M. André Vezinhet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation de Lunel, quatrième ville du
département de l'Hérault, s'agissant des moyens dont elle dispose pour assurer la sécurité publique.
Mon collègue Claude Barral, maire et conseiller général du canton de Lunel, a déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de
vous saisir de ce sujet : par courrier, en rencontrant le directeur de la sécurité publique au ministère et lors d'une journée
de travail que vous avez bien voulu organiser à Paris le mois dernier.
La ville de Lunel, chef-lieu d'un canton de 40 000 habitants, composé de treize communes, et qui compte à ce jour, à la
suite du recensement complémentaire intervenu à la fin de 1997, une population de 21 500 habitants, n'est pas dotée
d'une police d'Etat.
La commune relève de la brigade territoriale de la gendarmerie nationale, composée de vingt-huit gendarmes pour 40 000
habitants. Le sentiment général manifesté par les treize maires concernés est que l'Etat n'exerce pas, faute de moyens mis
à disposition des collectivités locales, sa mission de sécurité publique. Cette analyse est partagée par la population et se
double d'un sentiment manifeste d'insécurité, malgré la prise en charge du problème par la ville de Lunel. En effet, celle-ci
est contrainte de pallier cette carence par le recours à une police municipale, aujourd'hui forte de vingt-huit agents, armés
et patrouillant de nuit. L'importance de cet effectif n'est pas sans répercussion sur le budget communal puisque son
financement représente, toutes prestations confondues, sept millions de francs par an, soit l'équivalent de treize points de
fiscalité.
Connaissant bien la situation de ce canton de l'est héraultais, j'appuie totalement, monsieur le ministre, cette demande
réitérée, au nom de l'équité républicaine, que soit créée une police urbaine d'Etat dans cette ville qui dépasse le seuil des
20 000 habitants prévu par les textes.
J'ajoute que Lunel a pour caractéristique d'être classée en zone d'éducation prioritaire, d'avoir des quartiers classés en
zone urbaine sensible et en zone de revitalisation urbaine, et de bénéficier d'un contrat de prévention de la délinquance. Il
faut également relever que 35 % de la population a moins de vingt-cinq ans et que le taux de chômage est de 25 %, voire
de 40 % chez les jeunes de moins de trente ans.
Le préfet de l'Hérault vous a également confirmé, monsieur le ministre, la nécessité pour Lunel de bénéficier d'un contrat
local de sécurité.
Il n'est pas question ici de nier l'action et l'efficacité de la brigade de gendarmerie. Mais comme celle-ci concentre
l'essentiel de son activité sur Lunel, les maires du canton se plaignent de l'absence de gendarmes sur leur territoire et
constatent que la délinquance a tendance à se déplacer vers la périphérie. Il est bien évident, dans ces conditions, que
l'implantation d'un commissariat de police nationale permettrait le redéploiement des interventions de la brigade territoriale
de gendarmerie sur les douze autres communes du canton.
J'insiste, monsieur le ministre, sur la justesse et la légitimité de cette revendication. Pouvez-vous me donner et donner aux
élus locaux concernés l'assurance qu'ils ont bien été entendus et que le ministère de l'intérieur répondra positivement et
dans les meilleurs délais à leur attente ? Je suis d'ailleurs persuadé que votre réponse serait bien utile à d'autres
collectivités qui connaissent une situation semblable à celle de Lunel.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous exprimez le souhait de voir instaurer
le régime de la police d'Etat à Lunel.
Les modalités d'instauration du régime de la police d'Etat sont désormais définies - vous le savez - par un décret publié le
21 septembre 1996 en application de l'article 8 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
Ce texte soumet la possibilité d'étatisation à une double condition. Premièrement, la commune, ou l'ensemble de
communes constituant l'agglomération et qui pourraient être appelées à devenir circonscription de police, doit compter
plus de 20 000 habitants, vous l'avez dit. Deuxièmement, la délinquance constatée doit présenter des caractéristiques
analogues à celle des zones urbaines.
Ces deux conditions réunies, l'étatisation demeure une éventualité qui doit être confrontée aux conditions humaines,
techniques et financières de faisabilité.
En ce qui concerne l'existant, en particulier l'insuffisance des moyens humains que vous évoquez, j'appelle votre attention
sur le fait que la brigade territoriale de la gendarmerie nationale est l'une des composantes de la compagnie de
gendarmerie départementale, qui a été créée dans cette commune en 1995, et que les effectifs qui y sont affectés s'élèvent
à deux officiers, quarante-neuf sous-officiers et dix-neuf gendarmes auxiliaires. Monsieur le sénateur, j'ai bien entendu
votre préoccupation. Vous souhaitez que la gendarmerie opère davantage dans les zones rurales, ce qui est naturellement
sa vocation, et même dans les zones suburbaines où, me dites-vous, la délinquance a tendance à se déplacer, étant donné
que les moyens de la gendarmerie seraient essentiellement affectés à Lunel.
Je me suis penché sur le cas de Lunel. Il apparaît que le dispositif mis en oeuvre par la gendarmerie nationale a permis une
baisse de 19,4 % de la délinquance constatée dans cette ville en 1997, baisse supérieure à celle qui a été observée sur
l'ensemble du département de l'Hérault, à savoir 7,85 %, et à celle des crimes et délits enregistrés par la police nationale
en zone étatisée à savoir 5 %.
Tout cela pose évidemment le problème de l'adéquation des moyens à l'ensemble de la zone couverte et à ses 40 000
habitants. C'est un problème qu'il faut signaler au ministère de la défense ; je vais m'y employer.
La mission confiée à M. le sénateur Hyest et à M. le député Carraz a précisément pour objet de réviser, en fonction de
l'évolution des priorités, la répartition des compétences territoriales entre les forces de police et de gendarmerie, mais
également, je le souligne, le redéploiement des moyens. Il faut que cette mission parlementaire se penche sur le cas
particulier de Lunel. Je vais le lui signaler.
Par ailleurs, vous avez vous-même évoqué, la signature d'un contrat local de sécurité qui pourrait être l'occasion de
poursuivre les efforts déjà entrepris en améliorant la coordination entre l'Etat et les partenaires locaux, afin de répondre de
la façon la plus adaptée aux besoins de sécurité de la population.
Il faut voir quels moyens l'Etat peut mettre en oeuvre et quels moyens les collectivités locales ou d'autres acteurs de la
sécurité - je pense en particulier, aux bailleurs sociaux - peuvent y adjoindre, sous la forme, par exemple, d'agents locaux
de médiation sociale.
En tout cas, il faut un bon diagnostic. Il faut définir clairement les priorités et il faut mettre à la clé un certain nombre de
moyens supplémentaires.
Je tiens cependant à vous faire observer, monsieur le sénateur, que la situation à Lunel même comporte plutôt des signes
d'amélioration. Cela étant, le problème mérite examen, et il y sera procédé.
M. André Vezinhet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui, tout au moins dans son dernier terme,
ouvre une espérance, celle d'un examen plus approfondi de cette situation.
Je souhaiterais toutefois développer deux arguments allant dans le sens que vous indiquez.
Dans le département de l'Hérault - il n'est pas question dans mon esprit de déshabiller Pierre pour habiller Paul - la ville
de Pézenas, célèbre pour avoir hébergé Molière, compte trente-cinq policiers d'Etat pour une population de 8 000
habitants, et la ville voisine de Lunel aucun pour 22 000 habitants. Cette disparité est mal vécue et mérite à elle seule votre
considération.
Vous avez évoqué le contrat local de sécurité, et c'est un point positif dont nous tenons à vous remercier. A cet égard,
l'action de votre représentant, le préfet du département, a été très efficace. Mais la ville de Lunel est pénalisée. En effet,
sa sécurité relevant de la gendarmerie, elle ne peut bénéficier d'adjoints de sécurité et doit donc recourir, dans le cadre de
ce contrat local de sécurité, à des agents d'ambiance, ce qui représente un coût supplémentaire de 20 %, qui n'est pas
pris en charge, ce qui serait le cas si la sécurité de la ville de Lunel ressortissait à la police d'Etat.
Comme je vous le disais tout à l'heure, cette commune supporte une charge financière très lourde : 17 points de fiscalité
pour la sécurité.
Ayant lu avec une attention toute particulière le rapport de M. Sueur sur la politique de la ville, je voudrais enfin formuler
l'espoir que le cas de Lunel - ville de 22 000 habitants dont les taux de chômage ont été évoqués tout à l'heure - puisse
être également considéré.
Je suis sûr que vous serez, monsieur le ministre de l'intérieur, un interlocuteur très privilégié pour que nous puissions
également considérer ce problème avec le plus grand sérieux dans le cadre de la politique de la ville ; je vous en remercie
par avance.