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Secteur du vitrail en France

Question écrite de M. Kévin Mauvieux - Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Question de M. Kévin Mauvieux,

Diffusée le 5 juin 2023

M. Kévin Mauvieux alerte Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'impact potentiel de la directive sur les agents agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMRD) (directive n° 2004/37/CE) révisée par la Commission européenne sur le secteur du vitrail en France. Cette directive vise à réduire la valeur d'exposition professionnelle (VLEP) et la valeur limite biologique (VLB) liées aux agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, notamment le plomb, utilisé massivement dans le secteur du vitrail.

La Commission propose des changements substantiels qui auront des répercussions considérables sur ce secteur traditionnel. Ces propositions incluent notamment une diminution significative de la VLEP et de la VLB, ainsi que l'introduction d'une valeur biologique guide spécifique pour les femmes en âge de procréer.

Le secteur du vitrail, constitué majoritairement de très petites entreprises (TPE), soulève des inquiétudes légitimes face à ces propositions. Il y a des préoccupations majeures quant à la capacité de ces entreprises à s'adapter aux nouvelles normes en raison de leurs contraintes financières et du manque de substituts viables au plomb.

En outre, il a été souligné que l'abaissement proposé de la VLB pourrait entraîner un problème de recrutement, en raison du nombre important de femmes employées dans ce secteur qui pourraient être contraintes d'arrêter de travailler si elles ne peuvent pas atteindre les nouvelles limites. Par conséquent, M. le député sollicite l'intervention de Mme la ministre afin de demander un soutien financier et un délai plus long pour la mise en œuvre des nouvelles directives.

Une transition trop rapide pourrait en effet menacer la survie de ces entreprises et du patrimoine français en matière de vitraux. Il souhaiterait savoir quelles mesures le ministère envisage de prendre pour assurer la survie de ce secteur essentiel et empêcher la disparition d'un savoir-faire ancestral.

Réponse - Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Diffusée le 11 septembre 2023

L'impact, pour le secteur du vitrail, des négociations européennes autour des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) et biologique (VLB) du plomb et de ses composés inorganiques dans le cadre de la mise à jour de la directive 2004/37/CE relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes ou à des substances reprotoxiques au travail (CMRD), fait l'objet, depuis 2021, de discussions au sein du comité consultatif pour la santé et la sécurité au travail (CCSST) de la Commission européenne.

Le ministère du travail, du plein-emploi et de l'insertion est chargé du suivi des négociations de cette directive. Ses services sont en contact étroit avec le ministère de la culture et le secteur des métiers d'art et du patrimoine (cristallerie, vitrail, instruments de musique, sculptures, peintures murales, couvertures et maçonnerie du patrimoine bâti) afin de prendre en compte les particularités de ces secteurs qui comprennent de nombreuses TPE et PME et des métiers très féminisés notamment s'agissant du cristal ou du vitrail.

Dans certains domaines, le plomb reste employé pour ses propriétés mécaniques, esthétiques et sa durabilité. Des échanges très récents, en juin et juillet 2023, ont eu lieu sur la proposition de directive de la Commission européenne et sur les amendements du rapporteur du Parlement européen. En effet, dans le contexte du nouveau Cadre stratégique sur la santé et la sécurité au travail (2021-2027), la Commission s'était engagée à mettre à jour les valeurs limites de protection des travailleurs pour le plomb.

Les changements issus de la proposition de directive sont cruciaux pour protéger les travailleurs dans le contexte de transition climatique et de mise en œuvre de l'objectif européen de neutralité carbone dans lequel le plomb est susceptible d'être utilisé respectivement dans la production de batteries et dans les processus visant à rendre les véhicules électriques plus légers, dans les éoliennes ou les matériaux isolants utilisés pour la rénovation de bâtiments.

Pour rappel, le plomb et ses composés inorganiques peuvent notamment affecter la fertilité, nuire au développement du fœtus sans effet de seuil et endommager le système nerveux, les reins, le cœur et le sang des personnes exposées et est suspecté de provoquer des cancers. Les avis scientifiques de l'Agence nationale sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), rendus en 2019 et 2022, du Haut conseil de santé publique (HCSP) en 2021, et de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de 2020 s'accordent pour recommander un abaissement significatif des VLEP et VLB actuelles et demandent une vigilance particulière pour les femmes en âge de procréer.

C'est à la lumière de ces différents enjeux qu'a été portée, en concertation avec l'ensemble des ministères concernés, une position équilibrée au Conseil de l'UE visant tant à améliorer la protection des travailleurs qu'à préserver l'accès de ces métiers aux femmes. La France a, en particulier, soutenu une application progressive des dispositions pour donner le temps aux entreprises d'adapter les postes de travail et de rechercher des alternatives lorsque cela est possible.

A également été porté le souhait de ne pas inclure une valeur biologique guide pour les femmes, qui aurait pu aboutir à leur interdire l'accès à ces métiers, en contrepartie d'un renforcement de leur suivi médical. Par ailleurs, puisque l'élimination du plomb présent dans le corps d'un travailleur est un phénomène lent, de plusieurs mois à plusieurs années, il est acquis qu'à l'entrée en application des dispositions de la future directive et quel que soit le niveau retenu, un nombre important de travailleurs préalablement exposés conserveront une plombémie (concentration de plomb dans le sang) supérieure à la nouvelle VLB.

C'est pourquoi le gouvernement français a défendu avec succès au Conseil le fait de permettre auxdits travailleurs de rester en poste si la surveillance médicale conclut à une diminution constante de cette plombémie. Cette position plus équilibrée permet de préserver à la fois la santé des travailleurs et leur emploi.

Concernant les soutiens financiers, des dispositifs existent déjà auprès des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) pour conseiller et financer la mise en place d'équipements de protection des travailleurs. Enfin, les ministères de la culture et du travail sont particulièrement attentifs aux mesures de prévention des risques sur les chantiers et en ateliers.

Les différentes directions ministérielles travaillent activement, en lien avec les organismes de prévention et les organisations professionnelles concernées, à la révision des outils et guides d'accompagnement des entreprises dans l'objectif de faciliter la mise en œuvre des mesures de prévention applicables sur un chantier en présence de plomb.

Le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, en liaison avec les autres départements ministériels concernés, continuera de porter la recherche d'un compromis équilibré avec le Parlement lors des trilogues à venir à l'automne prochain sous la Présidence espagnole du Conseil européen.

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