M. Fernand Demilly appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les normes sanitaires européennes applicables aux coquillages qui font l'objet de nouvelles préconisations par des laboratoires de référence. Cela risque de se traduire à brève échéance par un renforcement des textes concernant un abaissement des seuils autorisant l'exploitation des zones de production et la mise en marché des produits, ce qui conduirait à la disparition de milliers d'entreprises conchylicoles familiales et artisanales.
Il convient donc d'empêcher une dérive sanitaire injustifiée, aux conséquences économiques lourdes et de défendre notre consommation traditionnelle de moules, huîtres et autres coquillages. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en cette matière ?
M. Fernand Demilly. Les normes sanitaires européennes applicables aux coquillages font l'objet de nouvelles préconisations par des laboratoires de référence. Cela risque de se traduire, à brève échéance, par un renforcement des textes concernant un abaissement des seuils autorisant l'exploitation des zones de production et la mise en marché des produits, ce qui conduirait à la disparition de milliers d'entreprises conchylicoles familiales et artisanales.
Il convient donc d'empêcher une dérive sanitaire aux conséquences économiques lourdes et de défendre notre consommation traditionnelle de moules, huîtres et autres coquillages.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en cette matière ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, M. Hervé Gaymard étant retenu à Bruxelles, il m'a demandé de vous apporter la réponse suivante.
Comme vous le savez, le secteur conchylicole est totalement dépendant des pollutions environnementales des eaux littorales, en particulier par des germes d'origine fécale provenant des rejets humains et animaux. Les coquillages filtreurs accumulent les particules microbiennes en suspension dans l'eau de mer et peuvent ainsi servir de relais à certaines maladies, en particulier lors des épidémies de gastro-entérites virales affectant la population en période hivernale.
Pour des raisons techniques, le contrôle de la contamination microbienne des eaux et des coquillages se fait non pas directement par la recherche des virus, mais par celle d'une bactérie fécale indicatrice baptisée Escherichia coli.
La Commission européenne, sur proposition du laboratoire communautaire de référence de Weymouth, au Royaume-Uni, soumet actuellement aux Etats membres un projet de règlement aux termes duquel un virus parasite des bactéries fécales, le bactériophage, serait adopté comme nouvel indicateur spécifique pour évaluer la qualité de la purification des coquillages, opération de décontamination obligatoire quand la qualité des eaux l'exige.
Par la suite, le recours à ce nouvel indicateur pour le classement des zones conchylicoles est très vraisemblable.
Même si, par sa plus grande résistance dans l'eau de mer, cet indicateur présente un intérêt, la proposition de la Commission n'est pas sans poser question. En particulier, la communauté scientifique française s'interroge sur le gain espéré en termes de qualité sanitaire des coquillages par rapport aux coûts attendus en matière de purification des coquillages.
En effet, pour répondre aux nouvelles normes, les centres de purification devraient allonger la durée actuelle des opérations, qui est de l'ordre de vingt-quatre à quarante-huit heures, jusqu'à cinq à sept jours, et ce en chauffant l'eau de mer utilisée à 20 °C pendant la période hivernale.
Cela nécessiterait une augmentation considérable des capacités des bassins de purification, des systèmes de maîtrise de la température et de la qualité des eaux, avec un risque mal évalué de mortalité des coquillages due au choc thermique.
Les autorités françaises sont opposées à ce projet et sont déjà intervenues directement auprès de la Commission européenne en ce sens. Pour appuyer cette position des dossiers scientifiques et technico-économiques sont en cours de constitution et seront adressés à la Commission européenne.
Enfin, mon collègue Hervé Gaymard enverra prochainement une lettre à M. le commissaire de la direction générale Santé et protection du consommateur à Bruxelles pour affirmer l'opposition du gouvernement français.
M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.
M. Fernand Demilly. Je vous remercie, monsieur le ministre, des informations que vous venez d'apporter, et nous apprécions la position du Gouvernement.
Certes, nous comprenons la nécessité de normes sanitaires. Cependant, l'inquiétude est grande chez les marins pêcheurs et pêcheurs à pied de la côte picarde - ou d'ailleurs -, qui, pour la plupart, exercent cette double activité : marins pêcheurs, ils craignent que les négociations européennes dont la politique commune de la pêche fait actuellement l'objet ne soient néfastes à la flotte de la baie de Somme, qui se caractérise par la présence de petites entreprises familiales ; pêcheurs à pied, ils craignent pour l'exploitation des gisements et pour la mise en marché des produits.
Additionnées, les nouvelles dispositions pourraient conduire à la disparition de nombreuses entreprises artisanales, éléments essentiels du tissu économique littoral.
Nous serons donc très attentifs, monsieur le ministre, aux négociations et aux décisions à venir.