Mme Laetitia Saint-Paul interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la mise en place des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Ces projets visent l'équilibre nécessaire entre besoins et ressources disponibles en eau ; or certains territoires ne disposeraient que de 6 % des masses d'eau en bon état.
De plus, ceux-ci peuvent accueillir une population dense et une activité agricole et agroalimentaire nécessitant des quantités hydrauliques importantes pour assurer leur production, enjeu de l'indépendance alimentaire de la France. Les acteurs économiques que sont les industriels et les producteurs de biens alimentaires des territoires concernés sauront bien évidemment faire preuve de responsabilité pour trouver l'équilibre écologique de l'eau.
Toutefois, ils s'inquiètent de la suffisance des mesures prévues au regard des particularités de leurs territoires. Elle l'interroge pour savoir comment il envisage de prendre en considération ces spécificités.
Face au changement climatique, l'agriculture doit pouvoir sécuriser son accès à la ressource en eau et en améliorer la gestion. Répondre à cet enjeu implique de prendre en compte les attentes de l'ensemble des usages et des filières et de garantir une gestion économe et sobre de cette ressource partagée et stratégique, dans le respect des équilibres naturels.
À cet égard, les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), soutenues par le Gouvernement, offrent un cadre pertinent pour assurer un équilibre entre les usages de l'eau et la ressource disponible. Les PTGE visent à impliquer les usagers de l'eau (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs, etc.) d'un territoire dans un projet global en vue de faciliter la préservation et la gestion de la ressource en eau.
La démarche du PTGE est une succession d'étapes, qui permet de cheminer de la compréhension d'un problème de gestion de l'eau sur un territoire jusqu'à la mise en œuvre d'un programme d'actions adapté à la problématique mise en évidence. Le projet de territoire a vocation à être adapté au contexte dans lequel il est mis en place tout en s'inscrivant dans la réglementation générale (notamment le code de l'environnement) et la planification dans le domaine de l'eau.
Les travaux du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique qui se sont achevés le 1er février 2022 et le rapport de la mission d'appui conseil général de l'environnement et du développement durable - conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux pour l'aboutissement des PTGE publié en mai 2022, ont opéré durant l'année 2021 des retours d'expérience sur les PTGE.
L'un et l'autre ont conclu à la pertinence de l'outil PTGE. Ils ont souligné l'intérêt de l'écriture d'un guide pratique national à l'usage des acteurs et porteurs de démarches PTGE. Ce guide a été publié en août 2023. De même, d'un point de vue réglementaire, un additif à l'instruction relative à la mise en œuvre des PTGE du 7 mai 2019 a été publié le 17 janvier 2023.
Il a comme objectif de faciliter la mise en œuvre opérationnelle des PTGE. Par ailleurs, les travaux du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, actent un certain nombre d'actions à mettre en œuvre collectivement afin d'anticiper les effets du changement climatique sur l'agriculture pour mieux la protéger et s'adapter.
Plusieurs de ces actions concernent l'échelon territorial en lien avec l'irrigation et les spécificités locales. Notamment, les filières agricoles se sont toutes engagées à travers la signature d'une charte, à décliner des plans d'actions à conduire d'ici 2025 afin d'adapter toutes les exploitations et les entreprises et d'impliquer autant que possible les acteurs des territoires au cœur de la transition.
De plus, dans le cadre de la planification écologique, le plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau (dit « plan eau ») annoncé le 30 mars 2023 par le Président de la République comporte plusieurs mesures pour optimiser la disponibilité de la ressource en eau. La mesure n° 1 du plan eau prévoit pour toutes les filières économiques, l'établissement d'un plan de sobriété pour l'eau, déclinée par grand bassin versant (mesure n° 9).
L'objectif posé est de réduire globalement les prélèvements de 10 % d'ici 2030. Pour le secteur agricole, cet objectif de sobriété consiste à ne pas augmenter les prélèvements à horizon 2030. Compte tenu de l'impact du changement climatique sur les différentes cultures et de la nécessité d'assurer la production agricole dont dépend l'alimentation, cet objectif autorise l'augmentation des surfaces irriguées, avec, en corollaire, une réduction de la consommation moyenne d'eau à l'hectare irrigué.
Cet objectif de sobriété est fixé à l'échelle nationale. Cela permet d'appliquer de façon différente cet objectif en fonction des filières et des territoires en prenant en compte les contraintes différentes que le changement climatique fait peser sur eux, leurs possibilités de réduction de la consommation d'eau et les besoins d'augmentation des surfaces irriguées qui diffèrent en fonction de chacun.
Enfin, le plan prévoit de massifier la valorisation des eaux non conventionnelles, y compris dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire. En accompagnement, les mesures n° 4 et 21 du plan eau prévoient des moyens spécifiques pour soutenir des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d'eau, irrigation au gouttes à gouttes, etc.), remobiliser et moderniser les ouvrages existants et développer de nouveaux projets dans le respect des équilibres des usages et des écosystèmes.
Enfin, la mesure n° 48 prévoit qu'un volet eau de France 2030 couvre l'ensemble de la chaîne de valeur et des usages liés à l'eau (gestion de la ressource brute, usage de l'eau, maîtrise de la donnée et de son analyse, traitement des eaux), comme soutien transversal aux innovations des entreprises françaises.
Enfin, afin d'adapter et accompagner l'agriculture face au changement climatique et suite aux annonces du Président de la République, l'État, en étroite concertation avec les régions et le monde agricole, a lancé le 7 décembre 2022 les travaux relatifs au pacte et au projet de loi d'orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture, destinés à assurer l'avenir de l'agriculture tout en accompagnant mieux le parcours de celles et ceux qui font le choix de s'engager dans les métiers agricoles.
La concertation lancée s'est poursuivie tout au long du premier semestre 2023. Elle s'est déroulée au niveau national, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en étroite association avec Régions de France, et au niveau régional, copilotée par l'État et les régions et mise en œuvre par les chambres régionales d'agriculture.
Cette concertation s'est articulée autour de quatre axes dont la transition et l'adaptation, en particulier face au changement climatique. Elle a abouti le 15 décembre 2023 à la présentation d'un pacte et d'un projet de loi d'orientation.