M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le comportement d'un chargé de mission à la présidence de la République occupe l'ordre du jour parlementaire depuis plus d'une semaine. C'est fort, peu d'entre nous y arrivent ! (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. C'est vrai !
M. Hervé Marseille. Évidemment, le comportement de cette personne a immédiatement été jugé inacceptable, monsieur le Premier ministre, vous l'avez vous-même dit lors de chacune de vos interventions. Des procédures, vous l'avez rappelé, ont été diligentées, qu'elles soient judiciaires, parlementaires ou administratives. Laissons-les cheminer et attendons leurs conclusions.
Je reviendrai à mon tour sur le rôle et l'effet institutionnel de cette affaire. C'est un peu l'effet papillon.
M. Pierre-Yves Collombat. Un gros papillon tout de même !
M. Hervé Marseille. À partir d'un fait divers place de la contrescarpe on parle de l'équilibre des pouvoirs, parce qu'il s'agit bien de cela : du rôle de la présidence de la République, du rôle et des compétences du Gouvernement et du rôle du Parlement. Un débat que vous avez engagé et qui a dû s'arrêter.
Le Président de la République, mon collègue Malhuret l'a dit, a proposé devant le Congrès, il y a peu, une modification de la Constitution pour qu'il puisse non seulement assister aux débats devant le Congrès, mais aussi répondre. Imaginez si l'affaire Benalla avait eu lieu huit jours avant le Congrès ! Imaginez le Président de la République française répondant à l'ensemble de la représentation nationale et expliquant pourquoi M.
Benalla était là, pourquoi il avait un badge, pourquoi il avait une voiture (M. Pierre Charon applaudit.) : on change de République !
M. Alain Houpert. Voilà !
M. Hervé Marseille. Vous ne voulez pas changer de République, vous l'avez dit il y a quelques instants à l'Assemblée nationale, nous non plus, mais on peut la perfectionner et vous pouvez nous aider à le faire.
Monsieur le Premier ministre, ma question, qui est simple, comporte trois points. Avez-vous une idée du calendrier, puisque l'examen de la réforme est reporté ? S'agira-t-il toujours de trois textes : une réforme constitutionnelle, une loi organique et une loi simple ? Cette épreuve vous a-t-elle fait réfléchir et a-t-elle infléchi votre opinion sur ce qu'il y avait à faire pour affirmer la place du Parlement dans nos institutions puisque nous avons une présidence forte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Marseille, vous avez commencé votre propos en indiquant que l'affaire dont nous parlons aujourd'hui était à l'ordre du jour du Parlement depuis plus d'une semaine : c'est inexact. Permettez-moi, du reste, de souligner que si le travail n'a pas été possible à l'Assemblée nationale, parce que cette affaire s'est imposée à travers les 298 rappels au règlement que j'ai évoqués, le travail parlementaire s'est poursuivi au Sénat, et je veux le saluer ; c'est tout à l'honneur de votre assemblée.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Cécile Cukierman. En même temps, ce n'était pas non plus le même texte !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Certes, mais le ministre de la cohésion des territoires a pu travailler avec vous sur la loi ÉLAN et enrichir le texte. C'est tout à l'honneur de votre assemblée, je le redis bien volontiers.
Vous évoquez l'effet d'apprentissage et l'enseignement qu'il faut tirer des circonstances. C'est une règle simple, que je m'assigne depuis que j'ai commencé à travailler, d'essayer de faire en sorte que tout ce qui arrive ou que tout ce qui m'arrive puisse être utilisé pour améliorer la qualité des actions que je peux ensuite entreprendre. (M. Didier Mandelli s'exclame.) Chacun partage cette règle ici, car il n'y aurait pas pire législateur, et probablement pas pire gouvernant, que celui qui renoncerait à apprendre, à prendre en compte les éléments nouveaux dans sa réflexion.
Tout cela doit-il nous conduire à renoncer à la révision constitutionnelle telle qu'elle a été proposée par le Président de la République et telle que le Gouvernement l'a présentée à l'Assemblée nationale ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Oui !
M. Roger Karoutchi. Pas à y renoncer, mais à la modifier!
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'entends un certain nombre de membres du Sénat dire ici qu'il faudrait y renoncer.
M. Rémy Pointereau. Oui !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je ne le crois pas. Je pense que c'est un bon débat, je pense que c'est une bonne réforme, je pense qu'il est utile de la discuter au fond.
Elle est, comme vous le savez, composée de trois textes : un projet de loi constitutionnelle, un projet de loi ordinaire, un projet de loi organique. Nous n'avons pas pu aller au terme de l'examen du projet de loi constitutionnelle. Il nous reste la possibilité, soit de recommencer à l'Assemblée nationale l'examen du projet de loi constitutionnelle, soit le cas échéant de passer aux deux autres textes.
Cette possibilité est techniquement ouverte. Je n'ai pas tranché. (MM. Claude Haut, Didier Guillaume et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)