M. Bruno Bilde alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le ras-le-bol des surveillants pénitentiaires qui tirent une nouvelle fois la sonnette d'alarme. En effet, l'attentat terroriste survenu mardi 5 mars 2019 au sein de la prison de Condé-sur-Sarthe où deux gardiens ont été gravement blessés, a confirmé ce que tout le monde savait déjà et que l'administration judiciaire ne peut plus ignorer : le système carcéral français est dramatiquement inadapté pour accueillir des détenus radicalisés.
Plus grave, il constitue aujourd'hui une menace sérieuse et quotidienne pour la sécurité des personnels dont beaucoup se rendent au travail avec la peur au ventre. Pourtant en 2018, après une succession d'agressions et de tentatives de meurtre, un mouvement social de grande ampleur avait mis en lumière les graves dysfonctionnements des établissements pénitentiaires, les conditions de travail dégradées des personnels, la profonde déconnexion de la législation et l'insuffisance des moyens humains et matériels.
Ces dernières années, les violences et les attaques contre les agents pénitentiaires ont explosé du fait, notamment, de l'incarcération de 1 200 individus islamisés extrêmement dangereux. Depuis le 1er janvier 2019, on déplore 101 agressions sur les personnels qui ne peuvent plus exercer sereinement leur indispensable mission de service public.
Malgré les appels répétés des différents syndicats, rien n'a été fait pour traiter de manière spécifique cette population carcérale d'un nouveau genre. Les surveillants sont aujourd'hui confrontés à des individus qui poursuivent leur djihad en prison et à d'autres qui se radicalisent pendant leur peine.
L'objectif de ces islamistes n'est bien évidemment pas de se réinsérer mais de tuer les représentants de l'État français qui se trouvent à leur portée. Face à cette menace inédite, les surveillants sont vulnérables, ne pouvant plus procéder à des fouilles au corps ou contrôler les familles des détenus qui viennent en visite.
L'attentat de Condé-sur-Sarthe a révélé les limites des portiques qui ne détectent pas les armes en céramique notamment. Après cette énième attaque, les fonctionnaires de la pénitentiaire ne veulent plus entendre les promesses et les incantations qu'ils ont déjà entendues cent fois. Ils attendent des mesures immédiates et concrètes du Gouvernement pour éviter de nouveaux drames.
Pour répondre à l'urgence et empêcher la transformation des prisons en zones de guerre, il lui demande d'agir avec, premièrement, la mise en place d'un véritable régime dérogatoire au régime de droit commun pour les détenus radicalisés qui permettrait de décider des fouilles intégrales et systématiques à la sortie des parloirs, de refuser plus facilement des permis de visite, de menotter le détenu à chacune de sa prise en charge par les surveillants pénitentiaires ou encore de faire l'objet d'un contrôle par vidéosurveillance et d'un traitement de données personnelles si le chef d'établissement l'estime nécessaire.
Deuxièmement, il souhaite la classification des établissements pénitentiaires en fonction du profil des détenus et l'incarcération des individus radicalisés dans des structures spécifiques. Troisièmement, il demande le renforcement des équipements de sécurité pour les personnels (gilets pare-lame, taser, etc.).
- le développement de brigades cynophiles avec des chiens capables de détecter les armes et les munitions. Il lui demande également qu'elle s'oppose catégoriquement au retour des 130 djihadistes « français » dans le pays afin de ne pas démultiplier les risques d'attentats contre les surveillants pénitentiaires déjà pris pour cibles. Dans ce contexte, il serait criminel d'accueillir de nouvelles bombes à retardement.
Le renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires et des agents de l'administration pénitentiaire constitue une priorité absolue du garde des Sceaux, ministre de la Justice. A titre d'exemple, le Gouvernement a augmenté de près de 10 % le budget alloué à la sécurisation des établissements pénitentiaires en 2021, qui s'élève à 70 M €.
Au budget 2022, ce sont 100M€ qui sont dédiés à cette question dont 45 M€ pour la sécurisation des établissements et 20 M€ pour le déploiement du système d'alerte géolocalisé La prise en charge des personnes radicalisées en détention et la préparation de leur sortie sont des préoccupations majeures du ministre de la justice et qui mobilisent l'administration pénitentiaire contre le défi du terrorisme islamiste en prison.
Au 1>er> octobre 2021, 454 détenus pour terrorisme islamiste (TIS) et 637 détenus de droit commun suivis pour radicalisation (DCSR) sont recensés dans les détentions. Par ailleurs, 93 détenus signalés au titre de la radicalisation sont en cours d'évaluation. Une stratégie globale a été adoptée face au défi de la radicalisation violente : la détection des détenus radicalisés, leur évaluation, et leur orientation dans des quartiers adaptés afin d'individualiser leur prise en charge, qu'ils soient condamnés pour des faits de nature terroriste ou de droit commun.
En milieu fermé, la direction de l'administration pénitentiaire généralise actuellement les modalités de prise en charge spécifiques des personnes détenues radicalisées, terroristes ou de droit commun, expérimentées depuis 2015. Ces actions sont développées à travers plusieurs dispositifs consacrés par le plan national de prévention de la radicalisation : grilles de détection de la radicalisation, programmes de prévention de la radicalisation violente, quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) et quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR).
En pratique, chaque établissement pénitentiaire procède en premier lieu à l'évaluation des détenus radicalisés, dans le cadre de commissions pluridisciplinaires uniques, instance pluridisciplinaire centrale dans le repérage, l'évaluation et la construction d'un plan d'accompagnement adapté. Les chefs d'établissement et les directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation peuvent toutefois solliciter, pour les situations les plus complexes qui nécessitent une évaluation plus fine et plus intensive, une évaluation en QER.
L'objectif des QER est de mesurer le niveau de radicalité des détenus TIS et des détenus DCSR, et d'apprécier leur dangerosité afin de déterminer les modalités de prise en charge adaptées au profil de la personne détenue. En complément des trois QER de région parisienne (maisons d'arrêt d'Osny et de Fleury-Mérogis et centre de détention de Fresnes), la direction de l'administration pénitentiaire a procédé à l'ouverture de quatre QER supplémentaires au sein du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil depuis 2018.
L'administration pénitentiaire dispose ainsi de sept QER, correspondant à une capacité d'évaluation annuelle de 273 personnes. En outre, un QER pour les détenues femmes est en phase finale de programmation au centre pénitentiaire de Fresnes. Les détenus évalués comme prosélytes et susceptibles de violence, et par ailleurs accessibles à une prise en charge collective, sont affectés dans des QPR.
La création de ces quartiers sécurisés de prise en charge s'inscrit dans une double optique de cantonnement des personnes détenues radicalisées violentes et de déploiement du désengagement. A l'instar des QER, une équipe pluridisciplinaire spécifiquement formée est affectée dans ces quartiers. L'administration pénitentiaire disposait au 31 décembre 2020 de quatre QPR au sein des établissements pénitentiaires de Paris-La Santé, Condé-sur-Sarthe, Lille-Annœullin et Aix-Luynes, correspondant à 151 places. 19 places supplémentaires ont été ouvertes depuis avec la création du QPR de Nancy-Maxéville le 19 janvier 2021.
Avec la livraison du QPR de Bourg-en-Bresse intervenue le 24 mai 2021, l'administration pénitentiaire dispose d'une capacité de 188 places. En outre, un QPR femmes est en phase finale de programmation au centre pénitentiaire de Rennes. En milieu ouvert, outre le suivi rapproché développé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation concernant les personnes sous main de justice radicalisées, le dispositif PAIRS (plateforme d'accompagnement individualisé de réaffiliation sociale) est déployé depuis 2016.
Il s'agit de centres de prise en charge individualisée pour personnes radicalisées sous main de justice. Quatre centres de ce type ont été créés à Paris et Marseille en 2018 et à Lyon et Lille en 2019. Ils permettent un accompagnement vers le désengagement de l'idéologie violente en identifiant les facteurs ayant conduit au basculement ainsi que les points de rupture.
Les individus radicalisés font l'objet d'un suivi spécifique par le renseignement pénitentiaire. Depuis le 15 juin 2019, ce service est structuré sous la forme d'un service à compétence nationale, le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP), placé sous l'autorité directe du directeur de l'administration pénitentiaire.
Il est organisé en un réseau réparti selon trois échelons : un échelon central, dix cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire et des délégations locales du renseignement pénitentiaire en établissement. Au 1>er> février 2021, le SNRP compte 330 emplois, incluant deux officiers de liaison issus de services partenaires du ministère de l'intérieur.
Des correspondants locaux du renseignement pénitentiaire, au nombre de 154 en établissements pénitentiaires et de 79 en services pénitentiaires d'insertion et de probation, contribuent également aux missions du SNRP. Par ailleurs, le ministère de la Justice a engagé, depuis 2017, une politique globale de lutte contre les violences dont l'objectif est de prévenir le passage à l'acte violent et prendre en charge les auteurs de violences en détention.
Au 1er janvier 2021, 7 unités pour détenus violents ont été mises en service dans les établissements de Lille-Sequedin, Strasbourg, Marseille, Châteaudun, Fleury-Mérogis, Rennes Vezin et Toulouse-Seysses, pour un total de 59 places. Trois nouvelles unités doivent ouvrir en 2021 à Baie-Mahault, Lyon-Corbas et Uzerche.
Un premier bilan national a été réalisé à l'occasion du comité de pilotage national qui s'est tenu le 25 novembre 2020, soit près d'un an après les premières ouvertures : 34 personnes détenues ont été prises en charge en unités pour détenus violents en 2019 et 60 en 2020. Sur le plan des pratiques professionnelles en matière de sécurité, la réglementation des fouilles réalisées en établissement a été considérablement adaptée aux nouveaux enjeux de la sécurité pénitentiaire par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice.
Sans revenir sur les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité des fouilles intégrales, l'article 57 de la loi pénitentiaire élargit le périmètre des fouilles intégrales, comme le détaille la circulaire d'application du 15 juillet 2020. En premier lieu, les chefs d'établissement peuvent décider de la fouille intégrale systématique d'une personne détenue à son arrivée ou lors d'un retour à l'établissement (par exemple, après une extraction ou une permission de sortir), dès lors qu'elle n'est pas restée sous la surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de police ou de gendarmerie.
En deuxième lieu, les chefs d'établissement peuvent prendre une décision individuelle de fouille intégrale si elle est justifiée par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement.
Il peut s'agir, soit d'une décision ponctuelle de fouille intégrale programmée ou inopinée, soit d'un régime de fouilles intégrales systématiques pour une durée déterminée lorsque les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire l'imposent. Cela peut donc être le cas pour un détenu TIS ou DCSR particulièrement dangereux.
En troisième lieu, les chefs d'établissement peuvent ordonner des fouilles non individualisées dans des lieux et pour une période déterminée, indépendamment de la personnalité des personnes détenues, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de soupçonner l'introduction au sein de l'établissement pénitentiaire d'objets ou de substances interdits, ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens.
S'agissant en revanche des fouilles par palpation, elles ne nécessitent aucun formalisme particulier et peuvent être mises en œuvre en toutes circonstances, tout comme l'utilisation du matériel électronique de détection. Concernant les personnes extérieures à l'établissement, il est prévu que toutes les personnes accédant à un établissement pénitentiaire doivent se soumettre aux mesures de contrôle par les moyens de détection électronique.
En cas de doute spécifique, elles peuvent également être soumises à des palpations de sécurité. L'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 prévoit ainsi que les personnes autres que les personnes détenues, à l'égard desquelles existent une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire, peuvent faire l'objet d'une fouille par palpation, avec leur consentement.
En cas de doute persistant, l'accès à l'établissement est refusé. Ce dispositif apparait comme assurant un juste équilibre entre sécurité et respect de la dignité des personnes venant visiter un proche incarcéré. Afin de compléter ces dispositifs de sécurité active contre l'introduction d'objets illicites, des portiques à ondes millimétriques ont été installés depuis 2011.
Il en existe actuellement onze dans plusieurs maisons centrales et quartiers maisons centrales (Lannemezan, Saint-Maur, Moulins, Clairvaux, Condé-sur-Sarthe, Arles, Sud Francilien, Vendin-le-Vieil, Lille-Annœullin, Valence) ainsi qu'au centre pénitentiaire de Fresnes. Compte tenu du coût de ces équipements, de leur relative fragilité et des contraintes liées à leur utilisation, le marché n'est pas renouvelé en 2021.
Les contrats de maintenance et de formation des personnels pour l'utilisation des portiques existants sont toutefois maintenus. La technologie proposée par ces portiques permet de visualiser à l'écran la présence d'objets métalliques, plastiques, liquides et en papier, y compris lorsqu'ils sont dissimulés entre les vêtements et la peau de la personne.
La direction de l'administration pénitentiaire est actuellement à la recherche de dispositifs innovants, permettant de satisfaire de manière plus efficiente ses besoins en termes de sécurité, comme la lutte contre l'usage de couteaux en céramique. Une réflexion est menée autour de technologies portatives ou mobiles permettant une plus grande flexibilité dans les missions des personnels au quotidien.
L'expérimentation d'un nouvel appareil devrait intervenir à brève échéance à Condé-sur-Sarthe. En outre, la généralisation des gilets pare-lame et des gants anti-coupure, afin de renforcer l'équipement de protection des surveillants, est en voie d'achèvement : après une première livraison fin 2018, l'ensemble des établissements bénéficient de la dotation complète en gilets pare-lame depuis août 2021.
S'agissant des gants, la généralisation de la dotation s'est déroulée sur l'année 2019. La dotation de ces deux équipements se fait dorénavant au bénéfice de tous les surveillants, et ce, dès leur entrée à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire. Par ailleurs, les tenues pare-coups ont été renouvelées.
Plus de 1 730 tenues d'intervention (de type maintien de l'ordre) ont été livrées dans les établissements entre fin 2018 et 2020. Ces équipements ont permis de remplacer les tenues vieillissantes et d'augmenter la dotation dans les établissements où elles étaient insuffisantes. Il convient également d'indiquer que pour renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires, des brigades cynotechniques ont été implantées à Toulouse en 2011 et à Lyon en 2015.
S'agissant de la troisième base prévue à Rennes, elle a fait l'objet d'un consensus sur le choix du terrain fin 2019 et la convention de transfert de terrain a été signée. Cette base constitue une priorité de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes en 2021 et son entrée en service doit intervenir dans les prochaines années.
Chaque base dispose de chiens spécialisés dans trois domaines : la recherche de stupéfiants et de monnaie fiduciaire, la recherche d'armes et de munitions, la recherche de matière explosive. Il s'agit de chiens renifleurs, non-formés au mordant. Ces unités couvrent l'ensemble du territoire national et réalisent de très nombreuses missions en établissement.
L'utilisation de chiens en lieu et place des portiques de détection à ondes millimétriques se heurte toutefois à quelques obstacles : il n'existe pas de chien formé pour la recherche sur personne puisque cette spécialité n'est pas dispensée par le centre de formation des unités cynophiles de la police nationale et fait face à des contraintes d'ordre juridique.
S'agissant de l'affectation des personnes détenues en établissement en fonction de leur profil, la direction de l'administration pénitentiaire travaille actuellement à une classification des établissements pénitentiaires en fonction de différents critères. Enfin, s'agissant des personnes revenues d'une terre de djihad écrouées sur le sol français, comme toutes les personnes détenues pour faits de terrorisme, elles font l'objet d'une évaluation systématique en détention afin de définir leurs modalités de prise en charge en fonction de leur profil, de leur dangerosité et du niveau de leur radicalité.
Un suivi pluridisciplinaire intensif est par ailleurs mis en œuvre les concernant, incluant notamment un volet de désengagement, de réaffiliation et une préparation active de leur libération. La continuité de la prise en charge de ces profils en milieu ouvert, le cas échéant, fait également l'objet d'une préparation au minimum six mois avant la libération, notamment à l'occasion de commissions pluridisciplinaires au cours desquelles est dressé un bilan du parcours de détention et est défini le plan d'accompagnement à la sortie.
Une note de signalement en fin d'incarcération est également diffusée systématiquement par le service national du renseignement pénitentiaire aux autres services de renseignement compétents avant la libération de chaque personne suivie pour des faits de terrorisme.