Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.
Les articles L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du code de l'énergie donnent compétence à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour fixer la méthode d'établissement des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) pour les utilisateurs raccordés en haute tension B (HTB). La CRE procède aux modifications de niveau et de structure des tarifs qu'elle estime justifiées au vu notamment de l'analyse de la comptabilité des opérateurs, de l'évolution prévisible de leurs charges de fonctionnement et d'investissements ou encore de l'évolution des usages des réseaux. La fixation de ces tarifs est particulièrement importante en période de transition énergétique, pour laquelle les réseaux ont un rôle majeur à jouer dans un contexte de renforcement de la place de l'électricité dans le mix énergétique et de transformation profonde des systèmes électriques en Europe.
Le tarif actuel d'utilisation des réseaux publics de transport d'électricité, dit TURPE 5 HTB, est entré en vigueur le 1er août 2017, en application de la délibération du 17 novembre 2016 (1), pour une durée de quatre ans environ. La CRE définit un nouveau tarif d'utilisation des réseaux de transport d'électricité, dit TURPE 6 HTB, applicable au 1er août 2021 pour une durée de quatre ans environ.
Compte tenu de la visibilité indispensable pour les acteurs de marché et de la complexité des sujets à traiter, la CRE a organisé cinq consultations publiques :
- la première, en date du 14 février 2019 (2), concernait le cadre de régulation applicable aux opérateurs d'infrastructures régulées pour la prochaine génération de tarifs. 41 réponses ont été reçues ;
- la deuxième, en date du 23 mai 2019 (3), portait principalement sur les principes et enjeux de la structure des TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT et comprenait en particulier de premières orientations relatives à la composante de gestion, la composante de comptage, la forme des grilles de soutirage et la tarification de l'injection. 37 réponses ont été reçues ;
- la troisième, en date du 17 octobre 2019 (4), portait sur la qualité de service et les actions des gestionnaires de réseaux en faveur de l'innovation des acteurs pour le secteur de l'électricité. 33 réponses ont été reçues ;
- la quatrième, en date du 19 mars 2020 (5), portait principalement sur les évolutions de la composante de soutirage envisagées par la CRE. 38 réponses ont été reçues ;
- la dernière, en date du 1er octobre 2020 (6), présentait la proposition finale de la CRE pour le TURPE 6 HTB. Elle portait ainsi sur le cadre de régulation tarifaire, notamment la qualité de service et l'innovation, le niveau des charges et recettes de RTE et le niveau du tarif en découlant ainsi que la structure tarifaire. 48 réponses ont été reçues.
Les réponses à ces cinq consultations publiques sont publiées, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sur le site de la CRE.
Par ailleurs, la CRE a mené une consultation publique, en date du 9 juillet 2020, portant sur les signaux économiques envoyés aux producteurs d'électricité et sur l'opportunité d'une tarification des injections, en indiquant cependant que les évolutions envisagées n'avaient pas vocation à être mises en œuvre dès le TURPE 6, mais éventuellement ultérieurement.
Conformément à la loi, le TURPE 6 HTB est fixé de manière à couvrir les coûts de RTE dans la mesure où ils correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace. La présente délibération se fonde notamment sur la demande tarifaire de RTE ainsi que sur de nombreux échanges avec ce dernier, sur des analyses internes, sur des rapports d'audits externes (7) et sur le retour des acteurs aux différentes consultations publiques. La CRE a également auditionné RTE ainsi que son actionnaire CTE.
En outre, la CRE a pris en compte, conformément aux dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, les orientations de politique énergétique transmises par la ministre de la transition écologique et solidaire, par courrier reçu en date du 19 juin 2020. Ces orientations sont publiées sur le site de la CRE (8).
Un tarif pour la transition énergétique
En plus des objectifs de prévisibilité et de continuité, la CRE considère que le TURPE 6 HTB doit apporter des réponses aux enjeux prioritaires suivants :
Le réseau public de transport d'électricité joue un rôle majeur dans la transition énergétique
La prochaine période tarifaire (2021-2024) s'inscrit dans un contexte d'accélération nécessaire de la transition énergétique, avec une augmentation massive de la production d'électricité renouvelable (EnR). En particulier, RTE sera directement concerné par le raccordement des parcs éoliens en mer et des autres centrales EnR de grande taille. En tant que gestionnaire du système électrique, RTE sera également confronté à l'arrêt des centrales au charbon et à la forte croissance de la production décentralisée et de la mobilité électrique, qui modifieront profondément les flux sur le réseau de transport d'électricité dans les années à venir : sa mission relative à l'équilibrage du système électrique en temps réel s'en trouve modifiée et complexifiée.
Les investissements nécessaires devront être faits en maîtrisant leurs coûts
Dans son Schéma décennal de développement du réseau (SDDR), qui a fait l'objet de l'examen de la CRE en juillet 2020 (9), RTE prévoit une forte hausse de ses investissements : 33 Md€ sur 15 ans auxquels s'ajoutent 3 Md€ pour l'immobilier, les systèmes d'information, la logistique et les véhicules légers. Ces investissements sont non seulement liés à la transition énergétique, en particulier s'agissant de l'éolien en mer, mais aussi au vieillissement progressif du réseau qui nécessite un effort accru pour le renouvellement des infrastructures afin de garantir un niveau de qualité et de sécurité d'alimentation élevé.
En cohérence avec sa délibération portant examen du SDDR en tant que stratégie d'investissement, la CRE est très attentive à ce que RTE ait les moyens de répondre à ces nouveaux besoins. L'enjeu pour RTE sera de réaliser les investissements nécessaires tout en optimisant le coût global de fonctionnement de son réseau.
La qualité d'alimentation doit être maintenue à un niveau élevé
La qualité d'alimentation est une des missions essentielles du gestionnaire de réseau de transport. Elle est aujourd'hui à un niveau satisfaisant sur le réseau de RTE. Des améliorations peuvent toujours être recherchées, mais fixer des objectifs trop ambitieux conduirait à des hausses excessives des coûts. Pour la période de 4 ans à venir, l'enjeu principal sera donc de conserver les performances actuelles, alors même que des transformations importantes du mix électrique en France et chez nos voisins européens vont intervenir dans les années qui viennent.
Les évolutions technologiques dégagent des flexibilités nouvelles pour les réseaux
Les évolutions technologiques (comptage évolué, stockage, numérique, etc.) créent un potentiel important de nouvelles sources de flexibilité, au moment où la transition énergétique va générer des besoins supplémentaires de flexibilité, où le déploiement de nouvelles infrastructures devient, dans notre pays notamment, toujours plus complexe et où la sécurité des approvisionnements reste un enjeu majeur.
L'enjeu pour RTE sera donc de mobiliser les sources de flexibilité nouvelles (écrêtement de la production, stockage, effacement de consommation, agrégation de flexibilités décentralisées) pour limiter au strict nécessaire les renforcements de réseau. Cette approche est cohérente avec l'enjeu de maîtrise du coût global du réseau telle que déclinée dans le SDDR.
RTE doit continuer à se transformer et à se moderniser
RTE doit se transformer, se moderniser et innover, en lien avec son écosystème, pour demeurer un opérateur de référence parmi les gestionnaires de réseau de transport d'électricité en Europe et dans le monde.
Pour ce faire, le TURPE 6 accompagne l'opérateur dans cette transformation, en la prenant en compte pour la fixation des trajectoires de charges d'exploitation et d'investissements. Cet effort de modernisation doit se traduire concrètement par des résultats, qu'il s'agisse de la mise en œuvre d'un programme de recherche et de développement ambitieux, notamment en lien avec des partenaires, du recours effectif à des solutions innovantes et aux flexibilités, de la mise en œuvre d'actions prioritaires dans les délais pour favoriser l'innovation de l'ensemble du secteur ou du maintien de la qualité de service. En conséquence, le TURPE 6 HTB prévoit un renforcement de la régulation incitative de RTE à ces fins.
L'évolution des factures doit être maîtrisée pour assurer l'acceptabilité du tarif
Dans un contexte de crise sanitaire et possiblement de crise économique à venir, la CRE attache la plus haute importance à ce que toute hausse tarifaire soit justifiée par des hausses de coûts inévitables et soit limitée au strict nécessaire. Les différentes baisses d'impôts prévues seront notamment prises en compte.
Ainsi, la CRE a veillé à ce que les modifications de la structure tarifaire, rendues nécessaires dans le contexte actuel d'évolution rapide du système énergétique, n'engendrent pas de hausses de factures non acceptables. C'est dans cette optique que les évolutions seront lissées sur les 4 ans de la période tarifaire.
Evolution du niveau du tarif
RTE a formulé une demande d'évolution tarifaire exposant ses prévisions de coûts pour la période 2021-2024 ainsi que ses demandes relatives au cadre de régulation.
La prise en compte des éléments du dossier tarifaire adressé à la CRE par RTE (10) aurait conduit à une hausse du tarif unitaire moyen de + 6,25 % par an sur toute la période tarifaire.
Evolution des charges à couvrir
La demande de RTE est fondée sur trois postes de charges :
- ses charges de capital, en légère baisse de - 0,5 % en 2021 par rapport au niveau réalisé en 2019, puis en hausse soutenue de + 4,7 % par an en moyenne entre 2021 et 2024. RTE propose ainsi une baisse de son taux de rémunération, à 5,35 % (contre 6,125 % pour la période du TURPE 5) et prévoit d'investir 2,2 Md€ par an en moyenne pendant la période du TURPE 6, contre moins de 1,5 Md€ en 2019. Si ce programme est réalisé, la base d'actifs régulés (BAR) de RTE au 31 décembre 2024 pourrait atteindre 17,7 Md€, en hausse de 23 % par rapport à la BAR constatée au 31 décembre 2019 ;
- ses achats liés à l'exploitation du système électrique, en hausse de + 21,7 % en 2021 par rapport au niveau réalisé en 2019, puis en hausse contenue de + 0,7 % par an en moyenne entre 2021 et 2024. RTE explique cette évolution notamment par la hausse des prix de l'énergie et de la capacité, des volumes de réserves ainsi que des coûts de congestion du fait de la montée en puissance du recours aux flexibilités ;
- ses charges d'exploitation hors achats liés à l'exploitation du système électrique, en hausse de + 12,4 % en 2021 par rapport au niveau réalisé en 2019, puis en hausse de + 2,4 % par an en moyenne entre 2021 et 2024 ; RTE explique cette évolution par la mise en œuvre de sa politique de gestion des actifs et par l'adaptation de l'entreprise nécessaire pour accompagner la hausse des investissements.
Pour prendre sa décision, en plus de ses analyses propres, de la large consultation des acteurs et des échanges avec RTE, la CRE s'est appuyée sur des études de consultants externes dont les rapports sont publiés sur le site internet de la CRE. Ces études portent sur les sujets suivants :
- un audit de la demande relative aux charges d'exploitation (hors achats liés à l'exploitation du système électrique) et aux investissements hors réseaux de RTE pour la période 2021-2024 (11) ;
- un audit de la demande du taux de rémunération des actifs régulés des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d'électricité (12).
Au terme de ses analyses, des retours des acteurs à la consultation publique de 1er octobre 2020 et des échanges complémentaires qu'elle a eus avec RTE, la CRE décide de limiter la hausse des charges par rapport à celle demandée par RTE tout en maintenant une rémunération adaptée des investissements réalisés. Le TURPE 6 HTB garantit les capacités de RTE à mener un programme d'investissements ambitieux et nécessaire afin d'accompagner la transition énergétique et de moderniser le réseau existant, et à réaliser sa transformation numérique. Il s'agit ainsi de permettre à RTE, d'une part, de répondre aux nouveaux besoins des acteurs et d'être acteur de la transition énergétique, et d'autre part, de maintenir un niveau de qualité d'alimentation élevé.
Charges d'exploitation
La CRE a retenu pour RTE une trajectoire ambitieuse de charges d'exploitation pendant la période du TURPE 6 prenant notamment en compte :
- une augmentation des achats liés à l'exploitation du système électrique de 13 % par rapport au réalisé 2019, induite notamment par la hausse des prix de marché influant sur le coût de compensation des pertes sur le réseau public de transport ;
- une hausse des dépenses de gestion des actifs de 15 % par rapport au réalisé 2019, fondée sur les demandes de RTE en termes de volumes d'opérations, de façon à lui permettre de mener à bien sa politique. Cette hausse tient toutefois compte d'une évolution plus mesurée des coûts unitaires de ces opérations lorsque la demande de l'opérateur n'était pas suffisamment justifiée ;
- une hausse des charges d'exploitation liées aux systèmes d'information de 8 % par rapport au réalisé 2019, afin que RTE poursuive son effort d'amélioration de ses outils de pilotage, renforce la cybersécurité de ses installations et réponde au mieux aux attentes des utilisateurs de réseaux et des acteurs de marché, tout en tenant compte des réductions de coûts permises par certains investissements SI passés ou en cours de déploiement ;
- une hausse des dépenses de personnel de 11 % par rapport au réalisé 2019, afin de permettre à RTE de mettre en œuvre sa politique de gestion des actifs et d'accompagner la forte croissance des investissements, notamment pour le raccordement des parcs éoliens en mer.
Le TURPE 6 HTB fait bénéficier les consommateurs de la baisse des impôts de production, à hauteur de 70 M€/an (0,8 % des charges de RTE).
La trajectoire des charges nettes d'exploitation fixée par la CRE correspond à une enveloppe globale. RTE a la liberté de répartir cette enveloppe entre les différentes natures de charges, en fonction de ses choix.
Charges de capital
S'agissant des investissements, la CRE a retenu :
- pour les investissements réseaux, la trajectoire d'investissements demandée par RTE, construite en cohérence avec le SDDR, où seuls les investissements ayant fait l'objet d'un refus de la CRE n'ont pas été intégrés ;
- pour les investissements SI, une hausse des investissements de 5 % par rapport au réalisé 2019, tenant compte toutefois de la possibilité qu'a RTE de prioriser le développement de certains projets de façon à limiter l'augmentation, et donc les coûts pour les utilisateurs ;
- pour les investissements immobiliers, une hausse des investissements, conditionnée à l'approbation des projets de construction des sièges régionaux de Lille et de Marseille.
Il est rappelé que les investissements réseaux sont couverts par le tarif (hors apport de subventions ou participations des tiers) en fonction des réalisations constatées qui sont prises à 100 % au compte de régularisation des charges et des produits (CRCP). Les investissements « hors réseaux », incluant les SI, l'immobilier et les véhicules légers, font l'objet d'une trajectoire de charges de capital incitée.
Au regard des éléments d'analyse dont elle dispose et des observations de marché, la CRE retient une baisse du coût moyen pondéré du capital (CMPC) qui s‘établit à 4,6 % (nominal, avant impôts).
Le niveau de ces paramètres, dont la méthode de détermination reste inchangée par rapport au TURPE 5 HTB, reflète :
- l'évolution à la baisse des coûts de financement dans un contexte marqué par la baisse significative et durable des taux d'intérêt sur les marchés ;
- la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés (IS) qui passe de 34,43 % dans le TURPE 5 HTB à 26,47 % en moyenne sur la période du TURPE 6.
Cette méthode est fondée sur un CMPC à structure normative et assure une rémunération raisonnable des capitaux investis, permettant de maintenir l'attractivité des infrastructures d'énergie en France, au regard des autres pays européens.
Recettes d'interconnexion
La CRE retient les hypothèses de recettes d'interconnexion de RTE, lesquelles viennent en déduction du TURPE 6 HTB à hauteur 366 M€/an en moyenne. Cette trajectoire correspond à une baisse de 19 % des recettes d'interconnexion par rapport au réalisé 2019. Les recettes correspondantes sont à 100 % au CRCP.
Evolution des soutirages et des puissances souscrites, ainsi que des injections
L'évolution du tarif dépend non seulement du niveau des charges à couvrir, mais également de l'effet volume lié à l'évolution des soutirages et des puissances souscrites, ainsi que des injections en HTB 2 et 3, sur la base desquels sont établies les grilles tarifaires permettant de recouvrer les recettes tarifaires prévisionnelles.
Dans le cadre de son dossier tarifaire, RTE avait transmis à la CRE des hypothèses prenant en compte une partie des effets de la crise covid-19 alors identifiés. Les prévisions de soutirage et de puissances souscrites ont, depuis lors, été mises à jour par RTE, en coordination avec Enedis, afin de prendre en compte l'impact de cette crise et les dernières informations disponibles.
Entre le réalisé 2019 et la période 2021-2024, RTE prévoit ainsi :
- une baisse (- 3,8 %) des soutirages en énergie (contre - 2,1% dans le cadre de ses estimations précédentes), qui, outre l'effet lié à la crise covid-19, s'explique en particulier par l'amélioration de l'efficacité énergétique et par le développement de la production décentralisée, dont une partie est consommée sur le réseau de distribution et diminue donc les soutirages depuis le réseau de transport ;
- une légère baisse (- 0,8 %) des puissances souscrites (contre - 0,6 % dans le cadre de ses estimations précédentes) du fait de la stabilité de la pointe de soutirage ;
- une baisse (- 2,0 %) des injections par la production centralisée raccordée aux réseaux HTB 2 et HTB 3, en raison de la fermeture des centrales au charbon et de la centrale nucléaire de Fessenheim, ainsi que du développement de la production décentralisée, qui vient se substituer, progressivement, à la production centralisée ;
- une forte progression (+ 30,5 %) des refoulements des réseaux de distribution vers le réseau de transport (y compris en HTB2) et de la production raccordée en HTB 1, qui s'explique par le développement de la production à partir d'énergies renouvelables.
En outre, conformément à l'article L. 341-4-2 du code de l'énergie, certaines catégories de consommateurs peuvent bénéficier d'une réduction de leur facture de transport d'électricité. Les moindres recettes associées à la mise en œuvre de ce dispositif à destination des consommateurs électro-intensifs sont prises en compte par la CRE pour la fixation du TURPE 6 HTB.
Evolution du niveau du tarif
L'évolution du TURPE 6 HTB résulte, en plus de la hausse des charges à couvrir et de la baisse anticipée des soutirages, des injections et des puissances souscrites, de l'apurement du CRCP issu de la période tarifaire antérieure. Ce dernier s'établira à 1,5 M€/an en moyenne, alors qu'il était de 29 M€/an au cours du TURPE 5. Ce solde prévisionnel du CRCP résulte de deux effets opposés : d'une part, la crise covid-19 a pesé sur les volumes de consommation et donc sur les recettes tarifaires en 2020 ; d'autre part, RTE a bénéficié de recettes supplémentaires tirées de la vente des capacités d'interconnexion sur le mécanisme de capacité lors de la dernière enchère organisée en 2020.
Ainsi, l'évolution moyenne, sur l'ensemble des consommateurs, du TURPE 6 HTB s'établit à + 1,09 % au 1er août 2021 et à + 1,57 % en moyenne par an sur l'ensemble de la période tarifaire, sur la base d'une hypothèse d'inflation moyenne sur la période de 1,07 % par an.
Dans un contexte marqué par une hausse importante des investissements permettant de répondre aux enjeux de la transition énergétique, l'évolution du TURPE reste cependant modérée. Cette modération est notamment rendue possible par l'environnement financier favorable aux investissements dans la transition énergétique et la prise en compte des importantes baisses d'impôts prévues dans le projet de loi de finances pour 2021.
Régulation incitative
Le bilan des périodes tarifaires précédentes et le retour des consultations publiques ont montré que le cadre de régulation incitative fonctionne bien et ne nécessite que des améliorations ponctuelles. En conséquence, la CRE reconduit, pour le TURPE 6 HTB, les principaux mécanismes de régulation incitative en vigueur, en les ajustant quand cela est nécessaire : régulation incitative à la maîtrise des charges d'exploitation et des dépenses d'investissements, régulation incitative de la qualité d'alimentation et de la recherche et du développement, couverture a posteriori de certains écarts via le CRCP.
Dans un contexte marqué par une forte hausse des investissements de RTE, la CRE introduit un mécanisme visant à inciter RTE à maitriser et à prioriser ses dépenses d'investissements de réseaux. Ce mécanisme fixe une enveloppe pluriannuelle qui constitue un plafond au-delà duquel les coûts d'investissements engagés donneraient lieu à une pénalité.
Par ailleurs, dans le cadre de l'examen du SDDR de RTE, la CRE s'est montrée favorable à la politique de gestion des actifs proposée par RTE et visant à prolonger la durée de vie des actifs afin de limiter les dépenses d'investissement. Cette politique se traduit par une hausse sensible des charges d'exploitation de l'opérateur. Dans ce contexte, la CRE a retenu, pour l'élaboration des trajectoires de charges à couvrir, les volumes d'opérations demandées par RTE. En contrepartie, le TURPE 6 HTB prévoit un dispositif ad hoc permettant de s'assurer du respect de l'exécution des volumes de travaux et d'activités ayant servi à la construction de la trajectoire tarifaire et de restituer aux utilisateurs de réseaux le coût prévisionnel des opérations non réalisées via le CRCP de fin de période tarifaire.
S'agissant des achats liés à l'exploitation du système électrique, la CRE :
- maintient la régulation incitative des charges liées à la compensation des pertes, mais la renforce en augmentant le taux d'incitation portant sur le volume de pertes de 10 % à 20 %, en cohérence avec le niveau d'incitation applicable aux autres opérateurs d'infrastructures régulées en France ;
- fait évoluer la régulation incitative portant sur les réserves d'équilibrage : alors que le TURPE 5 HTB incitait RTE à maîtriser le volume de ses réserves d'équilibrage, le nouveau dispositif retenu par la CRE a pour objectif d'inciter RTE sur l'ensemble des coûts de contractualisation de ces réserves ;
- harmonise l'incitation portant sur les coûts de congestions nationales et internationales en appliquant un taux d'incitation de 20 % sur l'ensemble de ces coûts pour l'adapter à la politique de dimensionnement optimal des réseaux et aux enjeux européens.
Enfin, la CRE renforce le dispositif de suivi et de régulation incitative de la qualité de service, en introduisant, notamment, une régulation incitative à l'innovation, portant principalement sur la qualité des données transmises par RTE aux acteurs de marché et le rôle de RTE de facilitateur de l'innovation à l'externe, dans le cadre de l'exécution de ses missions de service public. La CRE a ainsi identifié des actions prioritaires et introduit une incitation pour RTE à les réaliser dans les délais nécessaires pour permettre aux acteurs de marché et aux utilisateurs de réseaux d'innover.
Structure tarifaire
La CRE construit les grilles tarifaires en respectant plusieurs principes fondamentaux :
- Timbre-poste : la tarification de l'accès au réseau est indépendante de la distance entre le site d'injection et le site de soutirage ;
- Péréquation tarifaire : les mêmes tarifs d'utilisation du réseau s'appliquent sur l'ensemble du territoire national ;
- Non-discrimination / reflet des coûts : la tarification doit refléter les coûts générés par chaque catégorie d'utilisateurs indépendamment de l'usage final qu'ils font de l'électricité ;
- Horo-saisonnalité.
Dans ce cadre, la CRE considère qu'afin de répondre au mieux aux attentes des différentes parties prenantes, les tarifs d'utilisation des réseaux doivent par ailleurs concilier les objectifs suivants : efficacité, lisibilité, faisabilité et acceptabilité.
La transition énergétique et numérique et l'évolution des usages renforcent la nécessité d'envoyer aux utilisateurs de réseaux des signaux tarifaires pertinents en matière d'utilisation du réseau et d'investissements, qu'il s'agisse d'équipements (tels que le véhicule électrique), d'isolation et de dépenses d'efficacité énergétique, ou de stockage et de production décentralisée, potentiellement autoconsommée.
En conséquence, la CRE fait évoluer significativement la structure tarifaire, tirant notamment parti des données nouvelles fournies par les gestionnaires de réseaux et après large consultation des acteurs. Les évolutions visent à véhiculer des signaux-prix reflétant mieux les coûts que génère, pour la collectivité, l'utilisation des réseaux dans le respect du principe de péréquation tarifaire. La forme des grilles tarifaires doit donc être robuste et adaptée à l'évolution des usages associée au contexte actuel de transition énergétique et numérique. En ce sens, l'instauration d'une tarification fondée sur les coûts marginaux de long terme des réseaux visant à mieux refléter mieux la concentration des coûts induits par les usages en période hivernale ainsi que le coût de la desserte répond à ces enjeux.
Les grilles retenues ont été élaborées en s'appuyant sur les données plus fines transmises par les gestionnaires de réseaux sur la structure de leurs coûts et le fonctionnement de leurs réseaux, ainsi que sur l'analyse des courbes de charges transmises directement par les utilisateurs de réseaux en réponse à la consultation publique du 1er octobre 2020. A des fins de transparence, la CRE publiera les données et les modèles ayant permis la réalisation des travaux de structure.
La CRE s'est assurée que les évolutions introduites pour la période du TURPE 6 ne conduisent pas à des hausses trop importantes en termes de facturation pour les utilisateurs des réseaux. Pour ce faire, elle a notamment mis en place un lissage sur 4 ans des différentes évolutions, qui laissera à l'ensemble des acteurs le temps nécessaire pour adapter leur comportement à l'évolution des signaux tarifaires.
La présente délibération sera publiée sur le site de la CRE et transmise à la ministre de la transition écologique ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.
Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision tarifaire, a rendu son avis le 12 janvier 2021.