts comptables de fourniture d'EDF établie par le Conseil d'Etat.
(1) https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Proposition/Proposition-des-tarifs-reglementes-de-vente-d-electricite2
(2) En particulier dans son rapport du 22 juillet 2020 pris en application de l'article R. 336-39 du code de l'énergie analysant les causes et les enjeux de l'atteinte du plafond du dispositif ARENH ou dans ses précédentes propositions tarifaires.