M. Pierre Cordier appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences du changement climatique pour le monde agricole. Depuis le 25 juillet 2022, près de 90 départements de France métropolitaine sont en vigilance sécheresse. Ces conditions météorologiques et climatiques entraînent d'importantes conséquences pour le monde agricole.
Toutes les productions sont impactées : grandes cultures, arboriculture, maraîchage, élevage... Les éleveurs sont contraints, du fait de l'absence d'herbes dans les prairies, à recourir à l'affouragement, normalement réservé pour l'hiver. De la même manière, les faibles récoltes pour certaines cultures, telles que le maïs, vont les contraindre à acheter d'importants volumes d'aliments pour pouvoir nourrir leur cheptel, ce qui viendra grever d'autant les trésoreries d'une filière déjà en difficulté.
Cette absence d'alimentation fait craindre une décapitalisation et menace l'avenir de toute une filière qui peine déjà à se renouveler, notamment dans les Ardennes. Dans un contexte de charges explosives il est impératif de soutenir l'agriculture en mobilisant tous les leviers possibles pour garantir la souveraineté alimentaire de notre pays.
Lors de la séance des questions au Gouvernement du 27 juillet 2022 au Sénat, M. le Ministre a annoncé des dispositifs concernant la régulation de l'usage de l'eau, le coût de l'alimentation animale et la prévention des risques d'incendie qui menacent malheureusement trop souvent les cultures. Il souhaite par conséquent avoir des précisions sur le calendrier et les mesures envisagées par le Gouvernement pour redonner de la valeur à l'alimentation, aux produits agricoles et au travail des agriculteurs.
Depuis les premières intempéries et les forts épisodes de chaleur observés au début de l'été, le Gouvernement est pleinement mobilisé aux côtés des agriculteurs pour trouver des solutions et soutenir la production face aux difficultés rencontrées. À date, si un bilan de l'épisode n'est pas encore possible, plusieurs tendances hétérogènes se dégagent sur la situation actuelle du monde agricole, en particulier le secteur de l'élevage.
Les conditions climatiques exceptionnelles ont conduit à une disparité des rendements en grandes cultures, nécessaires à l'alimentation du bétail. On constate une dégradation des conditions de cultures d'été, notamment sur le maïs. Par ailleurs, la production d'herbe est déficitaire : la production cumulée des prairies permanentes est inférieure de 21 % par rapport à la période de référence, avec une accélération de la dégradation en juillet 2022.
La sécheresse oblige certains exploitants à puiser dans leurs stocks de fourrage qui pouvaient être abondants localement (grâce à une bonne récolte de l'an dernier). Il n'y a donc pas de manque de fourrage à ce stade mais cette tendance est à surveiller dans les mois à venir. Ainsi, face à ce phénomène persistant de sécheresse, le Gouvernement a réuni le comité sécheresse à quatre reprises et a présenté des mesures de soutien qui permettent de renforcer les aides pour les agriculteurs et d'apporter de la visibilité sur les soutiens à venir.
Dans un premier temps, le Gouvernement s'engage à mobiliser et accélérer le calendrier relatif au régime des calamités agricoles pour les cultures éligibles. Cela induira, sur la base des cartes indicielles établies, que les territoires les plus touchés pourront faire l'objet d'une pré-reconnaissance anticipée dès le comité national de gestion des risques en agriculture du 18 octobre.
Les agriculteurs, et en particulier les éleveurs, de ces zones pourront ainsi bénéficier d'un acompte de 50 % dès les premiers jours de novembre et obtenir un apport de trésorerie crucial et immédiat. Cette anticipation du calendrier permettra également de solder ces dossiers pour la fin de l'année alors qu'ils ne le sont qu'en avril de l'année suivant la sécheresse dans un calendrier normal.
Il s'agira également de renforcer les avances versées dans le cadre de la politique agricole commune en octobre (les avances de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels –habituellement à hauteur de 75 %– seront versées à hauteur de 85 % et les avances pour les aides découplées –habituellement à hauteur de 50 %– seront versées à hauteur de 75 %).
Enfin, il sera possible de mobiliser des dispositifs de droit commun comme les exonérations de taxe sur le foncier non-bâti (dégrèvement opéré après détermination d'un taux de perte par zone géographique et par production sous la forme d'une diminution de la taxe due proportionnelle à la perte estimée) et de cotisations sociales (dans le cadre de l'enveloppe annuelle de 30 millions d'euros (M€).
Dans le même temps une série d'adaptations pourra être demandée pour faire preuve de résilience face à la situation climatique comme des dérogations pour les cultures dérobées au niveau préfectoral ou des ajustements des cahiers des charges pour les appellations d'origine contrôlée. L'ensemble de ces mesures a été rappelé dans un courrier en date du 9 septembre à l'attention des préfets de région, des préfets de département.
Enfin pour les filières d'élevage en particulier, un suivi renforcé est mis en place pour anticiper des potentielles difficultés en matière de disponibilité en fourrage et alimentation animale pour l'hiver. Ces difficultés interviennent dans un contexte difficile pour l'élevage, en faveur duquel le Gouvernement avait toutefois déjà annoncé le 16 mars 2022, un plan de résilience économique et sociale.
Une mesure exceptionnelle a ainsi été mise en place pour prendre en charge, pour les éleveurs, une partie du surcoût supporté pour l'alimentation de leur cheptel lié aux conséquences de la guerre en Ukraine. Dotée d'une enveloppe s'élevant jusqu'à 489 M€, y compris crédits européens, cette mesure est ciblée sur les élevages fortement dépendants d'achats d'aliments, qui connaissaient des pertes liées à cette hausse.
Cette aide, visant à couvrir une durée de quatre mois (15 mars au 15 juillet 2022) a été ouverte jusqu'au 29 juin 2022. Les éleveurs qui ont déposé une demande auprès de FranceAgriMer vont pouvoir bénéficier d'une aide dont le montant variera entre 1 000 et 35 000 € par exploitation, et qui sera calculée en fonction de leur taux de dépendance aux achats d'alimentation animale.
Les paiements de cette aide de crise sont actuellement en cours. Un dispositif spécifique a également été déployé pour les entreprises (« intégrateurs ») qui portent une partie de la charge financière de l'achat des aliments ainsi qu'un dispositif pour les départements d'outre-mer et la Corse.