Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les difficultés auxquelles se heurtent les rapatriés d'Algérie pour obtenir le renouvellement de papiers d'identité.
Dans un article paru dans la presse en décembre 2020, le préfet de la Sarthe expliquait que, dans le cadre de leur renouvellement de pièces d'identité, les Françaises et les Français nés en Algérie et de nationalité française avant la proclamation de l'indépendance en 1962 pouvaient recevoir des demandes de pièces complémentaires.
Il y a quelques mois, le journal « Ouest France » évoquait la situation d'une Française, ancienne institutrice, née en 1940 en Algérie française qui devait désormais prouver qu'elle est de nationalité française pour refaire sa carte nationale d'identité alors qu'elle est née française, en Algérie française (département français à l'époque), mariée à un Français.
Un de ses grands-pères est mort pour la France pendant la guerre de 1914-1918 et son père fut mobilisé en 1940.
De nombreux Français que nous qualifions de « pieds-noirs » se trouvent aujourd'hui dans cette situation, avec un sentiment d'humiliation, surtout qu'ils ont déjà des papiers d'identité français.
Ainsi, les rapatriés, qui avaient tout perdu, se voient dépouillés du seul élément rapatrié d'Algérie avec eux : leur nationalité.
En 2008, le ministère de l'intérieur répondait (réponse publiée dans le JO Sénat du 18 septembre 2008 - page 1892) à une question écrite en spécifiant pourtant que « lors du renouvellement de leur carte nationale d'identité ou de leur passeport, les rapatriés d'Algérie n'ont pas à produire de certificat de nationalité française. ».
Aussi, elle souhaite relayer auprès de lui les attentes de ces rapatriés et lui demande de prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à cette injustice, voire à cette humiliation.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 180, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, ma question concerne les difficultés auxquelles se heurtent les rapatriés d'Algérie pour obtenir le renouvellement de leurs papiers d'identité.
Il y a quelques jours, Chrystel, 55 ans, habitante de Loire-Atlantique et déjà détentrice d'une carte d'identité, a dû prouver qu'elle était bien française pour pouvoir renouveler ce document.
Pourquoi ? Parce qu'elle est issue d'une famille de pieds-noirs. Elle doit demander au ministère des affaires étrangères, en plus de son extrait de naissance, un extrait de naissance de ses grands-parents et parents, ainsi que leurs actes de mariage.
Son cas n'est malheureusement pas isolé. Je dois vous dire que cette mésaventure m'est également arrivée, et plusieurs autres personnes se trouveraient dans cette situation, que l'on peut qualifier de troublante, voire d'absurde.
Dans un article paru dans la presse en décembre 2020, le préfet de la Sarthe expliquait que, pour le renouvellement de leurs pièces d'identité, les Français nés en Algérie avant la proclamation de l'indépendance en 1962 pouvaient recevoir des demandes de pièces complémentaires.
En tant que fille et petite-fille de Français d'Algérie et de Tunisie, je partage l'incompréhension, et même la tristesse des personnes concernées.
Permettez-moi de vous lire le témoignage de Sylvie, habitant de l'Eure, qui pourrait être le mien : « J'ai vécu cette situation comme une humiliation, une insulte à ma famille, qui a été obligée de quitter l'Algérie, sa terre natale, en catastrophe, en laissant tout derrière elle. Une insulte à mon père, qui a combattu dans les rangs de l'armée française. »
Madame la ministre, alors que le Président de la République avait exprimé, voilà un an, la reconnaissance de la France envers les pieds-noirs, je me demande pourquoi on leur fait vivre, ainsi qu'à leur descendance sur plusieurs générations, cette nouvelle humiliation.
Ces rapatriés, qui avaient tout perdu, se voient désormais dépouillés du seul élément rapatrié d'Algérie avec eux : leur nationalité, pour laquelle ils se sont tant battus.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Boyer, vous avez interrogé M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, qui, ne pouvant être présent, m'a chargée de vous répondre.
Les rapatriés d'Algérie disposant de la nationalité française se voient en effet parfois demander la production d'un certificat de nationalité française ou se trouvent dans l'obligation de prouver leur nationalité à l'occasion du renouvellement de leur titre.
Vous avez raison de le souligner, il a déjà été rappelé que, lors du renouvellement de leur carte nationale d'identité ou de leur passeport, les rapatriés d'Algérie n'ont pas à produire de certificat de nationalité française. (Mme Valérie Boyer manifeste son agacement.)
En effet, une fois que la nationalité française est prouvée et que les documents d'identité à renouveler sont valides ou périmés depuis moins de cinq ans, les pièces du dossier demeurent dans le système des « titres électroniques sécurisés », et il n'est pas besoin de renouveler ces éléments.
En revanche, lors du renouvellement d'un titre échu depuis plus de cinq ans, il est demandé de prouver sa nationalité. En effet, les éléments ne sont plus conservés dans le traitement de données, compte tenu des délais de conservation des données, et les anciens titres produits sont parfois contrefaits.
Mme Valérie Boyer. N'importe quoi !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Aussi, s'il est constaté des manquements aux consignes de renouvellement simplifié des titres valides ou échus depuis moins de cinq ans, s'agissant des rapatriés d'Algérie disposant de la nationalité française, des instructions très strictes seront données de nouveau dans le réseau pour que cette règle s'applique pleinement.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je suis consternée par cette réponse.
Je rappelle que, en 2008, puis en 2020, le ministère de l'intérieur avait précisé que, lors du renouvellement de leur carte nationale d'identité ou de leur passeport, les rapatriés d'Algérie n'avaient pas à produire de certificat de nationalité française. Pourquoi cette situation perdure-t-elle encore ? Comment pouvez-vous la justifier ainsi dans votre réponse ? C'est absurde
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je n'ai rien dit de tel !
Mme Valérie Boyer. Si, c'est ce que vous avez expliqué pour les titres échus depuis plus de cinq ans.
Il est incroyable qu'un tel sort soit réservé à des personnes nées sur une terre française ou à leurs descendants.