1. Contexte, compétence et saisine de la CRE
La loi n° 2019-1147 relative à l'énergie et au climat (LEC), promulguée le 8 novembre 2019, met fin aux tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz naturel des fournisseurs historiques, pour toutes les catégories de consommateurs, en plusieurs étapes :
- les clients professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRV depuis le 1er décembre 2020 ;
- les clients résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d'immeuble à usage unique d'habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 MWh devront, eux, opter pour une offre de marché d'ici le 1er juillet 2023.
Les TRV de gaz ne sont plus commercialisés depuis le 8 décembre 2019. Néanmoins, pour les contrats en cours d'exécution à la date de publication de la LEC et jusqu'aux échéances mentionnées ci-dessus, les dispositions du code de l'énergie relatives au mode de construction et aux missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) abrogées par la LEC restent applicables dans leur rédaction antérieure à cette loi.
Les tarifs réglementés de vente en distribution publique d'Engie sont encadrés par les articles L. 445-1 à L. 445-4 et R. 445-1 à R. 445-7 du code de l'énergie.
L'article R. 445-2 du code de l'énergie dispose que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d'approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ils comportent une part variable liée à la consommation effective et une part forfaitaire calculée à partir des coûts fixes de fourniture du gaz naturel ».
L'article L. 445-3 du code de l'énergie dispose que les « tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1 ».
L'article R. 445-4 du code de l'énergie prévoit que « pour chaque fournisseur, un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie fixe, à l'issue de l'analyse détaillée remise par celle-ci, […] et au plus tard le 1er juillet, les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur ».
Enfin, l'article R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que le fournisseur « modifie selon une fréquence prévue par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie et au maximum une fois par mois, jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire […] les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ». « La répercussion des variations des coûts d'approvisionnement en euros par mégawattheure se fait de manière uniforme sur les différents barèmes et s'applique sur la part variable, sauf disposition contraire prévue par l'arrêté mentionné à l'article R. 445-4 ».
L'arrêté du 26 juin 2020 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni par Engie a fixé les tarifs réglementés de vente d'Engie ainsi que la formule permettant d'estimer l'évolution de ses coûts d'approvisionnement entre le 1er juillet 2020 et le 30 juin 2021.
En application des dispositions de l'article R. 445-3 du code de l'énergie, la CRE a mené une analyse détaillée des coûts d'approvisionnement en gaz naturel et hors approvisionnement à couvrir par les tarifs réglementés de vente du gaz d'Engie dans sa délibération du 27 mai 2021 transmise au gouvernement, qui est publiée en même temps que le présent avis.
Ces travaux avaient pour objectif de vérifier l'adéquation entre les coûts pris en compte dans les TRV et ceux réellement supportés par l'opérateur afin de s'assurer que les coûts de l'opérateur historique, incluant une marge commerciale raisonnable, sont couverts par les recettes issues des ventes aux TRV.
En application de l'article R. 445-4 du code de l'énergie, la CRE a été saisie pour avis, le 18 juin 2021, par la ministre de la transition écologique et le ministre de l'économie, des finances et de la relance, après des échanges entre ses services et ceux des ministères concernés, d'un projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz d'Engie.
Le projet d'arrêté fixe :
- la formule tarifaire permettant de traduire l'évolution des coûts d'approvisionnement d'Engie entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022 ;
- la méthodologie d'évaluation des coûts hors approvisionnement ;
- les barèmes tarifaires applicables au lendemain de la parution de l'arrêté. Le projet d'arrêté prévoit une hausse de 10,0 % en moyenne par rapport aux tarifs en vigueur depuis le 1er juin 2021 ;
- la fréquence d'évolution infra-annuelle des barèmes, afin de répercuter mensuellement les variations des coûts d'approvisionnement.
Les barèmes joints en annexe du projet d'arrêté soumis à la CRE doivent entrer en vigueur le 1er juillet 2021.
Afin de rendre son avis, la CRE a vérifié si la formule et les barèmes fixés par le projet d'arrêté reflétaient bien les coûts d'Engie.
2. Le projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel d'Engie
2.1. La formule d'évolution des coûts d'approvisionnement en gaz naturel d'Engie
La formule tarifaire actuellement en vigueur, permettant de traduire l'évolution des coûts d'approvisionnement d'Engie, a été fixée par l'arrêté du 26 juin 2020 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni par Engie.
L'article 2 du projet d'arrêté dont la CRE a été saisie prévoit une nouvelle formule tarifaire, en précisant les indices pris en compte et les coefficients qui leur sont associés.
Dans cette formule, l'évolution du terme représentant les coûts d'approvisionnement en gaz naturel est fonction :
- du prix coté aux Pays-Bas du contrat futur mensuel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour le mois du mouvement tarifaire considéré, sur la période d'un mois se terminant un mois avant la date du mouvement (« TTF MA+2 ») ;
- du prix coté aux Pays-Bas du contrat futur trimestriel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour le trimestre du mouvement tarifaire considéré, sur la période d'un mois se terminant un mois avant le trimestre calendaire du mouvement (« TTF QA+1 ») ;
- du prix coté aux Pays-Bas du contrat futur annuel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour l'année gazière du mouvement tarifaire considéré, sur la période de onze mois se terminant un mois avant l'année gazière du mouvement, l'année gazière étant définie comme la période s'étendant d'octobre à septembre (« TTF YA ») ;
- du prix coté au PEG en France du contrat futur mensuel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour le mois du mouvement tarifaire considéré, sur la période d'un mois se terminant un mois avant la date du mouvement (« PEG MA+2 ») ;
- du prix coté au PEG en France du contrat futur trimestriel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour le mois du mouvement tarifaire considéré, sur la période d'un mois se terminant un mois avant la date du mouvement (« PEG QA+1 »).
La formule tarifaire figurant à l'article 2 du projet d'arrêté est la suivante (Δ = évolution du terme) :
Δm = Δ(TTF QA+1)€/MWh*0,03784 + Δ(TTF MA+2)€/MWh*0,23951 + Δ(TTF YA)€/MWh*0,07516 + Δ(PEG MA+2)€/MWh*0,57671 + Δ(PEG QA+1)€/MWh*0,06074
Par rapport à l'arrêté du 26 juin 2020 modifié, actuellement en vigueur, la formule envisagée :
- est fondée sur le même périmètre d'approvisionnement, à savoir les contrats d'approvisionnement de long terme d'Engie, tout en actualisant les contrats en portefeuille, les volumes nominaux retenus et les formules de prix des contrats ;
- retient une indexation plus importante sur les prix du marché français PEG Nord au détriment de l'indexation sur les prix du marché hollandais TTF ;
- une partie des volumes étant achetée à prix fixe, le niveau global de l'indexation sur les prix de marché de gros du gaz (PEG et TTF) est inférieur à 100 %. Il augmente légèrement, passant de 98,9 % à 99,0 %.
Ces évolutions sont conformes aux recommandations formulées par la CRE dans sa délibération du 27 mai 2021 relative à l'analyse détaillée de l'ensemble des coûts d'Engie.
Sur la base des informations dont elle dispose, la CRE estime que la formule envisagée fournit une approximation correcte des coûts d'approvisionnement d'Engie tels qu'ils peuvent être estimés à la date du présent avis et anticipés pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.
2.2. La méthodologie d'évaluation des coûts hors approvisionnement d'Engie
L'article 3 du projet d'arrêté précise la composition des coûts hors approvisionnement et leur méthode d'évaluation qui « se fonde sur les dernières données observées, corrigées, le cas échéant, des facteurs d'évolution prévisibles ». Cette méthodologie, détaillée dans la délibération de la CRE du 27 mai 2021 relative à l'analyse détaillée de l'ensemble des coûts d'Engie est identique à celle utilisée dans l'arrêté actuellement en vigueur.
2.3. Les barèmes envisagés
2.3.1. L'évolution des barèmes
Les barèmes présentés en annexe du projet d'arrêté entraînent une hausse moyenne des TRV de 9,96 % au 1er juillet 2021.
Tableau 2. - Evolution des barèmes et de la facture annuelle hors taxes et CTA d'un client moyen entre les mois de juin et juillet 2021
Tarif (usage) (nombre de clients) (*) | Évolution de l'abonnement des tarifs (en €/an) | Évolution de la part variable des tarifs (en €/MWh) | Évolution de la facture annuelle pour un client moyen | |
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En €/an | En % | |||
Base (cuisson) ( 430 000) | - | +5,7 | +3,5 | + 2,8 % |
B0 (cuisson et eau chaude) ( 360 000) | - | +5,7 | +14,4 | +6,0 % |
B1 (chauffage) ( 1 540 000) | +0,36 | +5,6 | +80,5 | +10,3 % |
B2I (petite chaufferie) ( 100 000) | +0,36 | +5,6 | +164,0 | +11,9 % |
(*) Le nombre de clients est une estimation prévisionnelle moyenne, en date de mai 2020, sur la période tarifaire allant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.