Mme Alexandra Louis interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet de l'article L. 211-4-1 du code de l'organisation judiciaire, créé par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, article qui attribue au tribunal de grande instance une compétence exclusive pour connaître des actions en réparation des dommages corporels.
Or, en vertu de l'article R. 221-38 du code de l'organisation judiciaire, relève de la compétence du tribunal d'instance les actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion. Selon cet article, et conformément à une jurisprudence établie, tous les litiges locatifs, en ce compris les dommages corporels subis par un locataire, relèvent de la compétence exclusive du tribunal d'instance.
Dès lors, deux compétences exclusives se trouvent en concurrence, s'agissant de dommages corporels causés à un locataire, dans le cadre d'un bail ou de l'occupation d'un logement, et ce en dépit de la promulgation, le 23 mars 2019, de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi organique relative au renforcement de l'organisation des juridictions.
A ce titre, elle lui demande si l'article L. 211-4-1 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction actuelle, ne crée pas une insécurité juridique quant au choix de la juridiction à saisir pour le justiciable. Ce choix n'est pas dépourvu de conséquences, à tout le moins en terme de temps perdu pour le justiciable, la procédure devant le tribunal de grande instance nécessitant une représentation obligatoire par avocat, ce qui n'est pas le cas de la procédure devant le tribunal d'instance.
L'article L. 211-4 du code de l'organisation judiciaire dispose que le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et les règlements. L'article L. 211-4-1 du même code, introduit par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, précise que « Le tribunal de grande instance connaît des actions en réparation d'un dommage corporel. ».
Cette disposition attribue ainsi compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître de ce contentieux à l'exclusion de tout autre juridiction. L'intention du législateur est à ce titre particulièrement claire, l'exposé des motifs du projet de loi précisant bien l'objet de la disposition à savoir : « décharger le tribunal d'instance des demandes de réparation d'un dommage corporel et en attribuer la compétence exclusive au tribunal de grande instance. ».
Le rapport n° 3904 de MM. Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec précise à cet égard que : « Le projet de loi initial prévoyait d'introduire cette disposition à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire qui fixe la compétence de principe des tribunaux de grande instance en matière civile et commerciale.
Toutefois, à l'initiative de son rapporteur, le Sénat a préféré modifier l'article L. 221-4 du même code qui fixe la compétence des tribunaux d'instance pour exclure les actions tendant à la réparation d'un dommage corporel. À l'inverse, à l'initiative des rapporteurs et après avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a, pour sa part, conféré une compétence exclusive au tribunal de grande instance, par voie d'affirmation et non d'exclusion, au sein d'un nouvel article L. 211-4-1 du code de l'organisation judiciaire.
» Il convient donc de déduire de la lettre de l'article et des travaux parlementaires qu'aucune concurrence entre juridictions ne saurait persister, l'une tirant sa compétence exclusive d'un texte législatif, l'autre sa compétence d'un texte règlementaire.