M. Christophe Blanchet appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur la situation du Collectif amiante Tréfimetaux de la commune de Dives-sur-Mer qui souhaite obtenir un arrêté ministériel pour que le site Tréfimetaux soit inscrit sur la liste des sites amiantés. Fermée en 1986, l'usine de Tréfimétaux a été reconnue comme amiantée en 2007 par arrêté, mais ce dernier a été cassé en Conseil d'État.
Les travailleurs, eux, sont toujours atteints et le Collectif amiante de Tréfimétaux compte trois cents malades pour quatre cents membres. À Dives, toutes les familles ont été touchées. Il lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour inscrire cette usine sur la liste des sites amiantés et aller dans le sens du Collectif amiante Tréfimetaux de la commune de Dives-sur-Mer.
INSCRIPTION DE L'USINE DE TRÉFIMÉTAUX COMME SITE AMIANTÉ
M. le président. La parole est à M. Christophe Blanchet, pour exposer sa question, n° 444, relative à l'inscription de l'usine de Tréfimétaux comme site amianté.
M. Christophe Blanchet. En 1891, l'entreprise Tréfimétaux, qui utilise de l'amiante pour fabriquer des feuilles et des tubes de cuivre, s'installe à Dives-sur-Mer, une commune ouvrière au cœur de ma circonscription. En 1984, l'usine, qui employa jusqu'à 1 000 salariés, est fermée à la suite d'une restructuration du groupe Pechiney.
En 2007, Tréfimétaux est inscrite par arrêté de l'État sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante – ACAATA. Mais, après un recours de l'entreprise dans lequel l'État s'est abstenu de défendre son arrêté de classement, celui-ci est annulé par la cour d'appel de Nantes au motif que seuls vingt personnes avaient été exposés à l'amiante.
Ce jugement a laissé les salariés abasourdis. Ils ont éprouvé un profond sentiment d'injustice et se sont sentis livrés à eux-mêmes, exposés au mépris et à l'incompréhension. Car ce sont en réalité 300 salariés, et non 20, qui ont contracté une maladie professionnelle liée à l'inhalation d'amiante – la preuve étant que la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu, pour 160 d'entre eux, une faute inexcusable de l'employeur.
Devant ce drame humain, et pour répondre à la détresse des personnes concernées, les ministres Touraine et Sapin ont écrit en octobre 2012 à la direction de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail – CARSAT – une lettre dans laquelle ils reconnaissaient la justesse de la demande du Collectif des victimes de l'amiante de Tréfimétaux.
De mon côté, dès le début de la législature, j'ai évoqué le dossier avec Mme la ministre du travail. En février 2018, le ministère m'a répondu que le Conseil d'État, dans sa décision de décembre 2010, avait jugé que les opérations de calorifugeage à l'amiante au sein de Tréfimétaux n'avaient pas été suffisamment significatives pour justifier l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux ouvrant droit à la CAATA, la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, et qu'il revenait à la cour d'appel de Nantes de se prononcer sur la demande d'annulation de la décision implicite de rejet.
En mai 2018, les anciens de Tréfimétaux ont rencontré l'inspection du travail de Caen. Mais si on les reçoit bien volontiers, personne ne les écoute réellement ; trimballés d'un service à l'autre, ils finissent par mourir des suites de leur maladie dans l'indifférence des autorités. Parfois, on leur répond qu'ils devraient se satisfaire que certains d'entre eux aient obtenu la retraite anticipée.
Madame la secrétaire d'État, ces ouvriers ont été empoisonnés par l'amiante, leur vie a basculé dans la maladie et l'angoisse. Ils demandent de la considération, de la reconnaissance. Une réparation au titre du préjudice d'anxiété ne soignera pas la maladie qui les rapproche chaque jour de la mort, mais apaisera leur sentiment d'injustice.
Le temps fait son œuvre, et chaque année, ils sont de moins en moins nombreux à livrer ce dernier combat : 102 sont déjà partis et plusieurs centaines sont malades. Est-ce là la stratégie de l'État ? Ils n'en peuvent plus de la langue de bois, des autorités qui n'assument pas leurs responsabilités et des procédures de justice.
Il s'agit de leur dignité, pas d'un dossier simplement technique, financier ou administratif. Ces ouvriers veulent qu'enfin l'État cesse de nier leur statut de victime. De cette négation naît le sentiment d'injustice qui alimente la défiance à l'égard de l'État, cet État qui n'est pas venu défendre son arrêté.
Pourquoi ? Cela mériterait sans doute une enquête. Pourquoi rien n'avance alors que les ministres successifs s'engagent ? À qui la faute ?
Madame la secrétaire d'État, entendez ce message de détresse qu'ils vous adressent afin qu'ils retrouvent la confiance en l'État. Ils en appellent moins à la justice qu'au recouvrement de leur honneur, pour eux, leur famille et pour ceux qui sont partis.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel,Veuillez excuser l'absence de Muriel Pénicaud. Le Gouvernement est particulièrement sensible aux difficultés des anciens salariés de l'usine de Tréfimétaux de la commune de Dives-sur-Mer.
L'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale a fixé des conditions très strictes pour l'éligibilité au dispositif de CAATA. Le degré d'exposition des salariés aux poussières d'amiante et l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante ne sont pas, à eux seuls, de nature à justifier l'inscription d'un établissement sur les listes de la CAATA.
La loi n'a entendu permettre une telle inscription, susceptible d'ouvrir droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité à l'intégralité des salariés de l'établissement concerné, qu'à raison du caractère significatif de la part de l'activité consacrée aux opérations de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante.
Ainsi, la loi retient les activités pour lesquelles le risque amiante est le plus élevé et ne prend pas en considération toutes les situations d'exposition.
J'appelle toutefois votre attention sur le fait que le dispositif prévoit également que, dès l'âge de 50 ans, les personnes reconnues atteintes, au titre du régime général, d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante ont également droit à l'allocation de CAATA.
Concernant l'établissement Tréfimétaux, le Conseil d'État, par une décision en date du 23 décembre 2010, a jugé que la part de l'activité de l'établissement consacrée à des activités de calorifugeage à l'amiante n'était pas significative et ne justifiait pas son inscription sur les listes de la CAATA.
Le collectif amiante Tréfimétaux a par la suite de nouveau sollicité l'inscription de l'établissement. Récemment, en l'absence d'éléments de droit ou de fait nouveaux, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 4 juin 2018, a rejeté la requête du collectif tendant à l'annulation de la décision ayant rejeté leur demande d'inscription.
Les demandeurs ne justifient pas d'éléments nouveaux de nature à remettre en cause l'appréciation du Conseil d'État dans sa décision du 23 décembre 2010. Vous le regrettez mais malheureusement, c'est ainsi.
M. le président. La parole est à M. Christophe Blanchet.
M. Christophe Blanchet. Il y a un sentiment d'injustice totale. Pourquoi des ministres signent un arrêté et ne prennent ensuite pas la peine de venir le défendre lorsqu'une entreprise – Pechiney – l'attaque en justice ? Il faut se poser la question, mener une enquête.
Vous faites valoir que la part de l'activité n'est pas significative. Mais 50 % des salariés ont été touchés – cela représente 300 salariés aujourd'hui. Pour certaines entreprises dans lesquelles 4 salariés sur 600 étaient victimes, la CAATA a été acceptée.