M. François Trucy attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la condamnation de la France, en juillet 1999, par la Cour européenne des droits de l'homme pour " tortures ", suite aux traitements infligés par des policiers nationaux à un trafiquant de drogues, lors d'une garde à vue au commissariat de Bobigny en novembre 1995.
Cette même cour a condamné ces policiers à payer 500 000 francs pour " dommages matériels et moraux ". Il rappelle dans un premier temps que la police existe pour réprimer les délits et mettre les criminels hors d'état de nuire, et s'interroge sur la nature des égards et du respect que l'on doit montrer pour ceux qui ne respectent ni la police ni les lois et mettent notre société en danger.
Cependant, il croit savoir que le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur se sont substitués aux redevables pour payer cette amende. Il souhaite être assuré de la réalité de ces faits et savoir quelle administration a payé les dommages fixés par la Cour, connaître les bases juridiques, réglementaires ou statutaires d'une telle décision.
Sans contester qu'une administration puisse assumer certaines dépenses au lieu et place d'un agent agissant dans l'exercice de ses fonctions, il tient à préciser que bien souvent, les conséquences matérielles et financières de certaines décisions de justice sont différentes suivant qu'il s'agit d'élus ou de fonctionnaires.
En effet, un fonctionnaire peut bénéficier de la prise en charge par la collectivité des frais de sa défense, des honoraires d'avocats et qu'il arrive fréquemment que l'on remette des débets importants, sans l'avis conforme des collectivités qui ont subi les dommages. Au contraire, un élu local mis en cause doit assumer seul et à ses frais toutes les dépenses, amendes et débets éventuels sans pouvoir s'assurer contre ces aléas et sans l'aide de la collectivité dont il a la responsabilité et au nom de laquelle il agit.
En conséquence, il s'interroge sur cette différence de traitement et souhaiterait connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin d'assurer une plus grande équité.
Réponse. - L'article 11, alinéa 2, de la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable aux fonctionnaires de l'Etat et des collectivités locales, dispose que, " lorsqu'un fonctionnaire a été pousuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononées contre lui ".
Compte tenu de l'affirmation par le juge administratif que cette protection fonctionnelle relève d'un principe général du droit applicable à l'ensemble des agents publics (CE, 5 mai 1971, Gillet), ce dispositif doit naturellement bénéficier aux élus. Dès lors, un élu local condamné à verser à un tiers des dommages et intérêts pour un fait de service imputable à la collectivité locale a droit au remboursement des dommages et intérêts par la collectivité concernée.
D'autre part, la loi nº 96-1093 du 16 décembre 1996, relative à l'emploi dans la fonction publique, a inséré après le 3e alinéa de l'article 11 une disposition prévoyant que " la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ".
Sur ce fondement, il revient donc à la collectivité publique de prendre en charge les frais de procédure incombant aux élus poursuivis pénalement pour des faits liés à l'exercice de leurs fonctions. En revanche, les condamnations pénales de ces élus sont exclues du champ de protection de l'article 11.
Enfin et s'agissant de la condamnation prononcée par la Cour européenne des droits de l'homme à laquelle l'honorable parlementaire fait référence, il convient de souligner qu'elle met la somme de 500 000 francs octroyée à la victime, au titre de la satisfaction équitable prévue à l'article 41 de la convention, à la seule charge de l'Etat, qui s'en est acquitté dans le délai qui lui était imparti.