M. Christophe Lejeune interroge Mme la ministre de la culture sur la sauvegarde du patrimoine pédagogique des anciennes écoles normales d'enseignants. Les écoles normales d'instituteurs et d'institutrices, tout comme les IUFM, ont disparu des organigrammes du ministère de l'éducation nationale. Après plus d'un siècle et demi d'existence officielle, ces institutions se sont dotées d'une épaisseur historique et patrimoniale qui a suscité, certes, quelques travaux, mais réserve encore aux chercheurs d'innombrables chantiers potentiels.
Le caractère hautement symbolique des écoles normales a conduit les chefs d'établissements à en conserver pieusement les archives plutôt que de les verser, comme la loi en fait obligation, aux dépôts départementaux. Or ces institutions ont connu, ces dernières années, nombre de vicissitudes. Quelques-unes ont été purement et simplement vendues par leurs anciens propriétaires (le département).
Quelquefois, il n'a été question que d'une simple dévolution à l'État (on y a installé une antenne universitaire ou les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l'éducation) ou à une autre collectivité territoriale (pour créer un nouveau lycée, par exemple). Dans d'autres cas, le bâtiment du XIXe siècle a fait l'objet d'une opération foncière complexe, voire a été l'objet d'une stricte opération immobilière.
Les archives des anciennes écoles normales, les fonds anciens de leurs bibliothèques, les collections de leurs cabinets scientifiques, les objets scolaires soigneusement conservés sont en grand danger. Lors de la création des instituts de formation des maîtres (IUFM) dans le cadre de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, la question du devenir du patrimoine des anciennes écoles normales d'instituteurs et d'institutrices aurait dû faire l'objet d'une préoccupation au niveau national, portée notamment par l'institut national de recherche pédagogique (INRP).
Les fonds d'archives, dans ces institutions, livres, revues, travaux d'élèves, films, photographies, l'ensemble du mobilier pédagogique, matériel d'optique, animaux empaillés, herbiers accumulés pendant des décennies constituent aujourd'hui un patrimoine inestimable, témoin de l'histoire de l'éducation française.
En 1988, une enquête a bien été lancée auprès des directeurs d'écoles normales pour identifier et repérer les fonds antérieurs à 1945. Quelques inventaires ont été réalisés dans les années 90 au niveau des académies. Pour autant, les bibliothèques d'IUFM n'ont jamais reçu de mission légale de conservation de ces documents.
Dans ce domaine, c'eût été le rôle du CRDP et de la bibliothèque de l'Institut national de recherche pédagogique. Le rattachement des IUFM aux universités à partir de 2007, dans le cadre de l'application de la loi d'orientation et de programme du 23 avril 2005, a eu pour conséquence l'intégration du patrimoine documentaire des IUFM aux SCD des universités.
Ce processus n'a cependant pas permis de consolider la prise en charge et la visibilité de ces collections : traitement physique des ouvrages dans des conditions plus adaptées et avec un personnel en nombre ; signalement systématique et intégration au catalogue collectif national du système universitaire de documentation (SUDOC), etc. et surtout de les sécuriser sur le plan institutionnel, dans le contexte de la réforme dite de la « masterisation ».
Cette « masterisation » a provoqué la fermeture de nombreux IUFM. Le démantèlement passé et en cours de ces anciennes écoles normales d'institutrices et d'instituteurs pose le problème de la conservation et de la valorisation de ce patrimoine en déshérence. Il reste également à espérer que ces documents puissent bénéficier d'un classement plus scientifique, avec l'aide de techniciens des archives ou des musées pédagogiques, afin d'en permettre la consultation par un public de chercheurs.
En l'absence d'un recensement, on assiste aujourd'hui à la dilapidation de ce patrimoine : pilonnage d'ouvrages anciens, dispersion ou destruction de mobilier, vol, sont le lot commun de la fermeture à marche forcée de ces établissements. Certains de ces fonds sont stockés dans des conditions telles qu'ils condamnent à terme les ouvrages à leur destruction.
Les conséquences de cette situation et de ces pillages sont irréversibles. L'évolution du dispositif de formation des enseignants et la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) au sein de l'université n'ont toujours pas permis de stopper la dilapidation de ce patrimoine.
Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour recenser, préserver et valoriser le patrimoine que constituent les fonds et le mobilier pédagogiques des anciens IUFM en cours de démantèlement. Il lui demande en particulier quelles mesures elle entend prendre pour inciter les nouveaux chefs d'établissements entrés en possession d'un patrimoine à effectuer tous les versements nécessaires aux archives départementales et à se mettre en relation avec les bibliothèques universitaires pour envisager les moyens de conserver les objets didactiques anciens qui sont entre leurs mains.