Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le recours à la sismothérapie en France. Elle souhaite attirer plus particulièrement son attention sur les doutes portant sur la valeur thérapeutique de ces électrochocs administrés aux patients souffrant d'anxiété ou de dépression intense.
La sismothérapie, ou électroconvulsiothérapie, est une technique médicale de traitement de troubles psychiatriques telles que les dépressions sévères résistantes aux traitements médicamenteux. Elle consiste, après curarisation et anesthésie préalables, en l'administration d'électrochocs pour stimuler le cerveau et créer artificiellement des crises d'épilepsie contrôlées.
C'est une opération médicale assez courante en France, pratiquée dans une centaine de centres hospitaliers. Elle est codée et remboursée par la sécurité sociale. Or, selon plusieurs professeurs de médecine et la Commission des citoyens pour les droits de l'Homme (CCDH), il apparaît nécessaire de limiter drastiquement le recours à la sismothérapie, du fait de ses lourdes conséquences pour les patients qui reçoivent ce traitement aujourd'hui.
D'après l'article R. 4127-35 du code de la santé publique, le médecin doit délivrer une « information loyale » quant aux soins qu'il propose et administre à ses patients. Or plusieurs études contrôlées sur les électrochocs en France et aux États-Unis alerteraient sur l'inefficacité potentielle de ce traitement et les nombreuses lésions cérébrales que celui-ci engendrerait.
Une forte surmortalité des personnes âgées sur qui ce traitement est administré, semble aussi être constatée. Les effets de la sismothérapie pourraient être comparables à ceux de la lobotomie, pratique chirurgicale consistant en l'altération voire la section de fibres nerveuses d'un lobe cérébral. Il semble donc demeurer une grande asymétrie d'informations entre les discours des médecins qui la pratiquent et les patients qui subissent ce traitement.
Fruit d'une longue bataille judiciaire entre la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et la CCDH dans la publication des données statistiques, il apparaît que le recours à la sismothérapie augmente depuis les années 2010. 20 % de traitements supplémentaires par électrochocs entre 2010 et 2017 auraient été prescrits et actés selon les données fournies par la CNAM.
C'est pourquoi elle lui demande si son ministère dispose d'informations attestant de l'efficacité de ces traitements de sismothérapie. Le cas échéant, elle l'interroge sur une possible action pour rendre cette thérapie psychiatrique plus transparente. En revanche, si des éléments fournis par des autorités indépendantes portent déjà à croire que ces pratiques constituent bel et bien un problème de santé publique, elle lui demande si des actions sont prévues par son ministère pour venir en limiter la prescription et l'administration.
L'électro convulsivothérapie (ECT) ou sismothérapie vise à traiter les phases aiguës de certaines pathologies mentales telles les épisodes thymiques aigus et dans les exacerbations symptomatiques schizophréniques. En application des recommandations en vigueur pour la pratique clinique élaborées par l' agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé en 1997, la décision de recourir à l'ECT repose sur un examen approfondi du patient par le médecin spécialiste, qui vérifie l'échec ou l'impossibilité de recourir aux autres traitements disponibles.
La séance d'ECT se déroule sous anesthésie générale courte et curarisation. La mise en œuvre de ce traitement ne peut intervenir sans le consentement de la personne, en application de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique. Les recommandations de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en octobre 2006 sur le bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l'adulte et la recommandation de bonnes pratiques publiée par la Haute autorité de santé en octobre 2017 sur la prise en charge thérapeutique et le suivi de l'épisode dépressif caractérisé de l'adulte ont confirmé l'intérêt de l'ECT en tant qu'alternative aux traitements médicamenteux notamment pour les troubles bipolaires.
Selon les données détaillées sur le site de l'Assurance maladie concernant les actes techniques de la classification commune des actes médicaux (CCAM) remboursés chaque année par l'ensemble des régimes d'assurance maladie sur l'ensemble du territoire, 25 378 actes techniques médicaux correspondant à des séances d'électro convulsivothérapie étaient comptabilisés en 2017 pour un montant total remboursé de 939 628,05 €.
Dans le même temps, 27 563 actes d'anesthésie dans le cadre de séances d'électro convulsivothérapie étaient recensés pour un montant de remboursement de 1 345 097,36 €. La comparaison sur 3 années, entre 2015 et 2017, des actes techniques médicaux de sismothérapie montre une évolution de 5% des actes.
Il apparaît à l'analyse de ces données que les séances de sismothérapie pratiquées en France se font systématiquement sous anesthésie, en application des recommandations professionnelles en vigueur. Depuis le 1er janvier 2017, les actes médicotechniques réalisés dans le cadre de l'hospitalisation complète ou partielle, quel que soit le médecin qui les réalise, doivent être enregistrés dans les résumés par séquence (RPS) du programme de médicalisation des systèmes d'information.
Ce recueil des actes de classification commune des actes médicaux (CCAM) demandé par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) visait prioritairement à recueillir les actes de sismothérapies. Lors de son comité technique plénier psychiatrie du 3 juillet 2018, l'ATIH a présenté les résultats de ces transmissions des établissements transmetteurs (206) ; les séances de sismothérapie représentaient moins d'un quart des actes CCAM enregistrés dans les RPS.