M. Michel Larive attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les conséquences de l'application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La réforme de l'enseignement professionnel scolaire qu'il veut mettre en œuvre entend améliorer l'attractivité des lycées professionnels et construire une offre de formation mieux adaptée aux besoins des territoires et aux enjeux de l'avenir.
Elle a pour ambition d'améliorer le taux d'insertion professionnelle des jeunes diplômés, notamment en liant plus étroitement les enseignements généraux et professionnels, et de favoriser la poursuite d'étude de ceux qui le souhaitent, par la mise en place de parcours plus personnalisés et progressifs.
Pour atteindre ces objectifs, M. le ministre compte s'appuyer sur trois leviers principaux : la création de campus « nouvelle génération », des formations de pointe aux métiers de demain, et l'innovation pédagogique, comme moteur de réussite. Sur le papier, cette réforme semble aller dans le bon sens.
Elle promet de forger un meilleur avenir aux jeunes, et d'offrir au personnel enseignant des opportunités exaltantes pour exercer leur métier dans des conditions optimums. Toutefois le Conseil supérieur de l'éducation, ainsi qu'une partie importante de la communauté enseignante, ne l'entendent pas de cette oreille.
Dès la diffusion des premières propositions d'arrêtés concernant les grilles horaires relatives à l'organisation et répartition des enseignements pour les formations préparant au baccalauréat professionnel et au certificat d'aptitude professionnel, les organisations syndicales ont immédiatement pointé du doigt l'une des contradictions majeures de la réforme proposée, qui prétend vouloir améliorer la qualité des formations et garantir une meilleure insertion des jeunes diplômés, tout en réduisant de façon importante le nombre d'heures d'enseignements.
Selon ces mêmes organisations, cela se traduirait, pour les élèves préparant un baccalauréat professionnel sur 3 ans, à une perte de 42 heures en français-histoire-géographie (- 30 %), de 55 heures en mathématiques-science (- 24 %), de 77 heures en langue vivante 2 (- 28 %), et de 296 heures en matières professionnelles (- 25 %).
Pour les élèves préparant un certificat d'aptitude professionnelle sur 3 ans, la perte s'élèverait à 118 heures de français-histoire-géographie (- 50 %), à 117 heures en mathématiques-science (- 50 %), et à 310 heures en matières professionnelles (- 28 %). Cette diminution du volume horaire se traduirait dès septembre 2019 par la suppression d'environ 900 postes d'enseignants dans les lycées professionnels, sur les 2 500 prévues à terme.
Les heures de co-intervention et celles consacrées à la réalisation d'un « chef-d'œuvre », prévues par la réforme, ne compensent pas la diminution du volume horaire des enseignements et, quand bien même, ne sauraient s'y substituer. D'autant moins que les temps de concertation et de préparation nécessaires pour permettre aux binômes d'enseignants d'assurer ensembles certaines heures de cours n'est pas prévu, ou insuffisant, selon les organisations professionnelles.
Les enseignants expriment des craintes sérieuses que les choix opérés dans la réforme aboutissent à une dégradation de la qualité des formations proposées et donc à une diminution du niveau de compétences acquises à l'issu des cursus par les élèves, qui semble contradictoire avec l'objectif affiché de maximiser leur chances de réussir leur insertion professionnelle ou leur poursuite d'étude.
Autrement dit, « l'employabilité » de ces jeunes serait compromise, tout comme leur admission dans des établissements d'enseignement supérieur. À ce propos, M. le député se demande pourquoi annoncer la création de 2 000 « classes passerelles », pour permettre aux jeunes diplômés de se préparer à la poursuite d'études, si la réforme prévue garantit l'accès aux études supérieures ? Loin d'améliorer l'attractivité de la voie professionnelle scolaire, la diminution des dotations horaires pourrait encore aggraver son image de « voie de garage » et détourner au contraire les jeunes de ces formations.
Il souhaiterait qu'il lui explique comment il est possible d'améliorer le niveau de qualification des jeunes tout en leur proposant des formations plus courtes, avec globalement moins d'heures de cours et un encadrement réduit.
La transformation du lycée professionnel, vise une meilleure attractivité de la voie professionnelle, une adaptation des formations professionnelles aux enjeux économiques de demain et un accompagnement accru des élèves pour des parcours de réussite plus individualisés, plus diversifiés et une orientation progressive.
Elle s'appuie notamment sur : - des campus des métiers et des qualifications « nouvelle génération » ; - une offre de formation adaptée à la réalité économique et basée sur des familles de métiers en seconde professionnelle pour une spécialisation plus progressive ; - l'innovation pédagogique, pour consolider les compétences, mieux corréler enseignements généraux et professionnels et mieux préparer les jeunes à la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur ou l'insertion.
Elle s'articule autour de programmes rénovés qui permettront l'acquisition de compétences et connaissances solides, de nouvelles grilles horaires et modalités pédagogiques, et une personnalisation des parcours. Les grilles horaires nouvelles en CAP et en baccalauréat professionnel permettent à la fois une amélioration des conditions d'apprentissage pour les jeunes et une amélioration des conditions d'enseignement pour les professeurs grâce notamment à des modalités pédagogiques innovantes, et à une augmentation significative des possibilités de dédoublement.
Le volume horaire hebdomadaire des élèves, jusqu'à présent très lourd (33,5 ou 34,5 heures) passe à 30 heures, il se rapproche de l'horaire des élèves de la voie générale et technologique et leur donne la possibilité de suivre des enseignements facultatifs proposés dans l'établissement et de pratiquer d'avantage d'activités culturelles et sportives.
Toutes les disciplines de spécialités professionnelles et générales contribuent à cet allègement de l'emploi du temps, qui est pleinement compatible avec un niveau d'ambition élevé pour les lycéens professionnels. Les moyens sont redéployés au service d'une amélioration des conditions d'apprentissage et d'enseignement : - des heures de co-intervention, qui permettent aux élèves de s'approprier le sens des enseignements généraux dans un contexte et une perspective professionnels à même de renforcer leurs acquis.
- des temps consacrés à la consolidation des acquis, à l'accompagnement personnalisé et à l'accompagnement au choix d'une orientation permettent de répondre aux besoins particuliers de chaque élève et d'individualiser le parcours de chacun ; - la réalisation d'un chef d'œuvre, aboutissement d'un projet pluridisciplinaire qui vise à développer inventivité et créativité.
Ces modalités permettent une nouvelle motivation des élèves souvent en rupture avec des modes de transmission classiques et afin qu'ils s'approprient mieux le sens des enseignements généraux dans un contexte et une perspective professionnels. En CAP, la grille horaire prévoit par ailleurs des dédoublements facilités grâce à un seuil d'effectifs autorisant à enseigner en groupe à effectif réduit, abaissé à 18, au lieu de 19 auparavant.
En fonction des besoins et du niveau de l'élève, le parcours pourra désormais être adapté et le diplôme de CAP préparé en 1, 2 ou 3 ans. En baccalauréat professionnel, les enseignements sont organisés en une seule grille horaire, commune aux spécialités de services et de production. Afin de mieux prendre en compte la personnalisation des parcours des élèves et suivre la progressivité des apprentissages sur un cycle de trois ans, la nouvelle organisation pédagogique est annualisée.
Là encore, les possibilités de dédoublement sont améliorées grâce à un volume complémentaire d'heures-professeur qui augmente de deux heures en passant de 11,5 heures à 13,5 heures hebdomadaires en moyenne. La personnalisation des parcours est favorisée par la mise en place, en classe de terminale, de modules choisis par l'élève selon son projet : insertion professionnelle ou poursuite d'études.
De plus, les parcours sont valorisés avec la création d'une 2ème épreuve facultative qui facilite la mobilité à l'étranger et son extension au-delà de l'Europe : les élèves peuvent désormais effectuer tout ou partie de leur PFMP à l'étranger. Les heures de co-intervention des deux premières semaines de la rentrée (soit 8 heures professeurs) peuvent être dédiées à la concertation des professeurs co-intervenant.
L'organisation des groupes de travail reste liée à la liberté pédagogique des enseignants dans le cadre du projet d'établissement et des conseils d'enseignement, dans le respect des programmes tout en tenant compte des projets des élèves. Dans le cadre de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la mixité des parcours permet la flexibilité, la sécurisation et la prévention du décrochage.
Cette dernière est mise également en œuvre grâce au dispositif des classes passerelles qui est une année de préparation pour les bacheliers professionnels qui n'ont pas obtenu une réponse positive de Parcoursup alors qu'ils souhaitent poursuivre leurs études en STS. Le lycée professionnel garde ainsi sa vocation à être pour les élèves un tremplin vers une insertion immédiate dans la vie active ou vers des poursuites d'études réussies grâce à une meilleure articulation entre enseignements professionnels et enseignements généraux, et grâce à une complémentarité renforcée entre apprentissage et voie scolaire.