M. Sébastien Nadot interroge M. le Premier ministre sur la légalité des autorisations de ventes d'armes, assistance, technologie et services qu'il octroie aux entreprises françaises à destination de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Les demandes de licences, individuelles ou globales, d'exportations d'armements et de biens sensibles (dits aussi « biens à double usage ») sont instruites par la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).
Sous la responsabilité du Premier ministre et par sa délégation, cette commission est présidée par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. Le principe retenu par la France, en termes d'exportations d'armement, est celui du régime d'exception : ainsi les exportations d'armement sont interdites sauf autorisation de l'État et sous son contrôle.
La CIEEMG réunit des représentants des ministres chargés des armées, des affaires étrangères et de l'économie. Elle formule des avis en tenant compte des conséquences des exportations en question sur la paix et la sécurité régionales, la situation intérieure du pays de destination finale et ses pratiques en matière de respect des droits de l'Homme.
Or, dans son rapport du 28 août 2018, le groupe d'experts mandaté par les Nations unies chargé d'enquêter sur les violations et les atteintes au droit international commises au Yémen considère que toutes les parties prenantes au conflit ont potentiellement commis des « crimes de guerre ». Le groupe d'experts a des motifs raisonnables de penser que des membres de la coalition menée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, du gouvernement yéménite et de leurs adversaires Houtis, ont pu mener des attaques en violation des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution du droit international, causant par-là de nombreuses victimes civiles.
Par ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, la France ne respecte pas, en toute connaissance de cause, les articles 6.3 et 7 du traité sur le commerce des armes (TCA). En effet, le TCA, ratifié par la France en 2014, stipule qu' « un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d'armes classiques s'il a connaissance, lors de l'autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie » (Article 6.3).
La France ne respecte pas non plus la position commune de l'Union européenne 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d'équipements militaires qui stipule que chaque État membre de l'UE évalue, au cas par cas, les demandes d'autorisations d'exportations qui lui sont adressées pour des équipements militaires : « Après avoir évalué l'attitude du pays destinataire à l'égard des principes énoncés en la matière dans les instruments du droit humanitaire international, les États membres refusent l'autorisation d'exportation s'il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l'exportation est envisagée servent à commettre des violations graves du droit humanitaire international » (article 2.2).
Après examen de « la situation intérieure dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés), les États membres refusent l'autorisation d'exportations de technologies ou d'équipements militaires susceptibles de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d'aggraver des tensions ou des conflits existants dans le pays de destination finale » (article 2.3).
Les États membres tiennent compte, entre autres, des antécédents du pays acheteur dans le respect de ses engagements internationaux, notamment et du droit humanitaire international (article 2.6). Le respect du TCA, de la Position commune de l'Union européenne et des conclusions que l'on peut d'ores et déjà tirer de « l'affaire Khashoggi » en matière de respect du droit international par l'Arabie saoudite, ont amené l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande à suspendre leurs exportations d'armes vers ce pays.
Il lui demande sous quel délai la France, à travers sa décision, compte se mettre en conformité avec le droit international au regard des informations, sans équivoque, concernant les agissements des belligérants au conflit au Yémen.