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Rapport au Premier ministre relatif au décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

Justice et droit
Institutions publiques
Assurance
Déposé le 9 septembre 1999 à 22h00, publié le 10 septembre 1999 à 22h00
Journal officiel

Texte

Rapport au Premier ministre


En rétablissant la légalité républicaine en 1944, le Gouvernement provisoire de la République française a effacé toutes les traces de la législation antisémite, annulé les actes de spoliation commis sur le fondement de celle-ci et cherché à procéder aux réparations et restitutions nécessaires.


Toutefois, à cette volonté d'anéantir une législation indigne, compréhensible à l'époque de la Libération, succède aujourd'hui le besoin de faire toute la lumière sur cette tragique période de notre histoire. Les victimes et leurs descendants souhaitent que soit perpétué le souvenir des persécutions subies, afin d'éclairer les générations futures.


Les plus hautes autorités de l'Etat ont conscience de cette exigence de vérité et de justice. Elles ont pris des initiatives pour y répondre.


C'est ainsi que, par décret du Président de la République en date du 3 février 1993, la journée du 16 juillet est devenue journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l'autorité de fait dite « Gouvernement de l'Etat français ».


Lors de la journée du 16 juillet 1995, le chef de l'Etat a solennellement reconnu la dette imprescriptible de la France envers les soixante-seize mille juifs de France déportés.


Dans le même esprit, un arrêté du Premier ministre en date du 25 mars 1997 a chargé M. Jean Matteoli, assisté par un groupe de personnalités qualifiées, d'étudier les conditions dans lesquelles les biens, immobiliers et mobiliers, appartenant aux juifs de France ont été spoliés durant l'Occupation, et d'émettre, le cas échéant, des recommandations.


Le 6 octobre 1997, le Premier ministre, soulignant qu'il s'agissait pour la France « de tirer les leçons de sa propre histoire et de réparer ce qui doit l'être », a confirmé le soutien apporté par les pouvoirs publics aux travaux accomplis sous l'égide de M. Matteoli et a indiqué qu'il serait tenu le plus grand compte des recommandations formulées.


Saisie d'un nombre important de demandes individuelles, suscitées par la publicité donnée à ses travaux, la mission d'étude sur les spoliations a suggéré, dans son deuxième rapport d'étape, la création d'une instance chargée de leur examen.


Le présent projet de décret, qui institue une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, fait suite à cette suggestion.


Prenant appui sur les travaux de la mission d'étude de M. Matteoli, l'instance dont la création est proposée pourra éclairer les familles des victimes sur le sort des biens dont elles ont été dépossédées et tentera d'apporter une réponse adaptée à leurs demandes.


La commission devra adopter une approche pragmatique des dossiers qui lui seront soumis.


En effet, l'application pure et simple des règles du droit des biens et de la responsabilité civile ne permettrait pas, dans bien des cas, de satisfaire les demandes d'indemnisation dans la mesure où, sauf exception, les actions judiciaires sont aujourd'hui prescrites.


Aussi n'est-il pas envisagé de créer un organe de nature juridictionnelle qui serait souvent contraint d'opposer une fin de non-recevoir aux requêtes.


Au contraire, la commission placée auprès du Premier ministre procédera à l'examen des dossiers en prenant en compte tous leurs aspects. Elle s'efforcera de rapprocher les points de vue en présence et d'aboutir à un accord entre le demandeur et les institutions concernées. Lorsqu'elle n'y sera pas parvenue, elle pourra formuler des recommandations. Nul ne sera tenu, en droit, de se conformer à ces recommandations, mais celles-ci auront évidemment une portée non négligeable.


Bien entendu, dans les hypothèses où une action judiciaire est possible, rien n'interdira au demandeur d'y recourir.


La commission sera composée de six membres issus des principales juridictions de notre pays, auxquels seront adjoints deux universitaires et une personnalité qualifiée. Elle sera présidée par un magistrat du siège de la Cour de cassation. Une telle composition conférera à cette instance une incontestable autorité morale.


La procédure devant la commission ne sera soumise à aucun formalisme particulier. Les victimes ou leurs ayants droit pourront envoyer leur demande par simple lettre. Les ayants droit devront néanmoins justifier de leur qualité à agir, conformément au droit commun.


Pour faciliter le traitement des dossiers, l'examen de ceux-ci sera assuré par des rapporteurs issus des juridictions administratives ou judiciaires, sous l'autorité d'un rapporteur général. Ces rapporteurs pourront faire appel à des services spécialisés et procéder à toutes auditions ou consultations utiles.


L'instruction des demandes se fera de manière contradictoire. Les personnes concernées pourront formuler des observations et demander à être entendues par la commission. Elles pourront être assistées par la personne de leur choix. Elles pourront aussi être représentées par une personne ayant reçu mandat pour le faire.


Les crédits nécessaires au fonctionnement de la commission seront inscrits au budget des services généraux du Premier ministre.


Tel est l'objet du présent projet décret que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.