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Victimes du 48 rue de la République à Saint-Denis

Question écrite de M. Stéphane Peu - Premier ministre

Question de M. Stéphane Peu,

Diffusée le 27 novembre 2017

M. Stéphane Peu interroge M. le Premier ministre sur les victimes du 48 rue de la République à Saint-Denis (93200). Il y a deux ans, le 18 novembre 2015, en pleine nuit, le RAID et la BRI menaient l'assaut du 48 rue de la République afin de neutraliser des membres du réseau terroriste des attentats du 13 novembre 2015, qui s'y étaient retranchés quelques heures plus tôt.

Cette opération antiterroriste durera plusieurs heures durant lesquelles plusieurs milliers de balles seront tirées. Victimes collatérales de cette opération, les 47 ménages soit plus de 80 personnes (adultes et enfants) de cet immeuble ont vu en quelques instants leur vie basculer. Ces victimes doivent être traitées dignement.

De l'aveu même des policiers antiterroristes, 95 % des policiers et des militaires de ce pays partent en retraite sans avoir connu une scène de guerre aussi intense et violente que celle vécues par ces hommes, ces femmes et ces enfants. Traumatisés par la violence de l'opération, évacués brutalement et définitivement de leur logement - l'immeuble ayant été déclaré inhabitable depuis - leur désarroi deux ans après est immense.

L'État ayant pris un retard considérable dans les premières semaines qui ont suivi l'assaut, et malgré sa remobilisation depuis, cinq questions restent à ce jour en suspens : premièrement, ces ménages doivent être reconnus au titre du statut de victimes du terrorisme. Ce serait la juste reconnaissance de ce qu'ils ont vécu et, en outre, ils pourraient bénéficier des indemnisations et des suivis sanitaire et psychologique nécessaires à leur reconstruction.

Deuxièmement, les personnes sans titre de séjour le jour de l'assaut doivent pouvoir bénéficier d'une régularisation administrative à titre humanitaire, à l'instar des victimes des incendies meurtriers de l'hôtel Paris-Opéra, de la rue du Roi doré, du boulevard Vincent Auriol. Or, aujourd'hui, il reste encore des personnes non régularisées.

Troisièmement, le relogement des ménages n'est pas achevé. La ville et le bailleur public local ayant supporté la grande majorité des relogements, l'État doit prendre le relais pour les derniers ménages encore en attente d'un toit digne et durable. Quatrièmement, la procédure en indemnisation des propriétaires est toujours en cours et aucune indemnisation n'a encore été versée par l'État.

L'impatience des propriétaires est légitime et doit donc prendre fin au plus vite. Cinquièmement, devant l'incapacité de la copropriété à réhabiliter cet immeuble, la ville a demandé un avenant au PNRQAD pour financer la restructuration de cet ensemble immobilier. Malgré un accord de principe de l'ANRU, la ville est dans l'attente de la signature de cette convention pour la mise en œuvre opérationnelle.

Aussi, il lui demande sur ces cinq questions de lui apporter des précisions et des réponses de nature à rassurer les victimes, les propriétaires et la municipalité.

Réponse - Premier ministre

Diffusée le 23 septembre 2019

Au regard des opérations de police judiciaire conduites le 18 novembre 2015 en Seine-Saint-Denis (93), dans le cades de la recherche des auteurs des attentats du 13 novembre 2015, qui ont occasionné des dommages matériels, notamment au préjudice des résidents de l'immeuble où les auteurs étaient localisés, la section anti-terroriste du parquet de Paris a qualifié les faits de « Tentatives d'assassinats, en bande organisée, sur des personnes dépositaires de l'autorité publique en relation avec une entreprise collective visant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur », « Fourniture à l'auteur ou complice d'un acte de terrorisme puni d'au moins dix ans d'emprisonnement, d'un logement, un lieu de retraite, des subsides, des moyens d'existence ou tout autre moyen de se soustraire aux recherches ou à l'arrestation, en relation avec une entreprise collective visant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».

Dès lors, les habitants de l'immeuble n'ont pas été juridiquement considérés comme des victimes de terrorisme, dans la mesure ou les tentatives d'assassinats retenues par l'autorité judiciaire ne visaient que les fonctionnaires de Police ayant essuyé les tirs et directement visés par les explosions lors de l'intervention.

En effet, le Parquet a considéré que l'intention des terroristes retranchés était de résister à l'assaut des forces de l'ordre et de les tuer et non pas de viser directement les habitants de l'immeuble. Lors du récent procès de Jawad BENDAOUD, Mohamed SOUMAH et Youssef AIT BOULAHCEN, les deux premiers étant poursuivis du chef de recel de malfaiteurs terroristes en récidive légale, et le troisième de non dénonciation de crime terroriste, la position du tribunal correctionnel n'a d'ailleurs pas remis en question ces qualifications.  Par conséquent, les habitants de l'immeuble de Saint-Denis n'ont pas fait l'objet d'une inscription sur une liste de victimes d'un acte de terrorisme par le Parquet de Paris.

Ils ne relèvent donc pas des dispositions de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et de ce fait ne sont pas éligibles à une indemnisation devant le Fonds de Garantie des victimes d'actes de Terrorisme et d'autres Infractions (FGTI). Concernant l'indemnisation des personnes lésées pendant cet assaut, celle-ci relève de la responsabilité de l'Etat au titre de l'indemnisation des suites d'une opération de police judiciaire.

Les services du Ministère de la Justice, en charge de cette procédure, ont été saisis de 50 demandes d'indemnisation formulées par des occupants de l'immeuble, 5 dossiers de commerçants et 3 demandes de représentants de propriétaires non occupants qui ont fait l'objet du traitement suivant. Sur les 50 demandes reçues, 45 personnes ont été indemnisées au titre de leur préjudice matériel.

Sur les 59 adultes présents, 38 ont à ce jour été indemnisés, forfaitairement ou sur expertise, au titre d'un préjudice spécifique qui résulte des conditions exceptionnelles dans lesquelles s'est déroulée l'opération de police judiciaire. S'agissant de l'indemnisation provisionnelle de ce même préjudice spécifique pour les 24 mineurs présents, l'association SOS victimes 93 a été mandatée pour constituer les dossiers et les faire parvenir au Ministère de la Justice en vue de la saisine du juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Bobigny.  S'agissant de l'indemnisation du préjudice corporel des 5 personnes blessées, des expertises médicales ont été réalisées et des propositions d'indemnisations provisoires ou définitives ont été transmises.

S'agissant enfin de l'indemnisation des propriétaires et des commerçants, une expertise immobilière chargée de déterminer la part de responsabilité de l'Etat dans le péril menaçant l'immeuble et de proposer une indemnisation correspondante aux propriétaires a été réalisée et transmise au Ministère de la Justice lors du dernier trimestre 2017.

Les propositions d'indemnisations sont en cours de transmission, au titre du préjudice matériel et des frais de remise en état et au titre du préjudice locatif. Par ailleurs, ces personnes ont fait l'objet d'une prise en charge par l'association d'aide aux victimes locale compétente SOS Victimes 93, subventionnée par la Cour d'appel de Paris sur le programme 101 du ministère de la Justice, et requise à cette fin par le parquet.

Cette association, qui leur a apporté une aide gratuite, confidentielle, globale et pluridisciplinaire adaptée à leur situation, a été associée au dispositif d'indemnisation mis en place par le ministère de la justice, afin de permettre l'information de tous les résidents identifiés et de faciliter leurs démarches dans ce cadre.

Cette association a fait le lien avec la cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) du 93 avec laquelle un partenariat de longue date est établi, pour mettre en place un suivi psychologique pour les personnes qui le nécessitaient.

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