Mme Viviane Artigalas interroge M. le ministre de la cohésion des territoires sur la baisse des aides personnalisées au logement (APL) décidée par le Gouvernement.
Cette mesure apparaît comme doublement injuste à nos concitoyens et aux bailleurs sociaux pour de multiples raisons. D'abord parce qu'elle frappera plus de 6 millions de ménages parmi les plus modestes et les plus précaires, qui perdront 60 euros de pouvoir d'achat chaque année. Ensuite parce qu'elle devra être compensée par une baisse des loyers habitations à loyer modéré (HLM), sans aucun avantage pour les locataires.
Par répercussion, elle coûtera aux organismes d'HLM près de 1,7 milliard d'euros par an et elle les obligera à augmenter les loyers des locataires ne disposant pas d'APL, via les surloyers.
Par ailleurs, cette décision apparaît comme contre-productive pour les offices d'HLM, qui verront leur capacité d'investissement gravement compromise, que ce soit pour entretenir les bâtiments, pour les rénover ou pour en proposer de nouveaux de même qualité. Les manifestations négatives de cette décision se font d'ailleurs déjà sentir en Midi-Pyrénées, par exemple, où dix-neuf organismes de logement social ont décidé de suspendre provisoirement le lancement de nouveaux programmes et toutes les opérations en vente en l'état futur d'achèvement.
Ces organismes n'auront pas d'autre choix que de recourir à la mobilisation des garanties d'emprunts accordées par les collectivités locales, ce qui les placera dans une situation fragile.
Point tout aussi préoccupant, cette mesure menace clairement l'activité économique du secteur du bâtiment, qui peine déjà à se relancer et qui pourra s'en trouver fortement réduite, fragilisant ainsi l'emploi local.
Enfin, même si par ailleurs le Gouvernement a mis en place un certain nombre d'aides et crédits d'impôts pour inciter les ménages à financer la rénovation thermique de leurs habitations, cette décision risque néanmoins de compromettre la mise en place de la transition énergétique.
En raison de la multiplicité des effets négatifs que cette baisse des APL risque d'engendrer, elle s'interroge sur l'impact que cette mesure risque d'avoir sur l'économie locale, plus particulièrement sur le secteur du bâtiment et lui demande qu'une étude d'impact soit menée sur ce point.
La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, et plus particulièrement son article 126, s'inscrit dans le cadre d'une réforme extrêmement ambitieuse du secteur du logement social portée par le Gouvernement. Cette réforme s'appuie sur deux principes : une baisse, sur trois ans, des loyers des ménages modestes du parc social, avec la mise en place d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) ; adossée à cette RLS, une baisse de la dépense publique des aides personnalisées au logement (APL).
Faisant suite aux discussions entre le Gouvernement et les représentants du secteur, la baisse des APL sera mise en uvre progressivement. Elle sera ainsi limitée à 800 M en 2018 et 2019 pour atteindre 1,5 Md en 2020. Cette progressivité est rendue possible par une hausse du taux de 5,5 % à 10 % de la TVA applicable aux opérations de construction et de réhabilitation de logements locatifs sociaux, mesure également prévue par la loi de finances pour 2018.
La RLS sera lissée sur l'ensemble du parc de logements sociaux (hors logements en outre-mer, logements foyers et logements appartenant à des organismes de maîtrise d'ouvrage d'insertion, non concernés par la RLS) permettant ainsi à l'ensemble des organismes de contribuer de manière équilibrée. En particulier, l'accueil de ménages bénéficiant des APL ne sera, en aucun cas, pénalisant pour les bailleurs.
Par ailleurs, une péréquation renforcée via la Caisse de garantie du logement locatif social est aussi instaurée pour aider les organsimes les plus fragiles et faciliter la restructuration du secteur. Afin d'accompagner financièrement le secteur, plusieurs mesures de soutien à l'exploitation et à l'investissement sont également prévues dès 2018, notamment par l'intervention de la Caisse des dépôts et consignation.
Le Gouvernement sera vigilant en particulier à ce qu'une réponse personnalisée et adaptée soit apportée à la situation de chaque organisme. Ces mesures prévoient notamment : une stabilisation du taux du livret A sur deux ans à 0,75 % puis un changement de formule ; une proposition d'allongement de la maturité des prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignation aux bailleurs ; la mise en place par la Caisse des dépôts et consignation d'une enveloppe de remise actuarielle de 330 M ; la mise en place de 2 Md supplémentaires de prêts de haut de bilan bonifiés par Action Logement ; la mise en place d'une enveloppe de 4 Md de prêts à taux fixe ine fine notamment pour accompagner la restructuration ; la facilitation de la vente des logements HLM.
Cette réforme doit également s'accompagner d'une réorganisation du tissu des organismes de logement social. Cette orientation, discutée dans le cadre de la conférence du consensus sur le logement organisée par le Sénat, va trouver sa concrétisation dans le projet de loi « évolution du logement et aménagement numérique » (ELAN) qui sera déposé au Parlement au cours du premier semestre 2018.
Elle vise, en facilitant notamment la fusion ou le regroupement d'organismes, à instituer une solidarité financière accrue et à renforcer leurs capacités d'investissement en mutualisant certaines fonctions stratégiques. L'emploi des moyens et ressources en faveur de cette politique du logement social, à laquelle le Gouvernement reste très attaché, en sera otpimisé.
L'ensemble des familles du secteur du logement social est actuellement associé à ces réflexions. Pendant cette période de réforme visant à consolider le modèle du logement social français au profit de l'ensemble de nos concitoyens, l'État sera aux côtés des organismes de logement social, aussi bien via le dispositif de péréquation créé au sein de la Caisse de garantie du logement locatif social pour aider les organismes les plus fragiles et faciliter la restructuration du secteur, qu'à travers les discussions que le ministre de la cohésion des territoires a demandé aux préfets de région et de département de mener pour qu'aucun territoire ne soit délaissé.