M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Madame le secrétaire d'Etat, je n'insisterai pas sur les événements qui sont à l'origine de
ma question : le 10 octobre dernier, un bateau de pêche de Granville a été arraisonné dans les eaux de Guernesey.
Je n'insisterai pas non plus sur la situation juridique qui prévaut dans la baie du Mont-Saint-Michel, car vous la connaissez
parfaitement.
Je précise simplement que les quatre cinquièmes de cette zone sont à statut variable et que les zones de pêche
connaissent, elles aussi, des statuts juridiques complexes et variés.
Permettez-moi, madame le secrétaire d'Etat, de formuler deux observations.
Tout d'abord, l'accord franco-britannique conclu en 1992 n'a absolument rien résolu sur le fond. En revanche, il pose
problème puisqu'il a autorisé les autorités de Guernesey à poursuivre les infractions commises dans les eaux adjacentes
britanniques.
Ma seconde observation découle de la première. Les autorités de Guernesey jugent les infractions à l'aune de leur droit
local. Ainsi, les droits de la défense normalement respectés dans les Etats démocratiques ne le sont pas à Guernesey, d'où
la difficulté de régler les conflits qui naissent lorsqu'un bateau est arraisonné dans ces zones de pêche.
Dès lors, madame le secrétaire d'Etat, je formulerai trois requêtes.
En premier lieu, tout nouvel accord devra porter sur trois éléments particulièrement importants, à savoir la définition claire
des espèces pêchées et des zones de pêche, la gestion rationnelle des fonds faite en commun sur la base d'expertises
scientifiques communes et un contrôle de cette gestion également effectué en commun.
En deuxième lieu, il est inutile de provoquer nos amis jersiais ou guernesiais en les acculant à la faillite ou en leur créant
des difficultés. Il faut leur donner l'autorisation de débarquer leurs produits dans les ports de Granville et de Cherbourg ou
dans des ports voisins qu'ils jugeraient convenables.
Enfin, en troisième lieu, je vous demande d'intervenir, madame le secrétaire d'Etat, afin que soit retirée aux autorités de
Guernesey la délégation de justice dont elles jouissent sur les eaux adjacentes britanniques compte tenu du non-respect
des droits de l'homme. Les difficultés relationnelles entre les bailliages et la tutelle britannique ne doivent pas interférer sur
nos relations de bon voisinage.
Notre histoire et notre patrimoine communs doivent l'emporter sur toute autre considération. Nous avons la chance de
vivre dans une région aux paysages côtiers et marins exceptionnels et de jouir d'une qualité de vie tout aussi
exceptionnelle. Ne gâchons pas ces chances par le manque de sagesse de quelques-uns, fussent-ils amis et Guernesiais !
Je souhaite, en conclusion, que nous puissions dire à nouveau, et le plus vite possible, de nos amis guernesiais ce que
Alexis de Tocqueville disait des gens de la Manche : « Ils sont violemment modérés. » (Sourires et applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)