M. Xavier Paluszkiewicz interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la problématique relative au nombre de jours de télétravail autorisés chaque année pour les frontaliers français au Luxembourg, suite à la signature de la convention fiscale entre la République française et le Grand-Duché du Luxembourg du 20 mars 2018.
L'accord formalisé entre les administrations fiscales françaises et luxembourgeoises dispose en effet d'un seuil de 29 jours de télétravail autorisés hors du Luxembourg par an. Cela étant, il attire son attention sur le fait que le Grand-Duché du Luxembourg et la Belgique s'apprêtent quant à eux à élever ce seuil de 24 à 69 jours annuels de télétravail au profit des 45 000 frontaliers belges, tandis que sont aujourd'hui recensés plus de 100 000 frontaliers français au Luxembourg selon l'Institut national de statistiques luxembourgeois (Statec).
Dès lors, il l'interroge sur la renégociation des dispositions de ladite convention fiscale au profit d'un nombre élargi de jours télétravaillés pour les citoyens français exerçant une activité professionnelle au Luxembourg, qui favoriserait de fait l'intégration intereuropéenne et une fluidification des modalités de circulation des travailleurs entre la France et le Luxembourg.
TÉLÉTRAVAIL DES FRONTALIERS AU LUXEMBOURG
M. le président. La parole est à M. Xavier Paluszkiewicz, pour exposer sa question, n° 1093, relative au télétravail des frontaliers au Luxembourg.
M. Xavier Paluszkiewicz. Je souhaiterais interroger M. le ministre de l'économie et des finances sur l'essor du télétravail, qui s'est imposé aux 107 000 travailleurs frontaliers français qui franchissent chaque jour la frontière, et sur la nécessaire adaptation des règles d'imposition qui en découle.
La France et le Luxembourg se sont accordés mercredi dernier sur la prorogation jusqu'au 31 août 2020 de l'accord amiable concernant le télétravail des frontaliers, et c'est une très bonne chose. Alors que la pandémie de covid-19 a contraint tous les gouvernements européens à prendre des mesures inédites, de nombreux frontaliers français sont restés à leur domicile et ont découvert l'usage du télétravail.
Cette situation sans précédent soulève de nombreuses questions sur les plans tant social que fiscal, notamment pour ce qui concerne la dernière convention, entrée en vigueur cette année. En ma qualité de rapporteur spécial pour les affaires européennes de la commission des finances, j'avais salué l'application du nouveau seuil de vingt-neuf jours de télétravail, première avancée pour les frontaliers du Pays-Haut sur laquelle je m'étais engagé.
Déjà à l'époque, j'avais appelé à dépasser ce seuil pour se rapprocher de celui que prévoit la future convention fiscale entre le Luxembourg et la Belgique, soit quarante-huit jours de télétravail autorisés.
La crise actuelle doit nous affranchir du plafond de verre des vingt-neuf jours et nous permettre de parler du seuil qui devrait tous nous intéresser : celui que prévoient les règlements européens. Ce plafond permet aux frontaliers de conserver leurs droits luxembourgeois tout en travaillant en France.
Le Luxembourg est prêt à reconsidérer les choses, dans un souci de codéveloppement – mais pas seulement. Son Premier ministre, Xavier Bettel, et sa ministre à la Grande Région, Corinne Cahen, ont souligné l'importance vitale des frontaliers pour l’économie nationale et évoqué la possibilité d'envisager un jour de télétravail par semaine.
Le télétravail est une partie de la solution. Voyez toutes les externalités positives qu'a provoquées son usage massif sur notre territoire ! En matière de transports, qu'il s'agisse de la voiture ou des transports en commun, ce sont trois heures de vie retrouvées chaque jour. En ce qui concerne le désengorgement du trafic routier, cela se traduit par une baisse de tension sur les infrastructures – le futur aménagement de l'A31 bis montrant déjà ses limites et le trafic sur la nationale 52 posant de gros problèmes, quoiqu'en dise la ministre chargée des transports. Et je ne parle pas des bienfaits pour le climat !
Ancien frontalier ayant sillonné le Luxembourg durant dix-huit ans, j'en parle en connaissance de cause. Je suis convaincu que cette solution gagnant-gagnant changera la vie des frontaliers et résoudra en partie certains problèmes de mobilité.
J'ai trois questions à poser. Le Gouvernement est-il favorable à l'idée de promouvoir le télétravail ? Est-il prêt à faire évoluer la convention fiscale afin de porter le seuil de vingt-neuf à une cinquantaine de jours, qui correspondrait au plafond de 25 % du temps de travail ? Pouvez-vous me confirmer que cette question sera bien inscrite au programme du prochain séminaire intergouvernemental franco-luxembourgeois, prévu à l'automne ? Je sais que les frontaliers du Pays-Haut qui nous regardent attendent des réponses – moi le premier.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos,Monsieur le député, le ministre de l'économie et des finances m'a demandé de répondre à votre question. Voici les éléments qu'il m'a transmis.
Une nouvelle convention fiscale liant la France au Luxembourg a été ratifiée ; elle s'appliquera à compter du 1er janvier 2020. Elle ne prévoit aucun régime spécifique pour les frontaliers, ce qui correspond au souhait des deux États aussi bien qu'à celui des frontaliers eux-mêmes. Par conséquent, pour la répartition du droit d'imposer les rémunérations, la règle qui s'applique est la règle classique suivie par l'ensemble des conventions, en conformité avec le modèle de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques : les revenus d'activité sont imposés au lieu où cette activité est effectuée.
Toutefois, la nouvelle convention contient une disposition supplémentaire relative au télétravail, qui permet à un résident français télétravaillant depuis son domicile en France pour le compte d'une entreprise située au Luxembourg de voir la rémunération afférente imposée au Luxembourg, dans la limite d'un forfait de vingt-neuf jours par an.
Au-delà, la règle conventionnelle de droit commun s'applique à nouveau et les jours télétravaillés en France sont imposés en France. Cette clause particulière ne se retrouve dans aucune autre convention signée par la France. Le nombre de jours prévu dans ce forfait est similaire à celui qui figure dans les traités liant le Luxembourg à ses voisins.
Les autorités des deux États ont considéré que l'épidémie de covid-19 constituait un cas de force majeure subie par les travailleurs. Un accord à l'amiable a donc été conclu en vue de permettre, si le contribuable le souhaite, de ne pas prendre en compte les jours télétravaillés à domicile en raison de la situation sanitaire dans le décompte du forfait de vingt-neuf jours.
Cet accord exceptionnel est, par nature, temporaire. La convention actuelle étant entrée en vigueur depuis six mois, il n'est pas envisageable de négocier aujourd'hui un nouvel accord pour augmenter de façon pérenne le forfait de vingt-neuf jours. D'une part, cela occasionnerait une perte de recettes fiscales pérenne pour la France, qui renoncerait plus largement qu'aujourd'hui à son droit à imposer.
D'autre part, ce ne serait pas nécessairement favorable à tous les contribuables concernés car, si la fiscalité luxembourgeoise peut être avantageuse pour certaines catégories de foyers, les foyers modestes et les familles avec enfants qui ont droit au quotient familial en France peuvent, avec l'application de la législation française, bénéficier de plus d'avantages.
De façon générale, il serait réducteur de considérer que la fiscalité constitue un facteur déterminant dans le choix que peuvent faire les salariés de recourir à cette forme de travail.
M. le président. La parole est à M. Xavier Paluszkiewicz.
M. Xavier Paluszkiewicz. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour cette réponse. Nous avons eu l'occasion de converser à ce sujet juste avant le début de la séance. Ne doutez pas que je reviendrai à la charge, car des précisions seront certainement nécessaires sur cette question.