M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la grave crise que traverse Haïti, qui inquiète la communauté internationale dans son ensemble, et plus particulièrement les pays de la Caraïbe. Les affrontements sont quotidiens entre diverses forces incontrôlées, la police et une opposition de plus en plus structurée au régime du Président Aristide.
Cette situation insurrectionnelle survenant dans un pays dévasté, avec un PNB de 350 euros par habitant, où 8 citoyens sur 10, analphabètes, vivent sous le seuil de pauvreté, ne peut laisser la France indifférente, compte tenu de l'histoire qui la lie à ce pays. L'ampleur de la crise actuelle est telle qu'elle ne saurait être résolue dans le cadre étroit des pays de l'OEA (organisation des Etats américains), ni même par la CARICOM (Organisation des Etats de la Caraïbe orientale ainsi que la communauté des Caraïbes), dont on connaît les possibilités restreintes.
La communauté internationale et la France ont le devoir de porter secours à la population haïtienne, qui a subi un long passé de dictature depuis le début des années soixante. Mais le principal handicap de ce pays réside dans le fait que l'Etat haïtien est totalement déstructuré, ne possédant ni administration fiable, ni armée, ni police, ni codifications (code des douanes, code des impôts, code des travaux publics, etc.).
Il lui demande donc s'il ne serait pas judicieux de recommander une intervention directe et durable de l'ONU, de façon à consolider pendant le nombre d'années qu'il faudra l'Etat haïtien et lui permettre de véritablement démocratiser ses institutions. Comme le souligne le rapport du comité indépendant de réflexion et de propositions sur les relations franco-haïtiennes, l'ONU semble en effet " un cadre à la fois plus opérationnel et plus légitime " que l'OEA.
La France ne poursuit qu'un seul objectif en Haïti : aider ce pays à retrouver le chemin de la paix, de la démocratie et du développement. C'est dans cette perspective qu'elle a pris une part très active à la mobilisation de la communauté internationale, en soulignant la nécessité de prendre en compte les graves conséquences humanitaires créées par une situation de chaos dans laquelle l'ancien Président Aristide portait une lourde responsabilité.
Soucieuse du plein respect de la légalité internationale, la France a souhaité que l'action d'une force de paix soit clairement définie par le Conseil de sécurité. Elle a participé activement à l'élaboration de la résolution 1529, adoptée à l'unanimité. Elle y a répondu aussitôt en contribuant, aux côtés de contingents américains, canadiens et chiliens, à la " force multinationale intérimaire " dont les missions visent à faciliter les conditions de sécurité et la fourniture d'aide humanitaire ainsi qu'à promouvoir et protéger les droits de l'homme.
Cette force sera suivie par une " force de stabilisation des Nations unies ", à laquelle la France participera également, aux côtés de nombreux autres pays de la région, pour faciliter la poursuite d'un processus politique pacifique et constitutionnel ainsi que le maintien des conditions de sécurité et de stabilité.
La France apporte d'autre part une aide d'urgence destinée à répondre aux besoins les plus immédiats d'une population très éprouvée et s'efforce de mobiliser ses partenaires européens en appui aux différents volets de la crise, à commencer par son volet humanitaire. La coordination de cette aide humanitaire sera principalement assurée par les Nations unies.
La France a, en particulier, décidé d'affecter un financement d'un million et demi de dollars aux opérations du programme alimentaire mondial (PAM) en Haïti. Mais, au-delà de l'urgence, il reviendra à toutes les composantes du peuple haïtien de prendre également leurs responsabilités pour mener un effort de reconstruction que la France est prête à accompagner.
Elle souhaite en effet inscrire son action dans la durée, dans les domaines où des besoins immenses existent : la santé publique, l'éducation, le développement agricole et rural, l'appui à la consolidation des institutions et de l'Etat de droit. Elle renforcera sa coopération bilatérale dans ces domaines, tout en jouant un rôle moteur dans la mobilisation de la communauté internationale, et notamment de l'Union européenne, au profit de la reconstruction d'Haïti.