M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les pratiques des établissements d'enseignement supérieur privés à but lucratif. Une enquête publiée par le journal Libération révèle des pratiques peu reluisantes du groupe Galileo, qui n'est qu'un acteur parmi d'autres.
Ce groupe encadre environ 200 000 étudiants dans le monde, dont la moitié en France et enchaîne les rachats d'écoles dans tous domaines. Plus largement, le secteur de l'enseignement supérieur privé est en pleine croissance, en hausse de 7 % depuis 2017. Il représenterait près de 20 % des étudiants. Les pratique de ces groupes posent question à plus d'un titre : au niveau des subventions massives qu'ils perçoivent de l'État, au niveau des pratiques agressives voire trompeuses vis-à-vis des étudiants, au niveau de l'ubérisation des enseignants et au niveau de la qualité des formations dispensées.
En effet, ces groupes perçoivent une manne d'argent public au titre des aides à l'apprentissage, puisque leur système fonctionne sur le principe des contrats d'alternance. Ainsi, ils profitent de l'effet d'aubaine des larges subventions à l'apprentissage pour faire de larges bénéfices sur fonds publics.
Mme la ministre a elle-même évoqué « des ressources parfois dévoyées » pour qualifier leur usage de l'apprentissage. En effet, depuis 2018 et la loi « avenir professionnel », les contrats d'apprentissage permettent aux élèves de suivre les parcours sans payer les frais de scolarité. Mais ce système est particulièrement coûteux pour l'État et rentable pour ces écoles, pour un service rendu au public discutable.
Les bénéfices sont si prévisibles qu'ils sont soutenus par les mêmes fonds d'investissements que ceux qui investissent dans des groupes comme Orpea, opérateur bien connu de maisons de retraites très lucratives et pratiquant de la maltraitance institutionnelle. Ces groupes font des bénéfices juteux et bénéficient même d'investissements publics, comme celles de BPI France, alors même qu'ils concurrencent les formations publiques.
Ces écoles usent de pratiques commerciales agressives, consistant à faire miroiter des formations puis des facilités à trouver des contrats en alternance, tout en créant un sentiment d'urgence à s'inscrire, donc à payer, très rapidement. Les personnes chargées de l'admission laissent entendre une pénurie de place pour inciter les familles à se décider vite et procèdent à d'innombrables relances des personnes intéressées.
Elles profitent de la détresse des étudiants et de leurs familles face à l'aléa de Parcoursup. Elles font des promesses alléchantes à des familles, qui vont payer des sommes considérables pour un diplôme qui ne vaudra rien ou pas grand-chose pour un employeur. Ainsi, ces groupes prospèrent sur le dos de l'inquiétude légitime des familles, face à Parcoursup, les poussant à s'endetter pour leurs études.
Les familles peuvent se perdre dans le foisonnement de labels illisibles qui ne sont pas vraiment contrôlés par l'État. Au risque d'une explosion de la dette étudiante. La DGCCRF a publié en décembre une enquête montrant que sur 80 établissements contrôlés, 30 % ont des pratiques commerciales trompeuses et 56 % présentent des anomalies sur la réglementation en vigueur : des mentions sur l'employabilité invérifiables, des partenariats inexistants, des utilisations frauduleuses des diplômes nationaux de « licence », « master » etc.
Résultat de ces pratiques agressives : il y a trop d'élèves inscrits pour la place disponible dans les locaux. Les étudiants s'entassent dans des salles trop petites, ou sont incités à suivre des cours « en distanciel ». Cette méthode permet au passage de diminuer le nombre de professeurs mobilisés pour un même groupe d'étudiants, dispense d'avoir des locaux d'une taille adaptée comme de faire un suivi réel des étudiants.
Ce passage en distanciel existe y compris pour des disciplines qui ne s'y prêtent aucunement, comme l'enseignement des langues. Autre subtilité, ces écoles sortent des cadres nationaux des diplômes pour proposer des formations qui conduisent à des diplômes privés : ceux-ci sont dont dégagés de toute contrainte horaire, entièrement définis par l'école et reconnus que par elle.
L'étudiant qui s'engage sur cette voie ne peut faire valoir sa formation ailleurs tant que l'ensemble du cursus n'est pas validé. Par ailleurs, les étudiants doivent défendre la valeur de leur diplôme, donc l'école qui le leur a délivré, sinon les sommes d'argent dépensées à leur formation l'auraient été en vain et se retrouvent en porte à faux vis-à-vis de leurs écoles.
Ils le sont également vis-à-vis de leurs enseignants, en étant incités à les noter continuellement via des questionnaires. Cela crée une relation malsaine entre étudiants et enseignants, puisque le poste de ces derniers dépend de l'appréciation des premiers. Aussi, le système incite les enseignants à laisser faire les étudiants, voire à les surnoter, de peur que leur appréciation soit mauvaise.
De quoi dégrader encore davantage la qualité de la notation et donc la valeur du diplôme fourni. Aussi, M. le député souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour réguler les pratiques de ces groupes. Il souhaite savoir quels contrôles il entend mettre en œuvre sur les différents labels, notamment les titres inscrits au Répertoire national des certifications professionnelles et particulièrement sur les pratiques de location des certifications RNCP entre les écoles.
Il souhaite apprendre quand les pouvoirs publics cesseront de subventionner les formations privées faisant concurrence à l'université publique, pendant que celle-ci se détériore faute de financements. Enfin, il souhaite savoir quand il compte supprimer le dispositif Parcoursup, injuste qui précipite les étudiants dans des formations onéreuses et sans garantie de qualité.