M. Jean-Paul Mattei appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les difficultés résultant des règles issues du droit de l'Union européenne en matière de titres d'occupation du domaine privé des personnes publiques destinés à permettre l'exploitation d'une activité économique.
En l'espèce, la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt Promoimpresa Srl (CJUE, 14 juill. 2016, affaires jointes C-458/14 et C-67/15), s'applique à ces contrats notamment en matière de transparence ; le Conseil d'État, dans un arrêt du 10 juillet 2020 Société Paris Tennis (CE, 10 juill. 2020, n° 434582), en a confirmé l'application directe au droit français, ce qui implique notamment l'impossibilité d'un renouvellement automatique de ces titres au profit de leur bénéficiaire ou « tout autre avantage en faveur du prestataire dont l'autorisation vient juste d'expirer ou des personnes ayant des liens particuliers avec ledit prestataire ».
Or, bien que la conclusion de baux accordant un droit au renouvellement au preneur soit illégale sur le domaine public (en raison du principe de précarité de l'occupation domaniale, aujourd'hui codifié à l'article L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques), il est traditionnellement admis que les biens du domaine privé peuvent faire l'objet de tels contrats.
Le droit au renouvellement dont bénéficie le preneur peut résulter soit d'un statut d'ordre public (statut du bail commercial, statut du fermage), soit d'une stipulation de la convention. Les exigences de l'article 12-2 de la directive « services » (lorsque les conditions de l'article 12-1 sont réunies) semblent aujourd'hui entrer en contradiction avec la conclusion, sur le domaine privé, de baux conférant au preneur - statutairement ou conventionnellement - un droit au renouvellement à l'issue du contrat, lorsque le bail est destiné à permettre l'exploitation d'une activité économique.
Il en résulte que le droit au renouvellement dont bénéficierait le preneur à la fin d'un bail commercial sis sur le domaine privé d'une personne publique (C. com., art. L. 145-8) ou d'un bail rural (C. rur., art. L. 411-46, al. 1) ou encore l'indemnité d'éviction que le bailleur a l'obligation de verser au preneur en cas de refus de renouvèlement du bail commercial (C. com., art. L. 145-14, al. 1) pourraient, a minima, constituer un « avantage en faveur du prestataire dont l'autorisation vient juste d'expirer ».
C'est ce qu'a d'ailleurs jugé le tribunal judiciaire du Mans, le 19 août 2021 (n° RG 20/00813), en admettant la requalification en bail commercial d'une convention d'occupation précaire conclue sur le domaine privé de l'État mais en refusant, dans le même temps, l'application du droit au renouvellement de la convention (ou, en cas de refus, le droit à l'indemnité d'éviction), sur le fondement de l'article 12-2 de la directive « services ».
Aussi, M. le député prie M. le ministre de bien vouloir lui indiquer comment le Gouvernement entend résoudre ce conflit de lois, de façon à sécuriser les baux en cours concernés (notamment lorsque le droit au renouvellement est issu d'un statut d'ordre public) avec les exigences de l'article 12-2 de la directive 2006/123/CE.
Il lui demande également de lui préciser si, compte tenu de cette jurisprudence et de l'application de la directive « services », il reste possible d'appliquer le droit au renouvellement des baux déjà conclus et s'il est désormais légalement possible aux gestionnaires domaniaux de conclure des baux accordant au preneur un droit au renouvellement, lorsque le bail permet l'exploitation d'une activité économique, sur les biens relevant de leur domaine privé.
Enfin, il l'interroge sur les intentions du Gouvernement de réformer le droit national avec le droit de l'Union européenne en ce qui concerne l'exploitation économique du domaine privé.