M. André Vallet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la présence, dans certaines librairies, bien connues des membres du milieu de l'extrême droite française, de livres pseudo-scientifiques à caractère raciste et antisémite. En effet, dans la mouvance d'un renouveau idéologique anachronique et indigne d'une République qui a trop suffisamment souffert dans sa chair de ses excès, un certain nombre de libraires proposent à la vente des ouvrages reprenant l'essentiel du fond de pensée nationaliste, voire national socialiste du début du siècle, auxquels s'ajoutent, aujourd'hui, ceux niant la réalité du génocide juif.
La France vient de connaître des heures sombres. La classe politique tout entière renvoi sur elle-même la responsabilité des dérapages auxquels nous assistons. Le ministre de l'intérieur recherche, quant à lui, les auteurs matériels des actes. Il lui demande quand la République mettra en oeuvre les moyens légaux dont elle dispose pour freiner l'activité endémique des responsable moraux du renouveau des thèses racistes et fascisantes.
L'article 24, alinéa 6 de la loi du 28 juillet 1881, dû à la loi du 1er juillet 1972, punit les auteurs d'incitation à la haine ou à la violence raciale. Mais le ministère public semble hésiter à entamer les poursuites. Les pratiques ci-dessus dénoncées révèlent la grave atteinte au principe d'égalité de tous les hommes devant la loi, reconnu dans notre République par les textes nationaux (Préambule de 1946, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) et internationaux (Convention des Nations unies du 21 décembre 1965, ratifiée par la France le 28 mai 1971).
Il l'interroge donc sur les mesures qu'il entendrait prendre pour mettre un terme au travail de propagande auquel se livrent ces librairies et les quotidiens nationaux de l'extrême droite. Il en va de la paix sociale, il en va également du respect de notre droit.
Réponse. - Le garde des sceaux peut assurer l'honorable parlementaire de sa ferme et constante volonté de combattre efficacement les diverses formes d'expressions de racisme, d'antisémitisme et de xénophobie. C'est pourquoi, bien que - jusqu'au vote de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 " tendant à réprimer tout acte raciste antisémite ou xénophobe " - la négation pure et simple de certains crimes nazis ne tombât pas directement sous le coup de la loi pénale, des poursuites ont été engagées lorsque les thèses " révisionnistes " s'exprimaient par des écrits ou des propos constitutifs des délits de provocation à la haine envers la communauté juive, d'injure ou de diffamation envers cette communauté.
Plusieurs condamnations ont été ainsi prononcées récemment à l'encontre de directeurs de publications révisionnistes qui se sont vu infliger des amendes élevées ou des peines d'emprisonnement ferme de plusieurs mois. La loi du 13 juillet 1990 précitée facilitera grandement la lutte contre les formes insidieuses de racisme, dans la mesure où elle érige en infraction pénale " le fait de contester l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité ".
Cette nouvelle incrimination, instituée par un article 24 bis introduit dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, permettra ainsi aux tribunaux de condamner à l'avenir les auteurs de thèses révisionnistes, même lorsque leurs écrits ou leurs discours ne caractériseront pas le délit de diffamation à l'égard de la communauté juive, ou celui de provocation à la haine raciale.
Le garde des sceaux est bien conscient de la nécessité de continuer à surveiller avec une extrême vigilance les publications tombant sous le coup de la loi nouvelle, ainsi que les librairies spécialisées dans leur diffusion, afin de pouvoir engager sans délai des poursuites pénales. Des instructions en ce sens ont récemment été données au procureur de la République de Paris.