M. Pierre Charon attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le rapport de la Cour des comptes qui a été publié lundi 30 novembre 2020 sur la protection de l'enfance.
Plus de 300 000 enfants mineurs bénéficient d'une mesure de protection. Or, les magistrats dressent un bilan sévère : « Si la politique de protection de l'enfance dispose d'un cadre législatif et réglementaire rénové et ambitieux, sa mise en uvre demeure toutefois très partielle, voire inexistante. Le pilotage est défaillant en raison de la complexité de son organisation et de la confusion des missions entre les différents acteurs. »
La Cour des comptes dénonce aussi des décisions qui se caractérisent par « un empilement de délais, qui retarde le moment de la prise en charge ». Concernant le « projet pour l'enfant », les magistrats constatent que son application est « inégale sur le territoire, ses délais d'élaboration ne sont pas respectés et la méthodologie retenue ne prend pas en compte le moyen et long terme. »
Concernant la préparation de leur avenir, les magistrats notent « qu'il apparaît indispensable de favoriser les parcours de formation et d'insertion au-delà de 18 ans, et de prolonger, si besoin, la prise en charge au-delà de 21 ans. »
La Cour des compte regrette que de nombreux enfants protégés n'aient pu profiter des améliorations attendues des lois de 2007 et 2016. « Devenus jeunes adultes, ils n'auront bénéficié pour leur grande majorité ni d'un projet pour l'enfant, ni de l'examen de leur statut au regard de la question de l'autorité parentale, n'auront pas toujours été accueillis dans une structure totalement adaptée à leurs besoins et leur avenir aura le plus souvent été envisagé sur le court terme et dans le meilleur des cas jusqu'à leurs 21 ans. »
Il demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour répondre aux nombreuses observations et préconisations de la Cour des comptes afin de répondre aux retards de la France par rapport à d'autres pays européens dans le domaine de la protection de l'enfance.
La protection de l'enfance est une compétence confiée aux conseils départementaux depuis les lois de décentralisation. En application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, il revient aux conseils départementaux d'organiser librement la réponse territoriale la plus optimale pour assurer les missions qui leur sont confiées.
Toutefois, l'État conserve des responsabilités essentielles, notamment en matière d'édiction des normes, de contrôle, d'évaluation et de régulation, ainsi que d'accompagnement des conseils départementaux. Ainsi, dans la continuité de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant et de ses décrets d'application, le Gouvernement est tout particulièrement mobilisé sur la question de l'effectivité des droits pour tous les enfants protégés et de l'égalité de traitement sur tout le territoire.
Dans cette optique, la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance présentée le 14 octobre 2019 identifie quatre engagements au bénéfice des enfants et de leurs familles : agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles ; sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures ; donner aux enfants les moyens d'agir et garantir leurs droits ; préparer leur avenir et sécuriser leur vie d'adulte.
Une partie des mesures annoncées reposent, pour leur mise en uvre, sur une contractualisation ambitieuse entre l'État et les conseils départementaux. Cette démarche concerne d'ores et déjà 70 départements et devrait être étendue d'ici 2022 à l'ensemble des départements français. Afin d'améliorer la coordination entre les acteurs et de favoriser la convergence vers les meilleurs pratiques, la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance prévoit également une réforme de la gouvernance de cette politique.
La création d'un nouvel organisme compétent au niveau national dans le champ de la protection de l'enfance, de l'adoption et de l'accès aux origines personnelles est ainsi envisagée par rapprochement des instances existantes. Le Gouvernement souhaite que cette instance puisse voir le jour d'ici 2022. Parallèlement, dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin d'appuyer les départements dans l'accompagnement qu'ils proposent aux jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance, le Gouvernement propose de les soutenir financièrement, mais également de renforcer la mobilisation des acteurs de droit commun pour mieux accompagner les jeunes dans leurs projets.
Ainsi, l'État consacre 12 M par an sur la période 2019-2022 pour accompagner les conseils départementaux dans la mise en uvre de cette mesure qui concerne l'ensemble des jeunes qui leur sont confiés. Les modalités de mise en uvre de cette mesure, c'est-à-dire le socle de garanties qui doivent être apportées aux jeunes, inclut la mobilisation des dispositifs dits « de droit commun », tels l'accès aux droits, notamment, en matière de santé, de bourses et de logements étudiants.
Enfin, pour tenir compte de l'impact de la crise sanitaire et de ses conséquences durables pour les personnes les plus vulnérables, l'article 18 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a demandé aux conseils départementaux de ne pas mettre fin aux prises en charges au titre de l'aide sociale à l'enfance pendant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire.
Dans la continuité de ces dispositions, la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 mobilise 50 M sur le budget de l'État pour soutenir l'effort des conseils départementaux en faveur de l'accompagnement des jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance, dont les anciens mineurs non accompagnés.
Ces moyens viennent en complément de ceux déjà mobilisés au titre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté précédemment mentionnée.