M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Darnaud, j'aime les mots de chemin, de trace... Dans mon pays de Savoie, on sait ce que c'est qu'une trace durable. Et on aime les chemins, même escarpés ! Je ne parle pas du travail du Premier ministre... (Sourires.)
Au cours de mon long parcours - vous voyez mes cheveux blancs -, j'ai été pendant très longtemps président d'un département. J'ai été aussi ministre de l'environnement et de la prévention des risques naturels.
Par conséquent, monsieur le président, je vous dirai d'emblée, sans ambiguïté, que nous ne renoncerons pas à l'objectif de sobriété foncière. Nous devons maîtriser les risques d'une excessive artificialisation des sols. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER et GEST.) Je n'ai pas oublié les catastrophes auxquelles nous avons dû faire face.
Il y en a eu un certain nombre au cours des dernières années. Je ne parle pas seulement de ce qui s'est passé à Valence, dans un pays voisin et ami. N'ayons pas la mémoire courte, soyons prudents !
C'est l'objectif du travail que nous allons mener, comme je le disais tout à l'heure, avec les maires. Ils sont sur le terrain, en première ligne quand il y a une catastrophe, face à un risque ou pour résoudre des problèmes de cette nature.
J'ai appris aussi, lorsque j'étais ministre ou président de département, que les espaces naturels et les ressources naturelles ne sont ni gratuits ni inépuisables. Nous devons faire attention. Je sais que vous partagez cet état d'esprit aussi, monsieur le président Darnaud, et vous l'avez montré dans votre région. (Marques d'incrédulité sur les travées du groupe GEST.)
En même temps, on constate que la législation, la réglementation, enserre les maires dans un carcan. Or ceux-ci doivent pouvoir exercer leur mission, qui est aussi d'être des maires bâtisseurs, pour reprendre vos mots. On observe qu'on ne sait plus où construire certaines infrastructures ou installer certaines usines, certaines entreprises.
Je pense qu'il est possible de trouver un chemin - une trace - pour atteindre en même temps ces deux objectifs, qui ne sont pas incompatibles. Nous allons y travailler avec vous, avec l'Assemblée nationale et avec les élus locaux.
Je remercie sincèrement à mon tour les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier de leur proposition de loi, que nous allons soutenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) Son examen sera l'occasion d'introduire des ajustements, des assouplissements, toujours avec pragmatisme, dans l'application du ZAN.
Dans ce travail, il faudra aussi nous assurer, monsieur le président Darnaud, que l'objectif puisse toujours être atteint, comme je vous l'ai dit, mais nous devons aussi construire le ZAN en partant davantage de la réalité des besoins et du dialogue avec chaque territoire. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.)
En attendant, nous allons prendre, sous l'impulsion de Catherine Vautrin, plusieurs dispositions pour apporter de la souplesse, avant même le vote de ce texte, là où c'est possible et nécessaire. Nous inviterons les préfets à se saisir de la circulaire dite des 20 %, afin de donner des marges supplémentaires aux collectivités territoriales qui en ont besoin immédiatement. (M. Guillaume Gontard s'exclame.)
De plus, nous allons modifier les décrets pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus considérés comme des surfaces artificialisées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous prendrons aussi en compte les nouveaux projets au titre des projets d'envergure nationale et européenne. Je veillerai à ce que les préfets soient informés de notre volonté de changer bientôt la loi pour que les décisions futures soient prises en bonne intelligence avec les maires et en préfigurant, en quelque sorte, ce qui sera dans la loi.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Je me réserve aussi, monsieur le président Darnaud, la possibilité de prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires pour atteindre de manière intelligente, ambitieuse et souple cet objectif de protection de l'environnement.
Enfin, comme vous l'avez suggéré, nous pourrions peut-être changer le nom du dispositif : ce serait la trace du Sénat ! Ce changement serait le symbole d'un nouvel état d'esprit, d'une nouvelle confiance partagée en faveur de ce double objectif : construire, aménager, mais aussi faire attention à l'environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)