Mme Angélique Ranc appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme sur la « confiance dans l'institution judiciaire ». Dès le 1er janvier 2023, les cours criminelles ont été généralisées en France pour soulager les cours d'assises engorgées par le nombre d'affaires en retard.
Elles vont devoir juger dans un délai voulu de 6 mois les crimes pour des peines allant jusqu'à 20 ans de réclusion, impliquant ainsi les violences volontaires ayant entraîné la mort, les vols à main armée mais aussi les viols. En effet, ces dernières années, de nombreux viols ont été jugés devant le tribunal judiciaire pour obtenir un procès plus rapide.
Composées uniquement de quelques magistrats sans jurés populaires, ces cours criminelles ont vocation à traiter ces affaires dans un délai restreint à moindre coût menant ainsi un grand nombre d'acteurs du monde judiciaire et de Français à penser qu'il s'agit d'une justice au rabais. Sachant que la sécurité et les droits des femmes sont en centre des préoccupations des Français et que les peines encourues pour les auteurs de viols sont déjà jugées minimes avec un nombre d'années fermes relativement bas, l'inquiétude apparaît fondée.
L'USM a d'ailleurs jugée que les délais ne sont pas significativement réduits et que le taux d'appel devant les CCD est plus important qu'aux assises. Le syndicat est donc opposé à la généralisation des cours sous peine « d'aggraver plus encore les difficultés actuelles de la justice ». Ainsi, elle aimerait savoir comment le ministère prévoit de réagir si ce nouveau système dit plus rapide et moins couteux ne s'avérait pas être le meilleur pour rendre justice aux victimes et quelles sont les précautions prises afin qu'aucune diminution de la charge retenue contre l'auteur du crime n'ait lieu.
Afin d'assurer un traitement plus rapide des procédures criminelles et de limiter la pratique de la correctionnalisation, la loi de programmation pour la justice du 23 mars 2019 a prévu l'expérimentation de la cour criminelle départementale, à compter du 5 septembre 2019, dans quinze départements pilotes.
Composée de cinq magistrats professionnels, la cour criminelle départementale siège sans juré et juge les crimes encourant au maximum la peine de vingt ans de réclusion criminelle. Les crimes concernés par cette juridiction sont principalement les viols simples et aggravés, les violences ayant entrainé la mort et les vols avec arme, commis par des majeurs non récidivistes.
La cour d'assises avec jurés reste ainsi compétente pour les crimes punis des plus lourdes peines, tels que le meurtre et l'assassinat, et pour juger tous les crimes en appel. L'article 9 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a généralisé la cour criminelle départementale à l'ensemble du territoire national, à l'exception de Mayotte.
La cour criminelle départementale cohabite donc avec la cour d'assises depuis le 1er janvier 2023, selon des modalités précisées par la circulaire du 7 décembre 2022 relative aux dispositions procédurales applicables à la cour criminelle départementale. La décision de généralisation de la cour criminelle départementale s'est accompagnée de la création, par décret du 7 janvier 2022, d'un comité d'évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, lequel a rendu un rapport en octobre 2022 permettant notamment d'analyser et de comparer un grand nombre de données relatives à ces cours et aux cours d'assises.
Il ressort de ce rapport qu'entre le 5 septembre 2019, date du premier arrêt d'une cour criminelle départementale, et le 14 juin 2022, date du dernier arrêt analysé par le comité d'évaluation et de suivi, 387 affaires ont été jugées, concernant 455 accusés. 81 % des accusés l'ont été dans des affaires de viol.
Lorsque la condamnation concerne des faits de viol, une peine privative de liberté ferme a été prononcée dans 99,2 % des cas. La durée moyenne de cette peine ferme s'élève à 9,6 ans. Ces peines sont très proches de celles prononcées par les cours d'assises sur un champ identique. Sur les 8 premiers départements expérimentateurs, on comptabilisait en 2019 : 182 arrêts de cour d'assises.
En 2022, grâce aux cours criminelles départementales, ce sont 269 décisions criminelles qui ont été rendues (118 décisions de cours d'assises et 151 de CCD) soit 50% d'augmentation de décisons criminelles en plus par rapport à 2019. S'agissant du déroulement et de la qualité des débats, il convient de rappeler que les dispositions relatives aux modalités de délibération et de vote à bulletin secret sont applicables à la cour criminelle départementale, de mêmes que la règle de la majorité pour les décisions relatives à la culpabilité de l'accusé et à la peine.
Le format procédural criminel est en outre parfaitement respecté. Les principes demeurent en effet ceux de l'oralité des débats et du contradictoire, à travers la citation des témoins et experts nécessaires à la compréhension du dossier. S'agissant enfin du taux d'appel devant les cours criminelles départementales, une analyse complète, permettant une comparaison avec les données relatives aux cours d'assises, apparaît à ce jour prématurée.
En effet, le casier judiciaire national permet d'établir un taux d'appel à partir des condamnations enregistrées. Or les délais de condamnation en appel obligent à analyser les données sur des périodes longues, afin de tenir compte des éventuels désistements d'appel, et de disposer de l'ensemble des condamnations rendues suite à un appel.
Au regard de ces éléments, et en l'état des analyses menées par le comité d'évaluation et de suivi, il apparaît que la création des cours criminelles départementales n'a pas compromis la qualité des débats judiciaires, pas plus qu'elle n'a abouti à des décisions plus clémentes que celles rendues par les cours d'assises.