M. Matthias Tavel rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, que sa réponse du 30 avril 2023 à la question écrite qu'il lui a posée en date du 31 janvier 2023, loin d'être satisfaisante, ne correspond en aucun cas à la réalité vécue par les juridictions du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, ni celle du conseil de prud'hommes.
Le fonctionnement de ce dernier, juridiction paritaire dont on peut aisément imaginer l'importance du rôle et notamment celui de sa section industrie, sur un bassin tel que celui de Saint-Nazaire, est gravement perturbé depuis que son greffe a été supprimé en raison de la création du greffe unique de tribunaux judiciaires en 2020 et d'une diminution continue de ses effectifs depuis 4 ans.
Il en est résulté que le fonctionnement du conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire est devenu dépendant du nombre d'agents du greffe unique mis à sa disposition. À ce jour, la juridiction prud'homale de Saint-Nazaire dispose d'une seule greffière qui travaille à temps partiel (80 % ETP). Aujourd'hui, la juridiction n'a d'autre choix que celui de réduire son activité en renvoyant des audiences de bureau de jugement à plusieurs mois.
Les justiciables, salariés et employeurs, vont donc pâtir d'un allongement du délai de règlement de leur contentieux, alors que les parties à un litige ont toujours à cœur de voir trancher leur différend dans les meilleurs délais. S'agissant du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, les juridictions, tant civiles que pénales, ne sont tristement pas en reste.
Le manque de greffiers est estimé à 25 % selon le bâtonnier de Saint-Nazaire. Au civil, les délais d'audiencement et ceux pour obtenir une décision sont anormalement rallongés en raison, là aussi, d'un manque criant de personnels. Laissant ainsi des justiciables dans le désarroi, en attente que leur soit notifiée la décision d'un juge aux affaires familiales, d'un juge des tutelles ou un jugement de divorce contentieux pour ne citer que ces exemples.
Au pénal, les deux cabinets à l'instruction sont demeurés sans greffier durant trois mois. Une personne vient juste d'arriver en renfort le 11 septembre 2023, mais pour une période limitée. La nouvelle procédure d'hospitalisation sous contrainte issue de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 liée à l'isolement et à la contention dans le cadre d'une hospitalisation sous contrainte est placée sous le contrôle d'un juge des libertés et de la détention (JLD).
Elle impose le respect d'une procédure stricte et rigoureuse, notamment en matière de délais entre les actes. On connaît l'importance de ces délais qui sont contrôlés de manière stricte par la Cour de cassation (Civ. 1re, 8 juill. 2020, n° 19-18.839, Dalloz actualité, 4 sept. 2020, obs. C. Hélaine ; D. 2020. 1465).
Cette procédure est donc particulièrement lourde en matière de charge de travail pour les greffes. À Saint-Nazaire, elle a été suspendue depuis plus d'un an faute d'effectifs. La juridiction en est ainsi contrainte à faire le tri entre les lois qu'elle applique et celles qu'elle n'applique pas. L'État encourt donc d'être condamné pour faute lourde en cas de dommage causé par un fonctionnement défectueux de la justice.
En témoigne la motion rédigée par l'Ordre des avocats du barreau de Saint-Nazaire qui dénonce que le point atteint à Saint-Nazaire est historique en cette année 2023. Ce, malgré des alertes et actions répétées des greffiers depuis des mois. C'est dire l'état du délabrement du service public de la justice dans le ressort, a fortiori très étendu, de cette juridiction.
Loin des effets d'annonce et de communication, le rapport remis le 8 juillet 2023 par le comité chargé de la synthèse des États généraux de la justice est sans appel : 1 500 magistrats et 2 500 à 3 000 greffiers doivent être recrutés pour assurer ne serait-ce qu'un fonctionnement normal de la justice.
On a appris que ces chiffres incluaient les postes déjà existants, mais vacants. Il y a quelques jours, le ministère de la justice a annoncé un plan massif de recrutements. Concernant la cour d'appel de Rennes, il a été annoncé la création de 173 postes d'ici 2027, de 58 magistrats, de 61 greffiers et de 54 attachés de justice d'ici 2025.
Rien n'est précisé s'agissant des affectations dont pourraient bénéficier les juridictions de Saint-Nazaire, étant rappelé que compte tenu du temps nécessaire à la formation de ces personnels, la situation « historique » et catastrophique du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire et celle de son conseil de prud'hommes ne sont pas près d'être améliorées.
Par la motion qu'il a adressé au premier président de la cour d'appel de Rennes, l'Ordre des avocats du barreau de Saint-Nazaire fait état de « dysfonctionnements liés au manque de greffiers et de magistrats » et demande au ministère de la justice « d'agir immédiatement ». En réponse, on apprend que la liste des postes proposés à la mutation des greffiers pour mars 2024 vient de paraître.
Malgré une situation jugée clairement délétère pour les magistrats et greffiers de Saint-Nazaire, mais aussi pour les conseillers prud'homaux et parfaitement connue des services du ministère de la justice, aucun poste n'est proposé pour le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire. Il lui demande donc quelles sont les mesures d'urgence et actions qu'il entend prendre et mettre en œuvre, afin de répondre aux demandes de moyens humains supplémentaires complètement légitimes formées par le président du conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire, les greffiers du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire et l'Ordre des avocats du barreau de Saint-Nazaire.