Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.
Les articles L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du code de l'énergie donnent compétence à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour fixer la méthode d'établissement des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE). La CRE procède aux modifications de niveau et de structure des tarifs qu'elle estime justifiées au vu notamment de l'analyse de la comptabilité des opérateurs, de l'évolution prévisible de leurs charges de fonctionnement et d'investissements ou encore de l'évolution des usages des réseaux. La fixation de ces tarifs est particulièrement importante en période de transition énergétique, pour laquelle les réseaux ont un rôle majeur à jouer dans un contexte de renforcement de la place de l'électricité dans le mix énergétique et de transformation profonde des systèmes électriques en Europe.
Le tarif actuel d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité, dit TURPE 5 bis HTA-BT (Haute Tension A - Basse Tension), est entré en vigueur le 1er août 2018, en application de la délibération du 28 juin 2018 (1), pour une durée de trois ans environ et a succédé au TURPE 5 HTA-BT, qui était défini par la délibération du 17 novembre 2016 (dans le reste du document, la formule « TURPE 5 HTA-BT » fait référence aux périodes du TURPE 5 HTA-BT et du TURPE 5 bis HTA-BT). La CRE définit un nouveau tarif d'utilisation des réseaux de distribution d'électricité, dit TURPE 6 HTA-BT, applicable au 1er août 2021 pour une durée de quatre ans environ.
Compte tenu de la visibilité indispensable pour les acteurs de marché et de la complexité des sujets à traiter, la CRE a organisé cinq consultations publiques :
- la première, en date du 14 février 2019 (2), concernait le cadre de régulation applicable aux opérateurs d'infrastructures régulées pour la prochaine génération de tarifs. 41 réponses ont été reçues ;
- la deuxième, en date du 23 mai 2019 (3), portait principalement sur les principes et enjeux de la structure des tarifs TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT et comprenait en particulier de premières orientations relatives à la composante de gestion, la composante de comptage, la forme des grilles de soutirage et la tarification de l'injection. 37 réponses ont été reçues ;
- la troisième, en date du 17 octobre 2019 (4), portait sur la qualité de service et les actions des gestionnaires de réseaux en faveur de l'innovation des acteurs pour le secteur de l'électricité. 33 réponses ont été reçues ;
- la quatrième, en date du 19 mars 2020 (5), portait principalement sur les évolutions de la composante de soutirage envisagées par la CRE. 38 réponses ont été reçues ;
- la dernière, en date du 8 octobre 2020 (6), présentait la proposition finale de la CRE pour le TURPE 6 HTA-BT. Elle portait ainsi sur le cadre de régulation tarifaire, notamment la qualité de service et l'innovation, le niveau des charges et recettes d'Enedis et le niveau du tarif en découlant, ainsi que la structure tarifaire. 43 réponses ont été reçues.
Les réponses à ces cinq consultations publiques sont publiées, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sur le site de la CRE.
Par ailleurs, la CRE a mené une consultation publique, en date du 9 juillet 2020 (7), portant sur les signaux économiques envoyés aux producteurs d'électricité et sur l'opportunité d'une tarification des injections, en indiquant cependant que les évolutions envisagées n'avaient pas vocation à être mises en œuvre dès le TURPE 6, mais éventuellement ultérieurement.
Conformément à la loi, le TURPE 6 HTA-BT est fixé de manière à couvrir les coûts d'Enedis dans la mesure où ils correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace. La présente délibération se fonde notamment sur la demande tarifaire d'Enedis ainsi que sur de nombreux échanges avec ce dernier, sur des analyses internes, sur des rapports d'audits externes (8) et sur le retour des acteurs de marché aux différentes consultations publiques. La CRE a également auditionné Enedis, son actionnaire EDF et la FNCCR.
En outre, la CRE a pris en compte, conformément aux dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, les orientations de politique énergétique transmises par la ministre de la transition écologique et solidaire, par courrier reçu en date du 19 juin 2020. Ces orientations sont publiées sur le site de la CRE (9).
Un tarif pour la transition énergétique
En plus des objectifs de prévisibilité et de continuité, la CRE considère que le TURPE 6 HTA-BT doit apporter des réponses aux enjeux prioritaires suivants :
Les réseaux publics de distribution d'électricité jouent un rôle majeur dans la transition énergétique
La prochaine période tarifaire (2021-2024) s'inscrit dans un contexte d'accélération nécessaire de la transition énergétique, avec une augmentation massive de la production d'électricité renouvelable (EnR). Enedis sera directement concerné par le raccordement de la production EnR décentralisée, ainsi que par le développement de la mobilité électrique et de l'autoconsommation qui modifieront profondément les flux sur les réseaux de distribution d'électricité dans les années à venir.
Les investissements nécessaires devront être faits en maitrisant leurs coûts
Dans ce cadre, Enedis a annoncé une forte hausse de ses investissements et prévoit ainsi d'y consacrer 69 Md€ en 15 ans, particulièrement pour le raccordement de la production décentralisée, mais également pour moderniser le réseau existant.
La CRE est très attentive à ce qu'Enedis ait les moyens de répondre à ces nouveaux besoins. L'enjeu pour Enedis sera de réaliser les investissements nécessaires tout en optimisant le coût global de fonctionnement de son réseau.
La qualité d'alimentation doit être maintenue à un niveau suffisant
La qualité d'alimentation sur le réseau de distribution s'est améliorée régulièrement ces dernières années. Des améliorations peuvent toujours être recherchées, mais fixer des objectifs trop ambitieux conduirait à des hausses excessives des coûts. Pour la période de 4 ans à venir, l'enjeu principal consistera tout d'abord à fiabiliser la mesure du temps de coupure en y intégrant les données apportées par les compteurs Linky, les objectifs étant stabilisés au niveau de ceux fixés pour le TURPE 5.
A contrario, la CRE estime que la qualité de service doit être renforcée sur les points d'attentes prioritaires des acteurs, comme les délais de raccordement
La qualité de service délivrée par Enedis joue un rôle majeur dans le fonctionnement du marché de l'électricité de masse. En particulier, la dégradation des délais de raccordement ces dernières années est injustifiée et ce sujet doit faire l'objet d'un effort massif de rattrapage.
Les évolutions technologiques dégagent des flexibilités nouvelles pour les réseaux
Les évolutions technologiques (comptage évolué, stockage, numérique, etc.) créent un potentiel important de nouvelles sources de flexibilité, au moment où la transition énergétique va générer des besoins supplémentaires de flexibilité et où le déploiement de nouvelles infrastructures devient, dans notre pays notamment, toujours plus complexe.
L'enjeu pour Enedis sera donc de mobiliser les sources de flexibilité nouvelles (stockage, effacement, agrégation de flexibilités décentralisées, mobilité électrique) pour limiter au strict nécessaire les renforcements de réseau.
Enedis doit continuer à se transformer et à se moderniser
Enedis doit se transformer, se moderniser et innover, en lien avec son écosystème, pour demeurer un opérateur de référence parmi les gestionnaires de réseau de distribution d'électricité en Europe et dans le monde.
Pour ce faire, le TURPE 6 accompagne l'opérateur dans cette transformation, en la prenant en compte pour la fixation des trajectoires de charges d'exploitation et d'investissements. Cet effort de modernisation doit se traduire concrètement par des résultats, qu'il s'agisse de la mise en œuvre d'un programme de recherche et de développement ambitieux, notamment en lien avec des partenaires, du recours effectif à des solutions innovantes et aux flexibilités, de la mise en œuvre d'actions prioritaires dans les délais pour favoriser l'innovation de l'ensemble du secteur ou le maintien de la qualité de service. Le TURPE 6 HTA-BT prévoit un renforcement de la régulation incitative d'Enedis à ces fins.
Les bénéfices du programme Linky sont conformes aux attentes
Le déploiement massif du programme Linky, qui sera achevé fin 2021, permet déjà sur la période TURPE 6 de diminuer les pertes non techniques et les coûts de relève, ainsi que de disposer de nouveaux services et de données bien plus précises sur le fonctionnement du réseau.
Dans la continuité des premiers résultats observés, Enedis devra pérenniser et amplifier dans la durée les bénéfices du système de comptage évolué, et restituer aux consommateurs les gains associés en matière de coûts et de qualité de service. Les gains associés au déploiement des compteurs évolués seront dûment restitués aux consommateurs sur la période du TURPE 6.
L'évolution des factures doit être maîtrisée pour assurer l'acceptabilité du tarif
Dans un contexte de crise sanitaire et possiblement de crise économique à venir, la CRE attache la plus haute importance à ce que toute hausse tarifaire soit justifiée par des hausses de coûts inévitables et limitées au strict nécessaire. Les différentes baisses d'impôts prévues seront notamment prises en compte.
Ainsi, la CRE a veillé à ce que les modifications de la structure tarifaire, rendues nécessaires dans le contexte actuel d'évolution rapide du système énergétique, n'engendrent pas de hausses de factures trop brutales. C'est dans cette optique que les évolutions seront lissées sur les 4 ans de la période tarifaire.
Evolution du niveau du tarif
Enedis a formulé une demande d'évolution tarifaire exposant ses prévisions de coûts pour la période 2021-2024 ainsi que ses demandes relatives au cadre de régulation.
La prise en compte des éléments du dossier tarifaire adressé à la CRE par Enedis (10) aurait conduit à une hausse moyenne annuelle du TURPE 6 HTA-BT de + 3,3 % par an sur toute la période tarifaire. Cette hausse du TURPE aurait induit une hausse moyenne annuelle des tarifs d'électricité de près de + 1 % par an.
Evolution des charges à couvrir
La demande d'Enedis présente notamment une hausse significative des charges de capital, due à la hausse des dépenses d'investissements, mais aussi à une demande d'Enedis de hausse de sa rémunération.
Pour prendre sa décision, en plus de ses analyses propres, de la large consultation des acteurs et des échanges avec Enedis, la CRE s'est appuyée sur des études de consultants externes, dont les rapports sont publiés sur le site de la CRE. Ces études portent sur les sujets suivants :
- un audit de la demande relative aux charges d'exploitation d'Enedis (hors achats liés à l'exploitation du système électrique) pour la période 2021-2024 (11) ;
- un audit de la demande de taux de rémunération des actifs régulés des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d'électricité (12).
Au terme de ses analyses, des retours des acteurs à la consultation publique de 8 octobre 2020 et des échanges complémentaires qu'elle a eus avec Enedis, la CRE décide de limiter la hausse des charges demandée par Enedis. Le TURPE 6 HTA-BT garantit les capacités d'Enedis à mener un programme d'investissements ambitieux et nécessaire afin d'accompagner la transition énergétique et de moderniser le réseau existant, et à réaliser sa transformation numérique. Il s'agit ainsi de permettre à Enedis, d'une part, de répondre aux nouveaux besoins des acteurs et d'être acteur de la transition énergétique, et d'autre part, de maintenir un niveau de qualité d'alimentation élevé.
Charges d'exploitation
La CRE a retenu pour Enedis une trajectoire de charges d'exploitation prenant notamment en compte :
- une hausse des charges d'exploitation liées aux systèmes d'information, permettant de satisfaire les besoins croissants du réseau et des utilisateurs (cybersécurité, transition énergétique, données, gestion intelligente du réseau…) ;
- la couverture tarifaire de charges additionnelles pour faire face aux événements climatiques d'ampleur exceptionnelle ;
- une hausse des charges de personnel, reprenant la trajectoire d'effectifs demandée par Enedis ainsi que le renforcement de l'intéressement, car ce sont les équipes d'Enedis qui permettent la transformation des réseaux et la mettent en œuvre.
Cette trajectoire permet également de répondre à l'enjeu de maîtrise des évolutions de facture en faisant bénéficier les consommateurs :
- des gains apportés par le déploiement des compteurs Linky : ces derniers seront progressifs sur la période du TURPE 6. A la fin de la période du TURPE 6, soit en 2024, Linky permettra une diminution des charges d'exploitation de 231 M€ /an par rapport à 2019, soit un gain à hauteur de 5 % des charges d'exploitation d'Enedis. Ces gains sont notamment liés à la diminution des coûts de relève et des petites interventions qui peuvent désormais être faites à distance. Il faut y ajouter les gains liés à la réduction des fraudes et erreurs de facturation. Ces derniers devraient atteindre 118 M€/an en 2024 par rapport à 2019 (3 % des charges d'exploitation d'Enedis). 1 Md€ sont ainsi économisés sur la période du TURPE 6. Ces gains permettent notamment de compenser la hausse des charges de capital induite par le déploiement de Linky, qui commence à être répercutée aux consommateurs pendant la période TURPE 6 via l'apurement du CRL (+ 55 M€/an durant la période du TURPE 6) ;
- de la baisse des impôts de production, à hauteur de 120 M€/an (0,8 % des charges d'Enedis).
La trajectoire des charges nettes d'exploitation fixée par la CRE correspond à une enveloppe globale. Enedis a la liberté de répartir cette enveloppe entre les différentes natures de charges, en fonction de ses choix.
Charges de capital
Il est rappelé que les investissements « réseaux » d'Enedis sont couverts par le tarif en fonction des réalisations constatées, qui sont prises à 100 % au compte de régularisation des charges et des produits (CRCP). Les investissements « hors réseaux », incluant les SI, l'immobilier et les véhicules, font l'objet d'une trajectoire de charges de capital incitée.
Au regard des éléments d'analyse dont elle dispose et des observations de marché, la CRE retient une marge sur actif de 2,5 %, stable par rapport à la période du TURPE 5, et une rémunération additionnelle des capitaux propres régulés de 2,3 %, en baisse de 1,7 point par rapport à TURPE 5.
Le niveau de ces paramètres, dont la méthode de détermination reste inchangée par rapport aux TURPE 4 et 5, reflète :
- l'évolution à la baisse des coûts de financement dans un contexte marqué par la baisse significative et durable des taux d'intérêt sur les marchés ;
- la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés (IS) qui passe de 31,79 % dans le TURPE 5 bis à 26,47 % en moyenne sur la période du TURPE 6.
Par ailleurs, la CRE n'accède pas à la demande d'Enedis de rémunérer l'ensemble des immobilisations en cours et, procède à différentes corrections de la demande d'Enedis relative à l'intégration au domaine concédé des colonnes montantes jusqu'à présent hors concession en application de la loi ELAN (13). Ces décisions conduisent à limiter la hausse des charges de capital.
Le niveau moyen des charges à couvrir d'Enedis pour la période du TURPE 6 s'élèvera à 14 313 M€/an en moyenne. Il évolue ainsi, sur la période 2019-2024, de + 0,8 % en moyenne par an, sous l'effet d'une baisse des charges d'exploitation de - 0,1 % par an en moyenne et d'une hausse des charges de capital normatives (CCN) de 2,6 % par an en moyenne, traduisant la forte hausse de la base d'actifs régulés liée à l'augmentation des investissements envisagés et à la fin du déploiement de Linky.
Enfin, le TURPE 6 HTA-BT prévoit une clause de rendez-vous relative à la méthode de rémunération d'Enedis. Il pourrait en résulter une modification de la trajectoire tarifaire pour les deux dernières années du TURPE 6.
Evolution des quantités distribuées et du nombre de consommateurs
L'évolution du tarif dépend non seulement du niveau des charges à couvrir, mais également de l'effet volume lié à l'évolution des soutirages, du nombre de consommateurs et des puissances souscrites, sur la base desquels sont établies les grilles tarifaires permettant de recouvrer les recettes tarifaires prévisionnelles.
Dans le cadre de son dossier tarifaire, Enedis avait transmis à la CRE des hypothèses prenant en compte une partie des effets alors identifiés de la crise covid-19. Les prévisions de soutirage ont, depuis lors, été mises à jour par Enedis, en coordination avec RTE, afin de prendre en compte l'impact de cette crise et les dernières informations disponibles. Cette demande conduit à :
- une progression continue du nombre de clients (+ 0,9 % par an), dans le prolongement de la tendance réalisée ;
- une stabilisation des volumes acheminés sur la période (hors effet covid-19), résultant d'effets se compensant (hausse du nombre de sites et développement du véhicule électrique, compensés par une diminution des consommations unitaires liée aux actions de maîtrise de la demande en énergie et au développement de l'autoconsommation). La prise en compte de la crise du covid-19 a par ailleurs pour effet de tirer à la baisse les volumes acheminés, principalement en début de période, avec un retour à la normale prévu en 2024 ;
- une hausse globale de la somme des puissances souscrites, tirée par les dynamiques respectives des effectifs de chaque segment de consommateurs (croissance nulle pour les clients HTA, + 1,3 % par an pour les clients BT > 36 kVA et + 0,9 % par an pour les clients BT ≤ 36 kVA).
Enfin, Enedis prévoit des soutirages depuis le réseau de transport à un niveau en baisse de 4 % sur la période TURPE 6 par rapport à 2019. Cet effet volume joue à la baisse sur le niveau du péage RTE. Il s'explique, en début de période par la forte baisse de la consommation due au covid-19, et en fin de période par la hausse de la production décentralisée, qui vient compenser la reprise de la consommation.
Evolution du niveau du tarif
L'évolution du TURPE 6 HTA-BT résulte, en plus du niveau de charges à couvrir retenu et des hypothèses de nombre de clients, des puissances souscrites et des volumes acheminés retenues, de l'apurement du compte régulé de lissage Linky (CRL) à partir de 2023 et de l'apurement du CRCP issu de la période tarifaire antérieure. Ce dernier s'établira à 153 M€/an en moyenne, alors qu'il était de - 21 M€/an en TURPE 5, soit une hausse de près de 1,3 % du revenu autorisé pour la période du TURPE 6, en répercussion notamment des conséquences de la crise du covid-19 sur les volumes de consommation en 2020.
Ainsi, l'évolution moyenne, sur l'ensemble des consommateurs, du TURPE 6 HTA-BT s'établit à + 0,91 % au 1er août 2021 et à + 1,39 % en moyenne par an sur l'ensemble de la période tarifaire, sur la base d'une hypothèse d'inflation moyenne sur la période de 1,07 % par an. Cette évolution devrait induire une hausse moyenne annuelle des tarifs d'électricité d'environ + 0,4 % par an.
Dans un contexte marqué par une hausse importante des investissements afin d'assurer l'adaptation des réseaux à la transition énergétique, l'évolution du TURPE reste modérée. Cette modération est notamment rendue possible par la prise en compte des importantes baisses d'impôts prévues dans le projet de loi de finances pour 2021, l'environnement financier favorable aux investissements dans la transition énergétique et la restitution aux consommateurs des gains de charges d'exploitation permis par le déploiement de Linky.
Régulation incitative
Le bilan des périodes tarifaires précédentes et le retour des consultations publiques ont montré que le cadre de régulation incitative fonctionne bien et ne nécessite que des améliorations ponctuelles. En conséquence, la CRE reconduit pour le TURPE 6 HTA-BT les principaux mécanismes de régulation incitative en vigueur, en les ajustant quand cela est nécessaire : régulation incitative à la maîtrise des charges d'exploitation et des dépenses d'investissements, régulation incitative de la qualité d'alimentation et de la recherche et du développement, couverture a posteriori de certains écarts via le CRCP. La régulation incitative des charges liées à la compensation des pertes est reconduite, mais la CRE fait évoluer les paramètres, notamment la détermination du volume de référence, pour intégrer la baisse des pertes non techniques permise par le déploiement des compteurs évolués.
Par ailleurs, la CRE renforce la régulation incitative de la qualité de service, notamment en ce qui concerne les délais de raccordement. Elle fixe comme objectif à Enedis de diminuer ses délais de raccordement de 30 % en moyenne d'ici à 2024, en cohérence avec les objectifs ambitieux affichés par le programme industriel et humain récemment annoncé par l'entreprise.
Enfin, la CRE introduit une régulation incitative à l'innovation, portant principalement sur la qualité des données transmises par Enedis aux acteurs de marché et le rôle d'Enedis de facilitateur de l'innovation à l'externe, dans le cadre de l'exécution de ses missions de service public.
Structure tarifaire
La CRE construit les grilles tarifaires en respectant plusieurs principes fondamentaux :
- Timbre-poste : la tarification de l'accès au réseau est indépendante de la distance entre le site d'injection et le site de soutirage ;
- Péréquation tarifaire : les mêmes tarifs d'utilisation du réseau s'appliquent sur l'ensemble du territoire national ;
- Non-discrimination / reflet des coûts : la tarification doit refléter les coûts générés par chaque catégorie d'utilisateurs indépendamment de l'usage final qu'ils font de l'électricité ;
- Horo-saisonnalité.
Dans ce cadre, la CRE considère qu'afin de répondre au mieux aux attentes des différentes parties prenantes, les tarifs d'utilisation des réseaux doivent par ailleurs concilier les objectifs suivants : efficacité, lisibilité, faisabilité et acceptabilité.
La transition énergétique et numérique et l'évolution des usages renforcent la nécessité d'envoyer aux utilisateurs de réseaux des signaux tarifaires pertinents en matière d'utilisation du réseau et d'investissements, qu'il s'agisse d'équipements (tels que le véhicule électrique), d'isolation et de dépenses d'efficacité énergétique, ou de stockage et de production décentralisée, potentiellement autoconsommée.
En conséquence, la CRE fait évoluer significativement la structure tarifaire, tirant notamment parti des données nouvelles fournies par les gestionnaires de réseaux, et après large consultation des acteurs. Les évolutions visent à véhiculer des signaux-prix reflétant mieux, dans le respect du principe de péréquation tarifaire, les coûts que génère, pour la collectivité, l'utilisation des réseaux. La forme des grilles tarifaires doit donc être robuste et adaptée à l'évolution des usages associée au contexte actuel de transition énergétique et numérique. En particulier, la généralisation de l'option à 4 plages temporelles en BT ≤ 36 kVA à l'horizon 2024 et l'instauration d'une tarification fondée sur les coûts marginaux de long terme des réseaux visant à mieux refléter la concentration des coûts induits par les usages en période hivernale ainsi que le coût de la desserte répondent à ces enjeux.
Les grilles retenues ont été élaborées en s'appuyant sur les données plus fines transmises par les gestionnaires de réseaux sur la structure de leurs coûts et le fonctionnement de leurs réseaux, ainsi que sur l'analyse des courbes de charges transmises directement par les utilisateurs de réseaux en réponse à la consultation publique d'octobre 2020. A des fins de transparence, la CRE publiera les données et les modèles ayant permis la réalisation des travaux de structure.
La CRE s'est assurée que les évolutions introduites pour la période du TURPE 6 ne conduisent pas à des hausses trop importantes en termes de facturation pour les utilisateurs des réseaux. Pour ce faire, elle a notamment mis en place un lissage sur 4 ans des différentes évolutions, qui laissera à l'ensemble des acteurs le temps nécessaire pour adapter leur comportement à l'évolution des signaux tarifaires.
La présente délibération sera publiée sur le site internet de la CRE et transmise à la ministre de la transition écologique ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.
Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 12 janvier 2021.