Mme Clémentine Autain alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur la mise en place de la réforme « 100 % de réussite au CP » dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP+) dès la rentrée 2017-2018. Si la réduction des effectifs dans les classes peut constituer un levier très bénéfique pour la réussite scolaire, elle ne peut se faire par redéploiement.
Effectuée sans recrutements supplémentaires, cette mesure se traduira par plus d'élèves dans les autres classes, moins de professeurs remplaçants et entraînera la fin du dispositif « Plus de maîtres que de classes » pourtant plébiscité par les acteurs de l'éducation. En Seine-Saint-Denis, la mise en place du dispositif « 12 élèves par classe » entraînera des dégâts collatéraux importants.
Le département compte 200 classes de CP en REP + dans 112 écoles. Pour parvenir à l'objectif affiché par le Gouvernement, le directeur académique (DASEN) devra recruter pas moins de 200 enseignants supplémentaires. Une mesure impossible à mettre en œuvre avec un budget en baisse et sans moyens humains et matériels supplémentaires dédiés, dans des écoles qui sont déjà très largement au-dessus des seuils et dans un département particulièrement touché par le non remplacement des enseignants (la FCPE avance le chiffre de 400 classes sans enseignants chaque jour en Seine-Saint-Denis).
Dans un département en plein boom démographique, qui accueille en moyenne 2 000 élèves de plus chaque année, la plupart des écoles ne disposent pas des locaux nécessaires à la mise en place du dispositif dès la rentrée 2017. Les 13 communes concernées dans le département, dont la ville de Sevran, devront trouver d'ici septembre plus d'une centaine de salles de classes supplémentaires.
En concentrant les moyens sur les CP de REP+, les nouvelles ouvertures de classes se feront ainsi au détriment des autres niveaux, pourtant déjà surchargés. Dans un contexte d'austérité budgétaire, la mise en place de cette réforme à marche forcée entraînera de facto des dépenses supplémentaires pour les collectivités territoriales, déjà asphyxiées par la baisse des dépenses publiques et la suppression de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Les récentes annonces du Gouvernement, notamment lors de la Conférence des territoires du 17 juillet 2017, d'une nouvelle réduction des dépenses des collectivités locales de 13 milliards d'euros et d'une amputation de 75 millions d'euros sur le budget de l'éducation nationale, renforcent davantage encore les inquiétudes des acteurs publics de l'éducation dans un département populaire déjà fortement touché par les inégalités territoriales.
La mise en place d'une réforme ambitieuse de l'éducation nationale ne pourra se faire sans un véritable investissement avec un budget en hausse pour recruter des enseignants en nombre suffisant et mieux rémunérés. Elle souhaite donc connaître son avis sur ce sujet.
Pour combattre la difficulté scolaire, il faut agir à la racine. Le choix a été fait de cibler les efforts sur l'éducation prioritaire où les besoins sont les plus importants en desserrant les effectifs de manière significative, avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 échelonné sur les rentrées scolaires 2017 à 2019, et un objectif de 12 élèves par classe.
Pour autant, le dispositif « plus de maîtres que de classe » est maintenu dans des écoles classées en réseau REP et REP+, ainsi que hors éducation prioritaire puisque plus de 60 % des postes qui y sont dédiés sont maintenus à la rentrée scolaire 2017. Ce dispositif pourra ainsi faire l'objet d'une évaluation comparée avec le dédoublement.
Dès la rentrée 2017, le dispositif de dédoublement des CP est opérationnel dans les classes de CP en REP+. Les services académiques ont travaillé en étroite concertation avec les communes pour trouver des solutions d'aménagement des locaux permettant le dédoublement. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, qui accueille 85 % des classes de CP à niveau simple en REP+ de l'académie de Créteil, les services de l'éducation nationale ont travaillé de concert et avec efficacité avec les collectivités locales pour concevoir les solutions optimales.
Ainsi, chaque commune a fait l'objet d'un contact particulier avec la direction des services départementaux de l'éducation nationale de Seine-Saint-Denis (DSDEN). En l'absence de locaux, une co-intervention de deux enseignants au sein d'un même local a été mise en place. Dès le mois de juin 2017, les équipes concernées ont été accompagnées à cette fin par les inspecteurs de l'éducation nationale et les équipes de circonscription.
Cette organisation pédagogique n'entraîne pas une dégradation des taux d'encadrement observés sur les autres niveaux qui sont autour de 23 élèves par classe en élémentaire et de 25 élèves par classe en maternelle en éducation prioritaire, et respectivement de 25 et de 27 hors éducation prioritaire. Le déploiement dans de bonnes conditions du dédoublement des CP à cette rentrée a été rendu possible grâce à la dotation très importante de 500 emplois (ETP) dévolue à la Seine-Saint-Denis, laissant une marge de manœuvre qui n'affectera pas la qualité du remplacement, laquelle s'est nettement améliorée au cours de l'année scolaire 2016-2017, notamment grâce à la création de 110 postes de remplaçants à la rentrée 2016.
Un abondement du même ordre a été réalisé à la rentrée scolaire 2017. La mesure visant à diviser par deux les effectifs de chaque classe de CP en REP+ ne s'est donc pas réalisée au détriment du remplacement, dont la qualité se voit encore améliorée à cette rentrée, ni des effectifs des classes de l'ensemble des autres écoles.
En outre, le recrutement de professeurs des écoles en nombre suffisant a été rendu possible par l'organisation du 2ème concours exceptionnel réservé à la seule académie de Créteil. Afin de donner à cette démarche pédagogique et aux moyens importants qui lui sont consacrés toute leur efficacité, un plan de formation spécifique destiné à accompagner les équipes dans la mise en œuvre, a démarré dès le mois de septembre 2017.
Pour poursuivre notamment la montée en puissance de la mesure, 3 881 créations d'emplois en moyens d'enseignement sont prévues au niveau national à la rentrée 2018 dans le premier degré. Enfin, le déploiement dans l'ensemble des classes de CP et de CE1 de l'éducation prioritaire sur les prochaines rentrées laisse le temps nécessaire pour trouver localement les meilleures solutions d'aménagement des locaux, adaptées à chaque école.