Mme Clémentine Autain alerte M. le ministre de l'intérieur sur les violences policières constatées lors de la manifestation du 9 janvier 2020 contre le projet du Gouvernement portant sur le système de retraites. Tabassages, coups de matraque, gaz entrainant des vomissements, interpellations de journalistes et confiscation de leur matériel de travail, les images et les récits des dernières manifestations dans l'espace public sont choquantes.
Les chiffres confirment une situation d'extrême violence. Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », on dénombre plus de 24 éborgnés, au moins 2 400 blessés côtés manifestants et 1 800 parmi les forces de l'ordre. La mobilisation contre la réforme des retraites du Gouvernement s'inscrit dans ce sillage.
On assiste à des violences policières hors normes. Les photos de membres arrachés et de manifestants défigurés, alors même que les personnes manifestent pacifiquement, laissent à penser que la violence des forces de l'ordre est aujourd'hui banalisée. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos donnent à voir des débordements et un usage manifestement disproportionné de la violence par les policiers.
On y voit par exemple une femme, gréviste depuis 36 jours, traînée au sol sur plusieurs mètres. D'autres manifestants sont tabassés, plaqués au sol, gazés à proximité du visage. Des vidéos témoignent clairement de l'usage de LBD à une distance nettement inférieure à 10 mètres, distance obligatoire pour l'usage de ce matériel.
Des parlementaires, notamment de la France insoumise et du groupe GDR, se mobilisent contre l'augmentation de cette forme de répression qui est à l'œuvre depuis plusieurs mois. Ils ont émis de nombreuses propositions pour une désescalade de la violence et le respect du droit à contester, à manifester dans ce pays attaché aux libertés et à la démocratie.
Une proposition de loi a été déposée visant à interdire l'usage des LBD 40. La tension permanente génère de graves manquements en dehors des manifestations. On a en tête le récent décès de Cédric Chouviat, livreur de 42 ans décédé à la suite d'un contrôle d'identité. La mort tragique de ce père de cinq enfants, des suites d'un plaquage au sol entraînant une fracture du larynx, appelle à une réaction forte de la part du ministère.
Ce drame est la triste illustration d'une montée en puissance de la tension qui gangrène la relation entre police et population : il est urgent de rétablir un climat de calme et de dialogue. Les forces de l'ordre pâtissent de cette situation, ils ne sont aucunement protégés par l'impunité et l'engrenage de la violence.
La députée appelle le ministre de l'intérieur à prendre les mesures nécessaires pour que les forces de l'ordre s'appliquent à leurs missions premières : protéger, calmer, encadrer. Elle rappelle que la police n'est pas un outil politique au service d'un Gouvernement en difficulté mais une institution de protection au service des citoyens.
Chaque année, la préfecture de police assure, à Paris, la sécurité de plusieurs milliers de manifestations revendicatives et festives. Ces manifestations donnent lieu à la mise en place de dispositifs de sécurité adaptés en fonction de l'affluence prévue et des risques de troubles à l'ordre public. La quasi-totalité de ces évènements se déroulent dans le plus grand calme et la plus grande sérénité.
Cependant, la doctrine du maintien de l'ordre a été amenée à évoluer en décembre 2018 pour s'adapter aux nouvelles formes de contestation, plus violentes, qui ont notamment émaillé les manifestations des gilets jaunes. Cette doctrine repose désormais sur une plus grande mobilité et réactivité des forces de l'ordre.
Lorsque les situations l'exigent, conformément aux dispositions du code de la sécurité intérieure, « les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ».
En outre, en vertu de ses pouvoirs de police générale que lui confère l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales, le préfet de police a le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public et assurer le maintien de l'ordre. Or, au cours de manifestations, les forces de l'ordre sont régulièrement prises à partie par des individus, qui commettent par ailleurs des dégradations, et doivent employer la force pour rétablir l'ordre.
Cet usage de la force doit être, en toutes circonstances, nécessaire et proportionné. Tout manquement présumé donne lieu à une enquête pouvant mener à une sanction disciplinaire ou judiciaire, si le Parquet s'en saisit. Une réunion d'information à destination des élus et des acteurs socio-économiques, tenue par le préfet de police, est organisée une à deux fois par semaine en amont des manifestations.
A cette occasion, des indications sont communiquées sur les dispositifs déployés, le type de mobilisation et l'état de la menace. S'agissant précisément de la manifestation du 9 janvier 2020 contre le projet du Gouvernement portant réforme du système de retraites, la préfecture de police a mobilisé 5 161 effectifs pour sécuriser cette manifestation qui a réuni 56 000 participants, dont un bloc radical de 300 personnes.
Même si cette journée de contestation s'est déroulée à Paris sans trouble majeur, certaines tensions ont émaillé la dispersion et des manifestants s'en sont violemment pris aux policiers intervenant pour mettre fin aux dégradations commises. A cette occasion, 24 individus ont été interpellés, parmi lesquels 21 ont été placés en garde à vue.
La nouvelle doctrine employée, qui nécessite une réactivité immédiate et rapide des forces de l'ordre, a permis de limiter l'utilisation de la force. Ainsi, le nombre de tirs de lanceurs de balles de défense et de grenades est très limité depuis la mise en place de ce dispositif. 36 personnes ont été légèrement blessées : 20 parmi les manifestants et 16 parmi les policiers.