Mme Isabelle Valentin appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur le manque de moyens matériels, humains et financiers en pédopsychiatrie. Le 22 février 2023, l'abominable assassinat d'Agnès Lassalle, professeure d'espagnol, poignardée par son élève, a généré une vague d'émotion et d'hommages partout en France.
Au-delà de l'émotion suscitée, ce drame doit remettre au centre des débats l'enjeu de la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes. D'après Santé publique France, un rapport alarmiste montre que ces deux catégories de la population française seraient les plus touchées par des troubles psychiques et psychiatriques depuis le début de la crise sanitaire, en mars 2020.
En effet, aujourd'hui, près d'un adolescent sur six serait concerné par ces troubles. Malgré ce constat inquiétant, la pédopsychiatrie continue de faire face à un important manque de moyens matériels, humains et financiers. Aujourd'hui, la pénurie de médecins et d'infirmiers toucherait cinq services de pédopsychiatrie sur six.
En 2009, la France comptait 1 200 pédopsychiatres, contre un peu moins de 700 actuellement. Dès lors, La France figure parmi les pays occidentaux où l'offre de soins en pédopsychiatrie est la plus faible, du point de vue des praticiens. De plus, en raison d'un cruel manque de moyens financiers, le nombre de places en internat est grandement insuffisant.
Plusieurs facultés françaises font face à l'absence de professeur en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, qui permettent de former les internes et donc les futurs psychiatres qui voudraient choisir cette spécialisation. Ainsi, selon les professionnels de santé, les délais d'attente pour un premier rendez-vous varient de six mois à un an.
Dans certains départements, ce délai peut aller jusqu'à dix-huit mois. Cette crise de la pédopsychiatrie n'a que trop duré. Aussi Mme la députée souhaiterait d'une part que le nombre professeurs en pédopsychiatrie soit significativement revu à la hausse, afin de former un nombre suffisant de futurs jeunes spécialistes et d'autre part, que le diplôme d'infirmier en soins psychiatriques soit créé.
Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de mettre en place, afin de mettre fin à la situation de crise dans laquelle se trouve aujourd'hui la pédopsychiatrie.
Le dénombrement exact des pédopsychiatres en France se révèle difficile dans la mesure où la pédopsychiatrie ne constitue pas une spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Elle correspond à une année supplémentaire au cours du diplôme de psychiatrie dans le cadre d'un diplôme d'études spécialisées complémentaire (DESC) ou d'une option, selon que l'on effectue son DES de psychiatrie avant ou après la réforme du troisième cycle des études de médecine de 2017.
Seuls sont reconnus comme qualifiés ordinalement en pédopsychiatrie les praticiens formés à la surspécialisation (DESC ou option psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent - PEA). Pour autant, tous les professionnels formés par le DESC non qualifiant de PEA, depuis sa création en 1984, exercent. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, on compte environ 1 800 détenteurs du DESC PEA, avec un exercice le plus souvent orienté vers l'enfant et l'adolescent, auxquels s'ajoutent les 700 pédopsychiatres « diplômés » avant la création du DESC ou de l'option.
Le soutien à la recherche en santé mentale, plus particulièrement des enfants et des adolescents, est aujourd'hui une des priorités du ministère de la santé et de la prévention. Il figure dans la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » présentée en juin 2018. Cette priorité s'est concrétisée par la mise en œuvre d'un appel à projets annuel destiné à attribuer pour deux ans des postes de chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à certaines universités (unités de formation et de recherche) et centres hospitaliers universitaires, à hauteur de 20 postes par an, et à assurer le financement de ces postes par des crédits ministériels.
L'ambition de cet appel à projets est de constituer un vivier de futurs personnels hospitalo-universitaires titulaires dans cette discipline, maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et professeurs des universités-praticiens hospitaliers, sur l'ensemble du territoire français. Ainsi, 42 postes et candidats ont été financés auprès de 22 universités et centres hospitaliers universitaires différents depuis 2018.
L'appel à projets réalisé en 2023 a permis l'affectation de 8 nouveaux chefs de clinique des universités-assistants hospitaliers à compter du 1er novembre 2023. Le contenu de cet appel à projets a, par ailleurs, été complété par un volet relatif aux troubles du neuro-développement (dont l'autisme) à partir de 2021.
Le soutien à la santé mentale des enfants et des adolescents a été réaffirmé au regard des enseignements de la crise sanitaire par les deux ministères et le Président de la République, lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont déroulées en septembre 2021. L'appel à projets en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ou en troubles du neuro-développement a ainsi été prorogé jusqu'en 2025.
Par ailleurs, dans le cadre de ces Assises, il a été également annoncé la création de douze postes de personnels enseignants et hospitaliers titulaires (maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et professeurs des universités-praticiens hospitaliers) entre 2022 et 2025. Dans ce cadre, trois postes de professeurs des universités-praticiens hospitaliers en pédopsychiatrie ont déjà été créés au titre de l'année 2022 et financés par des crédits ministériels.
Pour l'année 2023, sont créés et financés un poste de professeur des universités-praticien hospitalier et deux postes de maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers. De plus, au titre de la session 2023 des épreuves de vérification des connaissances, 159 postes ont été ouverts en psychiatrie au regard de la tension marquée dans cette spécialité, soit une augmentation de 35 % des postes proposés dans cette spécialité par rapport à la dernière session organisée en 2021.
Du reste, les infirmiers reçoivent des enseignements en psychiatrie lors de la formation au métier socle. Dans ce cadre, deux unités d'enseignement ainsi qu'un stage obligatoire sont consacrés à la psychiatrie et à la santé mentale. L'objectif, en formant tous les infirmiers, et non pas seulement certains infirmiers spécialisés en psychiatrie, est de pouvoir assurer la prise en charge des patients atteints de troubles psychiques et psychiatriques, tout au long de leur parcours de soins.
De plus, la réingénierie prochaine de la formation des infirmiers permettra de réinterroger l'importance donnée aux enseignements en lien avec la psychiatrie dans le nouveau référentiel. Enfin, depuis 2018, les infirmiers ont la possibilité d'élargir leurs compétences en se formant à la pratique avancée.
En 2023, 527 infirmiers en pratique avancée (IPA) mention psychiatrie et santé mentale ont pu être formés. Les IPA mention psychiatrie et santé mentale du fait de leur expertise sont une ressource et un appui pour les équipes soignantes qui prennent en charge ces patients.