VIOLENCES CONJUGALES
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain. Elle s'appelait Sylvia. Elle avait quarante ans. Elle a été poignardée par son mari. En sang, elle a appelé sa fille, mais les gendarmes sont arrivés trop tard.
La semaine dernière, j'ai reçu dans ma permanence une femme, qui était clairement sous emprise psychologique et en danger. Elle avait envie de partir, mais elle n'avait ni salaire, ni solution de logement – et pas davantage d'épargne salariale, madame Pénicaud.
Pour lui venir en aide, les mots ne suffiront pas, je le dis franchement. Ce n'est pas le Grenelle des violences conjugales qui a brisé la chaîne du silence, mais la vague planétaire #MeToo, provoquant un mouvement de libération de la parole, qui a déferlé dans le débat public et sur les réseaux sociaux.
Ce que nous attendons de vous, madame la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, ce sont des actes. Ce sont des actes qui sont demandés à cor et à cri par les femmes en souffrance et violentées.
Depuis l'impressionnante manifestation de samedi dernier, le fossé séparant nos espoirs de vos annonces apparaît comme un abîme. Nous demandons 1 milliard d'euros, et nous obtenons des mesures dont la plupart sont dépourvues de moyens ou ont été annoncées il y a six ans, ou encore qui infantilisent les femmes.
Je tiens à dire ici à quel point l'inflation des mots de la communication – grande cause nationale, grande loi, Grenelle des violences conjugales – se fracasse sur le mur de votre obsession de l'austérité budgétaire. Nous demandons 1 milliard d'euros en urgence – somme que le Gouvernement a réussi à trouver lorsqu'il s'agissait de supprimer l'ISF et d'instaurer la flat tax.
Ces moyens, nous en avons besoin pour éduquer, former, accompagner, réparer et juger, pour dévitaliser la domination masculine dont les violences faites aux femmes sont l'expression ultime. À présent, tous ici, nous savons, madame la secrétaire d'État. C'est pourquoi notre responsabilité – la vôtre au premier chef – est engagée. Il y a un an, vous avez su, lors du mouvement…
M. le président. Merci, chère collègue.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Marlène Schiappa,Madame Autain, je commencerai par saluer votre engagement dans ce combat, ce qui me semble être la moindre des choses. Je m'appuierai sur l'exemple que vous avez partagé avec nous pour vous faire comprendre pourquoi nos actes permettront de modifier de tels parcours.
Vous indiquez que cette femme est venue vous voir dans votre permanence. Dorénavant, nous outillons les élus à ce sujet – nous avons obtenu le concours de l'Association des maires de France et des réseaux d'élus locaux –, car tous ne sont pas sensibilisés au sujet des violences sexistes et sexuelles comme vous l'êtes.
Ainsi, ils disposeront de supports de parole, d'accompagnement, de direction et d'orientation des femmes concernées.
Vous avez évoqué les gendarmes. Dorénavant, les gendarmes sont formés.
Mme Danièle Obono. Ah bon ?
Mme Marlène Schiappa,Je me suis rendue vendredi dernier, avec Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, à l'école de gendarmerie de Chaumont.
Mme Danièle Obono. Voilà qui change tout !
Mme Marlène Schiappa,Dès cette année, la formation initiale des élèves gendarmes inclut 130 heures de formation théorique et pratique, afin d'améliorer l'accueil des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. Ils seront outillés de grilles d'évaluation du danger et d'un protocole. Par ailleurs, les armes utilisées seront désormais saisies dès le premier dépôt de plainte.
Vous avez évoqué l'emprise psychologique. Dans la proposition de loi qui sera présentée prochainement par Mme Bérangère Couillard et M. Guillaume Gouffier-Cha, l'emprise psychologique sera définie. Il s'agit d'un acte, madame Autain.
Mme Danièle Obono. Non !
Mme Marlène Schiappa,Vous avez évoqué la question de l'hébergement. Dorénavant, il en existe davantage, ce qui représente plusieurs millions d'euros. En outre, l'État se portera garant d'un engagement de 5 millions d'euros, permettant aux femmes battues de louer un hébergement temporaire grâce à la garantie Visale.
Mme Mathilde Panot. Il faut des milliards, pas des millions !
M. Loïc Prud'homme. Il faut des hébergements d'urgence !
Mme Marlène Schiappa,Tout cela, ce sont des actes ! Nous avons attribué 1,116 milliard d'euros à l'égalité entre les femmes et les hommes pour 2020. Les actes sont là, madame Autain ; les financements aussi. Nous pouvons toujours avoir un débat sémantique sur l'austérité…,
Mme Danièle Obono. Il s'agit bien de sémantique !
Mme Marlène Schiappa,…mais personne ne peut dire qu'un pays engageant 1,116 milliard d'euros pour l'égalité entre les femmes et les hommes est gouverné par l'austérité.