M. Stéphane Demilly attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie sur la cession de la filiale de santé grand public, Opella, détenue par Sanofi, vers le fonds américain CD&R.
En effet, le 11 octobre, Sanofi a annoncé négocier avec le fonds d'investissement américain mentionné pour lui céder le contrôle de sa filiale Opella, qui produit notamment le Doliprane, le médicament le plus consommé en France. La valorisation approcherait 16 milliards d'euros.
Les syndicats du groupe pharmaceutique s'inquiètent des conséquences de cette rupture pour les 950 salariés que la filiale emploie en France, notamment dans les usines de Lisieux (Calvados) et de Compiègne (Oise). L'usine de Lisieux est entièrement dévolue à la fabrication du Doliprane, dont la demande ne cesse de croître, tandis que celle de Compiègne, qui produit six des quinze médicaments vedettes d'Opella, exporte dans le monde entier.
Sanofi bénéficie de 130 à 150 millions d'euros de réductions fiscales liées au « crédit impôt recherche » pour financer ses activités de recherche et développement. En 2023, le groupe a réalisé 43 milliards d'euros de chiffres d'affaires, et reversés 4,4 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires.
Le groupe a néanmoins supprimé plus de 3 000 emplois en France sur les deux dernières années, et négocie ainsi actuellement pour céder une partie de ses activités à un fonds américain...
Cela soulève des inquiétudes légitimes quant à notre indépendance et à notre souveraineté sanitaire.
Après quarante années de délocalisation, l'hexagone, autrefois premier producteur européen de médicaments, est aujourd'hui tombé au sixième rang. Le manque de production nationale a également occasionné de nombreuses pénuries de médicaments sur les dernières années.
Il l'interroge pour savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour contrecarrer cette décision de cession qui, à l'évidence, nuirait à notre souveraineté sanitaire.
En octobre 2023, dans le cadre de sa stratégie « Play to win », Sanofi a annoncé son souhait de se séparer d'Opella, son entité regroupant les activités « santé grand public » du groupe, dont notamment le Doliprane, afin de se recentrer sur l'innovation biopharmaceutique et en particulier la médecine de spécialité et les vaccins.
En octobre 2024, Sanofi a fait part de son entrée en négociations exclusives avec le fonds américain Clayton Dubilier & Rice - CD&R pour lui céder 50 % du capital.
Si la décision de Sanofi de se séparer d'Opella pour se recentrer sur des médicaments innovants relève de sa stratégie d'entreprise, l'État a négocié des engagements forts avec l'ensemble des parties prenantes afin de garantir le maintien de l'empreinte industrielle d'Opella en France ainsi que l'absence d'impact sur notre souveraineté sanitaire. Ainsi, un accord a été signé par Sanofi et CD&R portant sur :
- La pérennité des sites de production de Lisieux et Compiègne, avec des engagements fermes sur le maintien d'un niveau minimum de valeur ajoutée produit sur ces sites pendant 5 ans ;
- Le maintien du siège et des activités de R&D en France ;
- La protection de l'emploi en France ;
- L'investissement en France, avec un objectif précis d'investissement de 70 millions d'euros cumulés sur les cinq prochaines années ;
- Le maintien de volumes minimaux de production en France pour les produits sensibles d'Opella, dont le Doliprane ;
- Le maintien de l'approvisionnement d'Opella auprès de fournisseurs et sous-traitants français, notamment auprès de Seqens dans le cadre de la relocalisation du paracétamol ;
Des sanctions conséquentes sont associées en cas de non-respect.
L'État a également souhaité s'assurer du respect des engagements pris dans le cadre de cet accord en disposant des informations exhaustives non seulement sur l'activité d'Opella, mais également sur la stratégie à moyen et long terme de l'entreprise. C'est pourquoi l'État a obtenu une participation minoritaire de Bpifrance au capital d'Opella, associée à un siège avec vote au conseil d'administration.
Elle donnera à l'État les moyens d'être alerté sur une orientation non conforme aux engagements et plus globalement de pouvoir infléchir la stratégie de l'entreprise dans la durée.
La procédure de contrôle des investissements étrangers en France (IEF) s'appliquera également à cette opération, sous le pilotage de la direction générale du Trésor, dans le calendrier fixé par la réglementation. Dans ce cadre, le ministre disposera de la possibilité d'assortir son autorisation d'une large gamme de conditions visant à encadrer les risques que soulève l'opération pour la protection de la santé publique.
La réponse du Gouvernement s'inscrit dans la politique menée depuis plusieurs années de renforcement de notre souveraineté sanitaire et en particulier de notre approvisionnement en médicaments essentiels, qui constituent une priorité pour le Gouvernement. C'est à cet effet que l'État a mis en place un plan de relance en 2020 afin de renforcer nos capacités de productions de traitements contre la Covid 19, initiative qui a été pérennisée ensuite via :
- l'annonce par le Président de la République en 2023 du lancement d'un plan de relocalisation de médicaments essentiels sur le plan sanitaire et le financement de 7 projets contribuant au renforcement de la chaine de production de ces médicaments.
- la stratégie d'accélération maladies infectieuses émergentes et menaces NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) lancée en 2021 qui vise à construire une stratégie allant de la recherche fondamentale au soutien à l'industrialisation pour mieux prévenir et préparer les prochaines crises sanitaires.