STRATÉGIE INDUSTRIELLE DU GOUVERNEMENT FACE À LA CRISE LIÉE AU COVID-19
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain. Les mesures d'urgence sont d'autant plus urgentes qu'elles n'ont pas été anticipées. Comment la sixième puissance économique mondiale peut-elle se retrouver dans une telle pénurie de masques, de gel, de gants, de tests, de lits, de matériel d'intubation, alors même que, comme l'a répété hier le Premier ministre, cela fait deux mois que le Gouvernement se prépare ? Il faut un plan de mobilisation sanitaire pour organiser notre réponse dans le temps.
Les appels au secours se multiplient, pointant le défaut de matériel qui met en grave danger les personnels soignants.
Les stocks de masques n'auraient pas dû être détruits, l'entreprise Honeywell Safety n'aurait pas dû arrêter de produire 200 millions de masques FFP2 par an, faute de commandes de l'État. Maintenant, nous avons besoin d'orchestrer la fabrication en France. En quarante-huit heures, les Tissages de Charlieu, dans la Loire, ont par exemple modifié leurs lignes de production pour en fabriquer 130 000 par jour.
Alors, quelles entreprises allez-vous enfin réquisitionner ? Quelles chaînes d'approvisionnement avez-vous mises en place ? Les hôpitaux manquent de bouteilles d'oxygène. Luxfer, seule usine qui en fabriquait en France, a été délocalisée en 2018, mais ses ouvriers implorent une remise en activité ; allez-vous enfin la permettre ? Les cliniques privées demandent à être réquisitionnées ; qu'attendez-vous ?
M. Olivier Véran, ministre. C'est fait !
Mme Clémentine Autain. La pénurie de gel… Que dire ? Les messages de prévention nous demandent de nous laver les mains avec du savon, ou à défaut avec du gel hydroalcoolique, mais bon courage pour en trouver ! Quelle mainmise de la puissance publique sur les entreprises françaises qui peuvent en fabriquer ? La France a entièrement délocalisé la fabrication de paracétamol ; quand et comment allez-vous relancer sa production ?
Notre santé ne peut pas être indexée sur le profit. Ce matin, le ministre Bruno Le Maire a invité à faire preuve de la plus grande modération dans le versement des dividendes cette année ; pourquoi une simple invitation verbale et non une contrainte légale, comme vous savez le faire quand il s'agit de contraventions individuelles pour manquement aux règles de confinement ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Impeccable !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher,Je vous remercie de célébrer, au travers de vos propos, l'industrie française. Vous avez raison : elle a été durement attaquée entre 2000 et 2016, puisqu'elle a vu disparaître 1 million d'emplois dans notre pays.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher,Je me réjouis de faire partie d'un gouvernement qui a fait de la reconquête industrielle un des axes prioritaires de sa politique économique, ce qui nous a permis de créer de l'emploi industriel en 2017, en 2018 et en 2019. C'est peut-être cela qui explique qu'aujourd'hui, nous ayons réussi à mobiliser les filières industrielles dans le combat contre le coronavirus.
Vous indiquez qu'il faut fabriquer du gel hydroalcoolique ; nous en avons augmenté drastiquement la production grâce à des entreprises comme LVMH, Tereos, Pernod Ricard ou L'Oréal, qui ont permis cet exploit en quelques semaines, et je peux vous dire que nous ne sommes pas à court de gel aujourd'hui. Une liste de fournisseurs, régulièrement mise à jour, est à disposition des professionnels pour se procurer des quantités importantes de gel hydroalcoolique.
Nous sommes en train d'inventer des masques en tissu réutilisables ayant des propriétés de filtration – parce qu'il ne suffit pas de faire de la couture pour faire un masque, celui-ci doit avoir des propriétés de filtration – et nous allons, dans les prochaines heures, lancer la filière textile pour en produire chaque jour des centaines de milliers.
Comme je l'ai dit, nous sommes en train de monter en cadence en matière d'agroalimentaire et de santé.
Mais la question que vous posez renvoie aussi à l'après-crise, à la manière dont nous allons poursuivre la reconquête industrielle pour relocaliser certaines productions. Car nous n'avons pas attendu cette crise pour nous intéresser à la filière sanitaire – c'était l'un des enjeux de la mission Biot qui a été lancée à l'automne – et nous sommes en train de négocier des réimplantations.
Voilà des mesures concrètes ! Voilà notre politique ! Je veux remercier une ultime fois les industriels qui sont parfois malmenés par certaines voix sur ces bancs ; aujourd'hui, ils sont au rendez-vous.
M. Sébastien Jumel. Ce n'est pas juste de dire ça ! Le temps est à l'unité.