M. Stéphane Mazars alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la sècheresse précoce qui touche l'ensemble du territoire national et ses conséquences économiques préoccupantes pour l'agriculture française. Le déficit pluviométrique et la récurrence des épisodes caniculaires constatés depuis avril 2022 laissent craindre une grave situation de crise d'ici la fin du mois d'août 2022.
Dans le département de l'Aveyron, cela fait déjà plusieurs semaines que les éleveurs ont puisé dans les stocks de fourrages d'hiver pour nourrir leurs bêtes. S'ajoutent à cela des pertes de récoltes très importantes, estimées entre 50 et 70 %, par rapport à une année normale. Face aux effets néfastes du changement climatique, la résilience de l'agriculture française n'est plus une option.
C'est une urgence pour la survie des exploitations, la pérennité des productions et la capacité collective à satisfaire les besoins alimentaires du pays.Il lui demande donc de bien vouloir préciser les leviers que le Gouvernement entend actionner à très court, moyen et plus long terme pour relever ce véritable défi dont dépend directement l'avenir des territoires ruraux.
Et pour répondre au plus près des besoins du monde agricole et à la nécessité de sécuriser les productions, il l'interroge tout particulièrement sur une simplification des procédures permettant la création de retenues collinaires.
L'agriculture est l'un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques, et il est important de réduire sa vulnérabilité à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. En témoignent les conséquences de la sécheresse qui depuis plusieurs années touche de nombreux départements.
À très court terme, face à ce phénomène persistant de sécheresse, le Gouvernement met en place de nouvelles mesures de soutien qui permettent de renforcer les aides pour les agriculteurs et d'apporter de la visibilité sur les soutiens à venir : - mobilisation du régime des calamités agricoles pour les cultures éligibles ; - renforcement des avances versées dans le cadre de la politique agricole commune en octobre ; - mobilisation des dispositifs de droit commun comme les exonérations de taxe sur le foncier non-bâti et de cotisations sociales ; - adaptation de règles pour faire preuve de résilience face à la situation climatique comme des dérogations pour les cultures dérobées au niveau préfectoral ou des ajustements des cahiers des charges pour les appellations d'origine contrôlée (AOP) ; - suivi renforcé pour anticiper des potentielles difficultés notamment dans les filières d'élevage avec, par exemple, la disponibilité en fourrage et alimentation animale pour l'hiver.
S'agissant des leviers que le Gouvernement entend mettre en place à moyen et long termes, les travaux du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique se sont achevés le 1er février 2022, actant un certain nombre d'actions à mettre en œuvre collectivement afin d'anticiper les effets du changement climatique sur l'agriculture pour mieux la protéger et s'adapter.
D'un point de vue réglementaire, le décret relatif à la gestion quantitative de la ressource hors période de basses eaux est paru le 29 juillet 2022. Il donne la possibilité d'évaluer les volumes pouvant être disponibles pour les usages anthropiques, notamment dans le but de constituer des réserves pour les besoins d'irrigation à l'étiage.
Par ailleurs, un additif à l'instruction relative à la mise en œuvre des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) du 7 mai 2019 est prévu pour l'automne. Il a comme objectif de faciliter la mise en œuvre opérationnelle des PTGE, depuis la mise en place de la gouvernance, l'élaboration du programme d'actions jusqu'à l'accompagnement par les services de l'État de chacune des étapes clés du PTGE, et de préciser le rôle de l'État en cas de blocages persistants.
Viendra s'y adosser un guide de mise en œuvre des PTGE à destination des porteurs de projets, à paraître d'ici la fin de l'année 2022. Il est à noter que concernant les modalités administratives de constitution de réserve d'eau, elles relèvent de la loi sur l'eau, sous la responsabilité du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Celle-ci encadre le risque d'impact sur la ressource en eau lors de la création d'ouvrages. À ce titre, le régime d'autorisation « loi sur l'eau » introduit déjà une forme de proportionnalité, en établissant des seuils en deçà desquels un simple dossier de déclaration suffit. Ces évolutions réglementaires doivent permettre de faciliter l'avancement des démarches locales et la mise en œuvre des programmes d'actions.
Les filières, qui ont un rôle prégnant dans ces processus, se sont toutes engagées au travers d'une charte, afin de finaliser d'ici la fin de l'année 2022 leur stratégie d'adaptation au changement climatique et de mettre en place un plan d'actions d'ici à 2025. Leurs travaux seront suivis par FranceAgrimer.
Réduire la vulnérabilité de l'agriculture face aux effets du changement climatique passe aussi par l'accès aux ressources mobilisables pour l'agriculture sur le long terme. Pour ce faire, plusieurs actions sont en cours, faisant suite aux conclusions du Varenne : - mobilisation des retenues existantes : une mission interministérielle est en cours sur le bassin Loire-Bretagne, et une à venir sur le bassin Rhône-Méditerranée, visant à optimiser les usages, notamment agricole, dans la gestion des retenues hydroélectriques ; - optimisation des ouvrages existants : lancement d'ici fin 2022 d'un inventaire exhaustif des retenues d'eau en France et un suivi des volumes stockés par méthodes satellitaires en lien avec le centre national d'études spatiales (CNES) ; lancement d'un appel à manifestation d'intérêt pour la sélection d'une dizaine de territoires pilotes pour explorer les voies de remobilisation des volumes stockés non-utilisés.
Plusieurs dispositifs sont déployés, qui permettent d'accompagner financièrement ces actions : - appel à manifestation d'intérêt « démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires », doté de 152 millions d'euros (M€) sur 5 ans destiné à des acteurs de territoire portant des projets d'innovations tant technologiques qu'organisationnelles ; - appel à projets « résilience et capacités agroalimentaires 2030 », doté de 300 M€, destiné à des collectifs d'acteurs et visant notamment des projets permettant à l'échelle de filières spécifiques des solutions techniques issues du Varenne ; - appel à projets « financement des préséries d'agroéquipements automatisés ou intelligents » doté de 25 M€, destiné aux acteurs de l'amont et qui vise à les soutenir dans la fabrication et les essais ; - dispositif d'aide aux agriculteurs pour le financement notamment d'outils d'aide à la décision en matière d'irrigation et de lutte contre la sécheresse : un premier guichet doté de 20 M€ a été ouvert en avril.
Un second guichet, doté de 20 M€ supplémentaires sera ouvert très prochainement ; - appel à manifestation d'intérêt afin de définir une liste de matériels, de solutions et d'équipements innovants et performants dont l'acquisition pourra faire l'objet d'un soutien public via de futures mesures guichets.
Afin d'assurer la continuité de la dynamique du Varenne, un délégué interministériel, nommé par les deux ministres chargés de l'agriculture et de l'écologie, est chargé du suivi des actions et de l'avancement des travaux engagés. Il est entouré, pour ce faire, d'une équipe de plusieurs collaborateurs.