M. Pierre-Yves Bournazel attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les difficultés rencontrées par les habitants du 18e arrondissement de Paris, liées à la présence importante de mineurs étrangers. Depuis des mois, des dizaines d'enfants venus principalement du Maroc vivent dans les rues du 18e arrondissement, dans le quartier de la Goutte d'or, se regroupent dans les squares et l'espace public.
Livrés à eux-mêmes, ils vivent dans des conditions indignes, et sont pour certains dans un très mauvais état de santé. Cette situation pose des questions sérieuses de sécurité pour eux-mêmes et de tranquillité publique pour les habitants du 18e arrondissement. Considérant qu'il est de la responsabilité de la maire de Paris et du préfet de police d'assurer les conditions d'une vie digne dans le respect des règles d'hygiène et de santé publique dans la sécurité et la tranquillité publique, il souhaite ainsi connaître les mesures que le Gouvernement envisage pour la mise à l'abri de ces mineurs isolés étrangers, en collaboration avec la ville de Paris et les États concernés.
La France est, depuis plusieurs années, la destination de mineurs non accompagnés. Des groupes de mineurs en situation d'errance et de vulnérabilité en raison de leur état de santé dégradé et de leur isolement social sont en effet présents dans certains quartiers du 18e arrondissement de Paris. La prise en charge de ce public et leur mise à l'abri, qui relève de la compétence des services chargés de l'aide sociale à l'enfance, est particulièrement difficile : les mineurs concernés refusent en effet d'intégrer les dispositifs de protection de l'enfance ou d'urgence qui sont mis en place par les services de la Ville de Paris ou le secteur associatif.
Les initiatives déployées par les pouvoirs publics et les associations pour la protection de l'enfance sont ainsi, bien souvent, mises en échec. Toutefois, un accueil d'urgence de ce public est organisé : un certain nombre de mineurs non accompagnés présumés marocains ont pu bénéficier en journée de prestations offertes (soins, repas, prises de contacts sociaux).
Un tel dispositif permet de conserver un lien avec ces jeunes et de leur garantir a minima l'accès aux soins et à une alimentation régulière. La situation de ces jeunes, présumés pour une partie d'entre eux de nationalité marocaine, fait l'objet d'un travail conjoint avec les autorités marocaines afin de permettre une prise en charge adaptée de ces derniers.
Un groupe de travail a été créé à cet effet. Il est animé par le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, pour la partie française, et, pour la partie marocaine, par le ministère de la famille, de la solidarité, de l'égalité et du développement social et le ministère de la justice. Les travaux de ce groupe de travail ont abouti à l'envoi, en juin 2018, en France d'une mission d'appui aux autorités consulaires marocaines.
Son objectif était de procéder à l'établissement de leur nationalité et d'organiser la recherche de leur famille au Maroc. Au 31 décembre 2019, la mission avait auditionné 654 personnes, parmi lesquelles : - 292 se déclaraient marocains, 126 ont été reconnus officiellement marocains (dont 115 majeurs et 11 mineurs), 45 sont en cours d'identification ; - 481 n'ont pas été reconnus marocains et se répartissent essentiellement entre algériens présumés (256), tunisiens présumés (14) et jeunes non identifiés (211), refusant, pour certains, de s'exprimer.
Parmi les 115 majeurs identifiés marocains, 23 ont fait l'objet d'un éloignement effectif selon la procédure de droit commun. Les personnes identifiées comme mineures par les autorités marocaines ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement (article L. 511-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).
Leur retour au Maroc peut cependant être envisagé dans le cadre d'une procédure judiciaire. En effet, le juge des enfants, qui prend les mesures de protection ou de placement (articles 375 et 375-5 du code civil) à l'égard de tout enfant se trouvant isolé en France, quelle que soit sa nationalité, peut aussi prévoir que l'enfant fasse l'objet d'une mesure de protection dans son pays d'origine.
À cet égard, l'article 33 de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 ouvre la possibilité à un État partie de prévoir le placement de l'enfant dans une famille d'accueil ou dans un établissement d'accueil dans un autre État contractant, à condition que ce dernier soit en mesure d'apporter la protection nécessaire à l'enfant.
Les autorités marocaines, consultées sur ce type de dossiers, sont susceptibles de donner leur assentiment à un placement au Maroc dans le cadre de la coopération bilatérale renforcée susmentionnée. Dans le cadre de telles procédures, il appartient au seul juge judiciaire, en charge de la protection de l'enfance, d'apprécier l'opportunité d'un placement à l'étranger, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Une mission d'évaluation des centres marocains pour mineurs, au sein de laquelle se trouvent des juges des enfants, s'est rendue au Maroc les 11 et 12 octobre 2018. Son objectif consistait à recueillir les éléments utiles pour apprécier les conditions de prise en charge des mineurs en cas de retour dans leur pays d'origine à la suite d'une décision de placement prononcée par le juge judiciaire.
En outre, un document de référence sur les procédures de placements transfrontières a été approuvé par les ministères de la justice français et marocain en octobre 2019 : ce texte a posé le cadre d'un accord intergouvernemental qui a été signé entre les deux pays fin 2020 et qui permettra les premiers placements de mineurs dans leur pays d'origine.